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Covid-19 : La brocante en disgrâce

Les acheteurs ne se bousculent plus devant les points de vente des objets de seconde main en provenance de l’étranger. La raison ? Ces marchandises véhiculeraient le virus tant redouté

 

Le Covid-19 continue de faire parler de lui à travers le monde. Elle domine l’actualité tant nationale qu’internationale et ne semble encore prêt à troquer sa célébrité contre aucun autre fait marquant de l’actualité. Reléguant ainsi au second plan les conflits, le terrorisme, la malnutrition, etc. Chaque jour, les différents pays paralysés par la maladie enregistrent leur lot de décès. Mais, l’impact du virus n’est pas que sanitaire. Il est aussi social, humanitaire et surtout économique.
En effet, dès son apparition dans notre pays, certains business, jadis florissants, sont tombés en léthargie. Il s’agit notamment de la vente d’objets d’occasion communément appelés « arrivage », « France au revoir » ou « casses ». Ces outils désuets qui retrouvent une seconde vie en Afrique, inondent le marché malien. Exposés un peu partout dans la ville, ils sont composés de téléviseurs, réfrigérateurs, matelas, téléphones portables, ordinateurs, chaises, jouets pour enfants, etc.
S’ils étaient très prisés par les Bamakois, beaucoup d’entre eux semblent s’en méfier, aujourd’hui. Au motif que ces objets usités proviennent d’Europe, d’Asie, d’Amérique : des pays fortement touchés par la pandémie du coronavirus. « J’étais très attirée par les « France au revoir ». Les articles sont de qualité et moins coûteux. Généralement, j’achetais des jeux pour mes enfants, des ustensiles de cuisine, des appareils électroniques. Avec cette maladie, je me méfie désormais de ces objets. La dame chez qui je m’approvisionne importe ces articles de France. Compte tenu du nombre d’infectés dans ce pays, je préfère ne pas prendre de risque. Surtout que je ne sais point quand ces articles ont franchi nos frontières », explique Oumou Traoré.

À côté d’elle, Drissa Traoré, l’air impatient, attend sa sœur. Elle trie certains objets. « J’accompagne ma sœur qui n’arrive toujours pas à se passer de ces objets en cette période de pandémie. Je l’ai prévenue, elle doit se désinfecter les mains avant de monter sur ma moto et de désinfecter aussi les objets une fois à la maison », avertit-il. Drissa s’empresse d’ajouter qu’il achetait constamment, lui-même, « les casses », surtout les appareils électroniques et les sacs. Il dit avoir cessé de les acheter depuis qu’il a appris la propagation de la maladie en Europe, bien avant la détection des premiers cas au Mali. « J’avais des commerçants spéciaux. Maintenant, je les salue de passage, et de loin », explique Drissa.
À cause de cette méfiance fondée souvent sur des rumeurs, des commerçants de « France au revoir » peinent à écouler leurs produits. Confortablement assis sur une chaise dans sa boutique au marché de Médina Coura, Fousseyni Traoré somnole. Congélateurs, téléviseurs et autres appareils électroniques remplissent sa boutique. Celui qui ne semble dormir que d’un œil, se réveille en captant des pas venant à lui. Il ne cache pas sa frustration face au ralentissement des affaires en cette période de pandémie. « Actuellement, il n’y a pas d’achat. Nous nous considérons comme étant au chômage. Nous pouvons passer une semaine sans vendre un seul article », se lamente-t-il, montrant du doigt son stock qui cherche preneur.

CAUCHEMAR- À cause du Covid-19, selon Fousseyni Traoré, des clients « se méfient de nos objets estimant qu’ils comportent le Covid-19. Nous ne disposons actuellement que d’anciens articles. Nous peinons à avoir de nouvelles marchandises à cause de cette crise sanitaire. Ce sont les nouveautés qui attirent les clients », développe le vendeur d’arrivage.
Ce négociant est loin d’être le seul qui, impuissant, assiste à la chute de son business, plombé par cette épidémie. D’autres, eux, confient vivre ce qu’ils assimilent à un cauchemar. C’est le cas de Rokia et Djénébou. Installées sur la route des 30 m de Niamakoro, elles exposent des verres à boire, des jouets pour enfants, des assiettes. Il est 16 h 30 mn. Les deux commerçantes dépoussièrent et arrangent des articles, l’air désemparé. Vous rentrez déjà ? « Oui, puisqu’il n’y a pas de vente. D’habitude, nous rentrons entre 18 h et 19 h pendant que des clients continuent à venir. Avec cette pandémie, les clients se font rares », explique Djénébou, d’un ton désespéré.

Mais qui, de mémoire, dit n’avoir jamais connu une période aussi difficile. « Tout est arrêté. Quand on appelle des clients revendeurs pour leur proposer des articles, ils répondent que nous sommes en période d’épidémie, qu’il n’y a pas de vente à leur niveau également, car les clients les fuient. Quant aux particuliers, ils disent aussi se méfier de ces objets », témoigne celle qui vend les « casses » depuis plus de 10 ans.
À peine finit-elle ses propos, Rokia Touré, une autre vendeuse, se joint à la conversation. « Il n’y a pas du tout de vente. Les gens disent que nos articles comportent des virus. Si cela était vrai, c’est sûr que le soleil piquant les aurait tués tous. C’est à cette situation grave que nous sommes confrontés », peste Rokia Touré. Pour peindre l’ampleur du préjudice, elle explique qu’avant cette pandémie, elle pouvait vendre entre 250.000 et 300.000 Fcfa par jour. « Maintenant, notre joie est immense les jours où nos recettes journalières atteignent 100.000 Fcfa. Les jours ordinaires où nous n’ouvrons pas de nouvelles balles, nous vendons entre 1.000 et 2.000 Fcfa », murmure celle qui vit de ce négoce.

RASSURER LA CLIENTÈLE- Elle invite les clients à venir acheter leurs articles qui, à l’en croire, sont loin d’être infestés de virus. « Nos produits viennent du Canada. Nous avions nos stocks bien avant cette pandémie. Donc, ils ne peuvent pas comporter de virus. Et puis, si cela était vrai, nous serions les premiers à présenter les signes de la maladie puisque nous sommes en contact permanent avec ces objets », tente-t-elle de rassurer la clientèle.
Sur la route de l’aéroport opère un magasin réputé dans la vente des « France au revoir ». Là, les clients qui se comptaient par dizaines, il y a quelques mois, ont déserté. Un revendeur qui a requis l’anonymat explique la rareté de la clientèle par le fait qu’ils n’ont plus assez de marchandises à proposer à la clientèle. S’y ajoute la méfiance de certains, mais pas que. « Nous avons plus de quatre conteneurs bloqués en France. Nous attendons avec impatience la fin du confinement là-bas », révèle-t-il.

Rencontré sur place, un homme venait d’acheter un sac pour son fils. Interrogé, il s’explique : « Je pense que ces objets ne contiennent aucun virus. S’ils en comportaient, je les lave une fois arrivé à la maison. J’ai entendu dire que le savon tue le virus », soutient l’acheteur. Qu’en pensent les experts du domaine ?
L’infectiologue Pr Daouda Kassoum Minta explique que nous sommes en période d’épidémie. Tous les objets peuvent servir de support, confirme le spécialiste. Pour éviter tout risque, le mieux serait de les pulvériser au départ et à l’arrivée. « Les acheteurs, s’ils veulent écarter tout risque, doivent les faire pulvériser avec de l’eau javellisée à 0.5%. Pour ce qui est des objets tels que les verres, les cuillères, ils doivent les tremper dans l’eau savonnée pendant un bon moment, avant de les laver très bien », préconise l’expert, tout en insistant sur le fait que les objets peuvent servir de support au virus. Il vaut mieux les pulvériser, insiste Pr Daouda Kassoum Minta.

Aminata Dindi SISSOKO

 

La friperie n’est pas épargnée

Le commerce des chaussures de « seconde main » et des friperies ressent également les effets néfastes du Covid-19. En témoigne la faible affluence des clients devant les boutiques au marché de Médine, principal centre de vente de ces objets-là. Devant une boutique de friperie, un groupe d’hommes trie des chaussures. La propriétaire des lieux, Mama Coulibaly est assise sur une chaise. Elle compte des paires de chaussures sélectionnées par des clients. En dépit de cette affluence – peut-être circonstancielle -, la grossiste crie son ras-le-bol. « Ils disent que la maladie se transmet par les friperies, nous, nous sommes vraiment découragés. On paie les magasins très chers et c’est la mévente », explique la grossiste qui vend des chaussures et des ballots d’habits.

Comme pour inviter les clients à venir acheter ses marchandises, Mama Coulibaly explique qu’elle vend maintenant des stocks anciens. Donc, précise-t-elle, ils ne peuvent comporter aucun virus, puisque importés avant le début de la crise sanitaire.

Cette situation « impacte beaucoup notre marché. Moi personnellement, j’ai des stocks. Comment le virus peut les atteindre étant donné que je les ai dans mon magasin bien avant la crise », renchérit Bourama Traoré, vendeur de chaussures d’occasion. Il invite les autorités à les appuyer en cette période critique.
Non loin de Bourama se trouve la boutique de Yacinthe Boro, vendeur de balles d’habits. Sa boutique est à moitié vide. Quelques balles jonchent le sol. « On ne peut pas rester en famille. C’est seulement quelques clients fidèles qui viennent acheter. On peut passer toute une semaine sans vendre une balle, à cause de cette pandémie », explique-t-il.

Au niveau du marché dit « Woro courou », la morosité se lit sur les visages de certains commerçants. Les uns somnolent, pendant que d’autres cherchent des clients sans succès. Dans un tel contexte, chaque passant devient un client potentiel, à leurs yeux. De quoi avez-vous besoin : des habits pour enfants ?, demandent-ils à tout va.
Interrogé à ce propos, Badara Camara, revendeur de chaussures d’occasion, déplore la baisse drastique des recettes en ces temps-là. « Bien avant la crise sanitaire, je pouvais gagner entre 30.000 à 50.000 Fcfa par jour. Actuellement, je remercie Dieu si j’arrive à avoir 5.000 », révèle-t-il, en espérant qu’avec la fête de ramadan qui s’approche les clients commenceront à venir.

Au marché de Kalabancoura, des vendeuses de friperie, installées le long du goudron, se plaignent aussi de l’impact du Covid-19 sur leurs affaires. « La maladie est venue ajouter son grain de sel à la situation difficile que nous vivions, aggravant ainsi notre condition qui était déjà fragile », analyse Ténin Diarra. Avant de s’inscrire en faux contre certains préjugés. « Les marchandises ne comportent aucun virus. Ce sont des anciens stocks. Même si c’était de nouvelles marchandises, c’est sûr qu’on ne va pas nous importer des habits comportant du virus », argumente-t-elle.

Sans contredire la thèse soutenue par cette vendeuse, le Pr Daouda Kassoum Minta estime qu’il est difficile de savoir à qui appartiennent ces habits qui nous parviennent. Est-ce pour des personnes atteintes du Covid-19 ou pas ? Une chose est sûre dans des pays comme la France, les matériels de tous les malades du Covid-19 ont été brûlés. Toutefois, avant de les utiliser, il faudra les tremper dans de l’eau savonnée pendant un moment, avant de les laver. Ainsi, l’on est sûr de s’être débarrassé du virus », estime l’infectiologue.

A. D. S.

Source : L’ESSOR

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