Plusieurs membres de la Cour Constitutionnelle du Mali ont démissionné. Il s’agit Fatoumata Diall, Mahamadou Boiré, M’Pèrè Diarra, Zoumana Cissé, Baya Berthé et Bamassa Sissoko.
La Cour Constitutionnelle du Mali traverse actuellement une période de forte turbulence. Les premiers signes de cette situation embarrassante sont apparus au lendemain de la proclamation de l’arrêt portant proclamation des résultats définitifs de l’élection des députés à l’Assemblée nationale avec l’absence de deux conseillers, Fatoumata Diall et Zoumana Cissé, lors de la délibération n°2020-02/CC-EL du 06 mai 2020 portant sur les demandes de rectification de l’arrêt n°2020-04/CC-EL du 30 avril 2020.
Le 4 juin 2020, veille du grand rassemblement du 5, un de ses membres, Modibo Touty Guindo, tirait sa révérence. Deux semaines après, le 19 juin 2020, quatre autres sages décidèrent ensemble de claquer la porte avec fracas. Il s’agit de Fatoumata Diall, Mahamadou Boiré, M’Pèrè Diarra et Zoumana Moussa Cissé. Le 21 juin, deux autres membres Baya Berthé et Bamassa Sissoko jettent l’éponge. Au moment où nous mettions sous presse hier dimanche vers 15 heures, la démission de Seydou Nourou Keïta, ancien cadre du Rassemblement pour le Mali (RPM) n’était pas confirmée. À ce jour, ne restent plus au sein de la très controversée institution que deux conseillers ère : Mme Manassa Danioko et Seydou Nourou Keïta.
C’est une situation inédite. Que disent les textes en cas de démission et du décès d’un membre de la Cour ? Selon l’article 9 de la Loi n° 97 – 010 du 11 février 1997 portant Loi organique déterminant les règles d’organisation et de fonctionnement de la Cour constitutionnelle ainsi que la procédure suivie devant elle, ‘’un membre de la Cour constitutionnelle peut démissionner par lettre adressée au Président de la cour. Celui-ci informe la Cour et saisit sans délai l’autorité de désignation qui procède au remplacement de l’intéressé dans les trente jours suivant la démission. Celle-ci prend effet à compter de la nomination du remplaçant’’.
Ces dispositions sont applicables en cas de décès ou d’incapacité permanente, ajoute l’article 11 de la même loi. Il ressort de l’article 14, alinéa 2 que le nouveau membre nommé achève le mandat commencé par son prédécesseur.
Au regard des dispositions, Mme Manassa Danioko doit saisir le président de la République, celui de l’Assemblée nationale et le Conseil supérieur de la Magistrature pour remplacer les démissionnaires et le défunt. A ce stade, ces démissions ne peuvent pas remettre en cause l’existence de la Cour. Désignée par le Président de la République, la Présidente de la Cour Constitutionnelle, Mme Manassa Danioko, n’entend pas céder aux multiples pressions. Le Président IBK peut-il dissoudre l’institution ?
Selon l’article 13 de la loi n°97-010 du 11 février 1997 ‘’Avant l’expiration du mandant, il ne peut être mis fin à titre temporaire ou définitif aux fonctions de membres de la Cour Constitutionnelle que dans les formes prévues pour leur nomination et après avis conforme de la cour statuant à la majorité des 2/3 de ses membres. L’intéressé qui ne participe pas au vote est dans tous les cas entendu par la cour et reçoit communication de son dossier ‘’. Le Président de la République peut-il se prévaloir de l’article 50 de la constitution pour dissoudre la Cour ? Non ! Avant les mesures exceptionnelles prévues dans cet article sont prises après consultation du Premier ministre et des Présidents de l’Assemblée Nationale et du Haut Conseil des Collectivités ainsi que de la Cour Constitutionnelle. Toujours selon cet article, ‘’les pouvoirs exceptionnels doivent viser à assurer la continuité de l’Etat et le rétablissement dans les brefs délais du fonctionnement régulier des institutions conformément à la Constitution ‘’.
Dans une tribune intitulée «Les solutions de bricolage institutionnel de la dissolution de l’assemblée et de la cour constitutionnelle», Dr Bréhima Fomba souligne le président de la République n’a pas une prérogative pour dissoudre la Cour Constitutionnelle. « … Mais dissoudre la Cour constitutionnelle? Ce n’est pa¬s une prérogative présidentielle. Ce n’e¬st pas non plus une option à envisager même sous la forme camouflée d’une démission volontaire de l’ensemble des membres dont le précédent serait assez fâcheux pour l’avenir. Un Président qui casse impunément l’institution judiciaire de la Cour ! Cela voudrait dire que demain, le Président pourrait désormais, si nécessaire, se débarrasser de la Cour consti¬tutionnelle », souligne-t-il.
Le président IBK ne peut pas démettre Mme Manassa Danioko. Pourquoi chasser Mme le président de la Cour constitutionnelle et laisser ceux qui lui ont demandé de faire le sale boulot ?
Chiaka Doumbia et Moussa Diarra
Source : Le Challenger