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Côte d’Ivoire : l’horizon politique s’obscurcit pour Charles Blé Goudé

La justice ivoirienne a condamné l’ex-chef des Jeunes Patriotes ivoiriens à vingt ans de prison ainsi qu’à 10 ans d’inéligibilité par contumace.

 

C’est par l’intéressé lui-même que la nouvelle a été officialisée. L’ex-chef des Jeunes Patriotes ivoiriens Charles Blé Goudé a annoncé notamment à l’Agence France-Presse avoir appris sa condamnation à vingt ans de prison par la justice ivoirienne lors d’une audience à Abidjan le lundi 30 décembre. Il s’agit d’un jugement rendu par contumace, qui condamne l’ex-ministre de Laurent Gbagbo à « 10 ans de privation de ses droits civiques, 200 millions de francs CFA (300 000 euros) de dommages et intérêts à verser aux victimes ». Actuellement à La Haye où il est en liberté conditionnelle après son acquittement par la Cour pénale internationale (CPI), Charles Blé Goudé a en plus révélé que le tribunal d’Abidjan avait aussi délivré un mandat d’arrêt contre lui. L’homme s’est dit « surpris par ce verdict », prononcé sans la présence d’un avocat. « Cette condamnation ne va pas changer grand-chose à la ligne du Cojep (Congrès panafricain pour la justice et l’égalité des peuples). Cela renforce notre conviction qu’il faut un dialogue, que les forces politiques puissent se parler pour dénouer les conflits, parce qu’il y a des signes inquiétants », a déclaré à l’AFP Aimé-Claude Mambo-Abbé, directeur de la communication du parti. « Il faut que les Ivoiriens se rassemblent, il faut œuvrer pour que 2020 ne soit pas la catastrophe annoncée », a-t-il ajouté, faisant référence à l’élection présidentielle prévue en octobre, et au climat politique tendu qui prévaut déjà en Côte d’Ivoire.

Une procédure complexe

Charles Blé Goudé était accusé par la justice ivoirienne d’« actes de torture, homicides volontaires et viol », avaient indiqué ses avocats le 18 décembre, jour où son procès devait s’ouvrir. L’un de ses avocats, Me Suy Bi Gohoré, avait alors affirmé que le président du tribunal criminel d’Abidjan avait « retiré l’affaire du rôle » dans l’attente de l’examen d’un pourvoi en cassation formulé par lui, fondé sur l’absence de l’accusé et sur d’autres vices de forme dans la procédure. Les avocats avaient dénoncé une « violation flagrante » des droits de leur client Charles Blé Goudé, du fait de son impossibilité à assister à son procès.

Me Suy Bi Gohoré, a déclaré ce mardi à l’AFP n’avoir « pas été informé » lui non plus de l’audience. « J’ai eu l’information après la tenue de l’audience, par les réseaux sociaux », a-t-il dit. « Comment peut-on le juger par contumace ? C’est un procès inéquitable, en violation de la loi. C’est évidemment un procès politique », a estimé l’avocat.

C’est en 2014 que l’ancien leader des Jeunes Patriotes a été transféré par les autorités ivoiriennes. Avec son ancien mentor, l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo, il a été jugé pour crimes contre l’humanité. Tous deux ont été acquittés début 2019 et placés en liberté conditionnelle dans l’attente de l’examen de l’appel formulé par la procureure de la CPI. Mais Charles Blé Goudé ne peut pas rentrer en Côte d’Ivoire tant que la procédure n’est pas terminée. Son parti, le Congrès panafricain pour la justice et l’égalité des peuples, avait dénoncé un « harcèlement politique contre son président ».

Le cas Blé Goudé

L’ancien « général de la rue », ainsi surnommé pour sa capacité à mobiliser les partisans de Laurent Gbagbo, a annoncé en juin avoir des ambitions présidentielles à long terme, après la prochaine élection d’octobre 2020. Le mouvement des Jeunes Patriotes a souvent été qualifié de milice par les détracteurs de Charles Blé Goudé et par des ONG internationales. Ces dernières considèrent que Charles Blé Goudé a été l’un des principaux acteurs de la montée de la tension en Côte d’Ivoire dans la décennie 2000, qui a culminé en 2010-2011 avec les violences post-électorales ayant fait plus de 3 000 morts.

L’opposition vent debout

L’annonce de la condamnation de Blé Goudé survient huit jours après le début de l’affaire Guillaume Soro. L’ex-chef de la rébellion ivoirienne des années 2000, et ancien président de l’Assemblée nationale, actuellement en France, est visé par un mandat d’arrêt international de la justice ivoirienne, qui l’accuse de « complot » et d’avoir préparé « une insurrection civile et militaire » pour s’emparer du pouvoir. L’opposition a dénoncé mardi des « dérives dictatoriales » du pouvoir.

Il faut aussi rappeler que les deux hommes, qui se connaissent très bien de par leur engagement syndical, se sont rencontrés à La Haye le 24 novembre dernier. Ils ne s’étaient plus vus depuis 2010. Au terme de cette visite, ils ont produit un communiqué commun dans lequel ils ont « exhorté le régime d’Abidjan » à organiser des « assises politiques nationales inclusives ». Depuis La Haye, l’ex-secrétaire général de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI) commente à mots couverts les tribulations judiciaires de Soro : « C’est pendant la saison sèche que l’arbre compte les feuilles qui lui sont restées fidèles », a-t-il affirmé avant d’afficher un large sourire moqueur dans une vidéo adressée à ses partisans. Puis l’ancien ministre de la Jeunesse sous Gbagbo de préciser que « C’est ce que mon grand-père m’a dit », parlant du proverbe.

Lors de l’annonce du procès Blé Goudé le 7 novembre, le procureur général de la cour d’appel d’Abidjan Léonard Lebry avait réfuté tout agenda politique dicté par le pouvoir à un moins d’un an de la présidentielle d’octobre 2020 qui s’annonce tendue. Des membres de l’opposition estiment que le pouvoir du président Alassane Ouattara met tout en œuvre pour empêcher le retour au pays de l’ancien président Laurent Gbagbo, également en liberté conditionnelle en Europe (en Belgique) dans l’attente de la décision de la CPI.

Quant à Laurent Gbagbo, il a été condamné début novembre en appel à 20 ans de prison pour le « braquage » de la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest pendant la crise post-électorale de 2010-2011. Droit dans ses bottes, le président Ouattara a déclaré samedi que « nul ne sera autorisé à déstabiliser la Côte d’Ivoire » et que « le droit sera appliqué à tous, candidat ou pas ».

Le Point Afrique

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