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Corruption : la Coupe du monde 2022 est déjà pleine

L’hebdomadaire France-Football a versé mardi une pièce de choix au dossier de la présumée corruption qui aurait permis au Qatar d’obtenir la Coupe du monde 2022, premier événement sportif majeur à se dérouler dans un pays arabe. Une révélation suffisamment intrigante pour remettre en cause le vote du 2 décembre 2010, qui avait vu le comité exécutif de la Fédération internationale de football (Fifa) attribuer le Mondial 2022 à l’Etat du Golfe.

Quoi de neuf ?

France-Football publie le témoignage de Phaedra Almajid, une Américaine responsable de la communication du comité de candidature du Qatar. En janvier 2010, dans une chambre d’hôtel de Luanda (Angola), des Qataris du comité de candidature reçoivent séparément trois hauts dirigeants du foot africain (non identifiés dans le témoignage, à choisir parmi l’Egyptien Hany Abou Rida, le Camerounais Issa Hayatou, le Nigérian Amos Adamu et l’Ivoirien Jacques Anouma, les quatre représentants au comité exécutif) pour leur vanter les mérites d’une Coupe du monde au Qatar. «Trois autres personnes sont présentes dans la pièce, raconte Almajid, qui décrit la réception du premier des trois dirigeants. L’une d’entre elle, qui ne parle que français, fait la première ouverture. [Cette personne] indique que les Qataris sont ravis de la présence de ce haut dirigeant et qu’ils souhaitent faire bénéficier sa fédération d’un don de 1 million de dollars. Le haut dirigeant répond : “Ah, 1 million… Pourquoi pas 1,5 million ?” Et le Qatari dit qu’il espère pouvoir compter sur son soutien. L’intéressé lui assure que c’est le cas. Et c’est fini.»L’emploi de la langue française resserre les soupçons sur les francophones, c’est-à-dire Anouma et Hayatou. Cette scène se répétera avec les deux autres dignitaires africains, à une nuance près : l’offre sera tout de suite de 1,5 million de dollars.

Pourquoi Phaedra Almajid décide-t-elle de parler?

Quand elle assiste à la scène, Almajid a déjà été renvoyée de son poste de responsable de la communication pour, selon elle, avoir manqué d’à-propos lors d’une présentation en décembre 2009. A Luanda, elle donne juste un coup de main comme interprète.

Puis elle parle sous le sceau de la confidentialité à l’ancien procureur américain Michael Garcia, lors de son enquête pour la Fifa sur les rumeurs de corruption. Le rapport Garcia est resté secret, la Fifa refusant de le publier. Elle a toutefois mandaté le président de sa commission d’éthique, Hans-Joachim Eckert, pour se pencher dessus. En livrant ses conclusions en novembre dernier, Eckert a révélé le nom de l’Américaine. Celle-ci a donc décidé de s’exprimer publiquement. Elle est sous protection du FBI.

Eckert, lui, a dédouané le Qatar des soupçons de corruption, déclenchant la colère de Michael Garcia, qui a déploré ses «présentations incomplètes et erronées». Après le témoignage d’Almajid, on comprend mieux pourquoi il a protesté.

Que faut-il lire entre les lignes ?

Que le Qatar s’est plié à une sorte de norme : la scène décrite apparaît routinière, avec sourire entendu et tarif standard pour s’assurer un vote – pour un peu, le premier haut dirigeant à visiter la chambre d’hôtel aurait pu préparer la monnaie s’il s’était agi de sommes moins pharamineuses.

Cette routine est intégrée par le comité de candidature qatari, raconte Phaedra Almajid : «Les gens de l’entourage direct de l’émir [le cheikh Hamad bin Khalifa al-Thani, alors président de la Fédération qatarie de foot] ne nous accompagnaient que lors d’événements mineurs, conférences ou conventions. Quand il s’agissait de voyage où il se passait des choses plus compromettantes, comme à Luanda, ils n’étaient pas là. Aucun soupçon ne devait peser sur l’émir et sa famille.»

Quelles suites attendre ?

Soutien de la candidature qatarie à l’époque, le président de l’Union européenne de foot, Michel Platini, a encore déclaré lundi sur Europe 1 qu’un nouveau vote était souhaitable en cas de preuves de corruption. Il est clair qu’on y va tout droit.

G.S.

Source: liberation.fr
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