Alassane Ouattara veut rester le capitaine du paquebot Côte d’Ivoire jusqu’au bout. Non seulement le chef de l’État ivoirien a été maintenu à la tête du nouveau parti présidentiel unifié, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), mais en plus il n’exclut pas de solliciter un nouveau mandat présidentiel en 2020, surtout qu’il se murmure que ses deux principaux rivaux, MM. Konan Bédié et Gbagbo, seront dans la course. S’adressant à des partisans réunis en congrès au stade Houphouët-Boigny, vendredi et samedi, le chef d’État a dit souhaiter être tout à fait certain que son pays reste en paix. Des propos qui tranchent avec le contexte dans lequel se tient ce congrès, le premier, depuis la rupture en août dernier de l’alliance scellée il y a une dizaine d’années avec Henri Konan Bedié et le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Preuve que la rupture est consommée, les deux hommes se sont écharpés à distance durant tout le week-end.
RHDP-PDCI, un duel au sommet
Voulu par le président Alassane Ouattara, le RHDP, parti unifié, rassemble sa formation, le Rassemblement des républicains (RDR), l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire (UDPCI) et des personnalités d’autres partis. Ce premier congrès ordinaire a constitué le véritable lancement du nouveau parti présidentiel, que ses dirigeants avaient mis sur pied lors d’un congrès constitutif en juillet 2018 en élisant déjà Alassane Ouattara à sa tête.
Élu en 2010, puis réélu en 2015, Alassane Ouattara terminera en 2020 son deuxième mandat. La Constitution adoptée en 2016 n’autorise pas un troisième mandat, mais il existe une incertitude juridique sur l’application de cette disposition. Il a par le passé indiqué qu’il ne briguerait pas de troisième mandat, et avait même plaidé en juillet 2018 pour un passage de relais à « la nouvelle génération ». Mais, depuis quelques mois, il entretient le flou sur ses intentions. « Je veux travailler à former une équipe pour qu’elle puisse me succéder le moment venu », a-t-il déclaré samedi. « Un troisième mandat, pourquoi pas ? On souhaite qu’il en ait encore la force », a commenté Henriette Palé, une militante venue de Bouna, à 560 km au nord d’Abidjan.
Alassane Ouattara maintient le suspense sur sa candidature
À la foule qui scandait « nouveau mandat ! », il a répondu : « Je vous donnerai ma réponse l’an prochain », précisant qu’un nouveau congrès désignera en 2020 le candidat du RHDP à la présidentielle, de façon démocratique. Dans son discours de clôture d’une heure, le président Ouattara a galvanisé la foule. « Le RHDP est en marche, rien ne peut l’arrêter. » Il est « la première force politique nationale », présente « dans tout le pays ». « Le RHDP gagnera en 2020 », a-t-il lancé, ovationné par ses partisans.
À mots couverts, Alassane Ouattara a attaqué à plusieurs reprises son ancien allié qui a rompu en août dernier la coalition qui gouvernait depuis 2011. Émaillant son discours de références à Félix Houphouët-Boigny, le père de l’indépendance, premier président de Côte d’Ivoire (1960-1993) et icône politique de la nation, Ouattara a fustigé l’infidélité du PDCI, moquant la plateforme de l’opposition que Konan Bédié tente de constituer. « Les électeurs ne veulent plus d’alliances de circonstances pour avoir des postes. Nous voulons de vraies alliances, c’est cela, le RHDP », a-t-il déclaré, se disant homme qui « respecte toujours sa parole ».
« Folklore »
Le PDCI a refusé de fusionner avec le RHDP, accusant justement Alassane Ouattara de manquer à sa parole, de soutenir un candidat PDCI à la présidentielle de 2020, alors que le PDCI l’avait soutenu en 2010 et en 2015. Le RHDP a néanmoins réussi à débaucher un grand nombre de cadres du PDCI, notamment la plupart des ministres. Et le président s’est dit prêt à de nouvelles alliances. « Le RHDP est un parti qui tend la main, nous sommes ouverts à tous, quel que soit le parti d’origine », a-t-il déclaré, insistant à plusieurs reprises sur le « pardon », la « réconciliation » et la « paix ».
Depuis sa résidence de Daoukro (centre), où il recevait la jeunesse du PDCI, Henri Konan Bédié, 84 ans, a promptement riposté, qualifiant le congrès du RHDP de « folklore qui frise l’assemblée des militants manipulés et enrôlés de force pour servir les rassemblements des détourneurs de deniers publics » et fustigeant les militants PDCI « qui ont opté pour une aventure sans lendemain avec les tenants du parti unifié RHDP ».
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