Entre le régime d’IBK et les partenaires du Mali, surtout financiers, c’est désormais la méfiance. La crise de confiance, légèrement installée entre les deux parties depuis quelques temps, s’est largement détériorée avec la publication du rapport annuel 2015 du Bureau du Vérificateur général sur des cas de malversations et de fraudes. Le divorce s’explique d’abord par le bruit qui a entouré la publication de ce document.
Le saviez-vous ? C’est sous forte pression de certains pays partenaires, à travers leurs représentations diplomatiques, que le contenu du rapport annuel 2015 du Bureau du Vérificateur général a été rendu public. Après remise du document au président de la République le 11 octobre à Koulouba, aucune information sur les chiffres n’avait filtré. Ce qui avait provoqué l’indignation de certains partenaires du Mali.
Au nombre des partenaires, qui ont clairement fait part de leur “mécontentement” à qui de droit, figure le Canada : “… Sous une forte pression du Canada par le biais de son ambassadeur, le pouvoir a été obligé de laisser publier le rapport ce jeudi”, rapporte le site d’informations “Africa-Kibaru”. Et d’ajouter que c’est “sur recommandation du cabinet présidentiel que le Vérificateur général a omis les chiffres du rapport”, lors de la remise officielle du document à Koulouba.
Vrai ou faux ? Ce qui est sûr, ce n’est que dans la journée du jeudi 12 octobre que les premiers chiffres du rapport ont été rendus publics dans un communiqué signé par la cellule de communication du Bureau du Végal en date du 11 octobre. Depuis lors, le rapport est disponible partout en version électronique. Chose que l’on peut considérer comme une innovation car, dans le passé, ce n’est pas tout le monde qui avait accès au contenu du rapport du Vérificateur général immédiatement après sa remise au président de la République.
Il faudrait parfois attendre des mois ou être dans les secrets. Des fois, le document en intégralité était inaccessible avant la tenue de la traditionnelle conférence de presse qui pouvait prendre plusieurs semaines après, ce que les partenaires ont voulu empêcher cette année.
Comment sommes-nous arrivés là ?
C’est probablement le laxisme qu’a fait l’actuel régime dans le traitement des rapports précédents qui a provoqué l’indignation des partenaires du Mali. De 2013 à 2015, plusieurs milliards de F CFA ont été détournés des caisses de l’Etat sans qu’aucun mis en cause ne soit inquiété par la justice. Les rapports dorment dans les tiroirs.
En 2013, et selon le rapport annuel du Bureau du Vérificateur général, 80,21 milliards de F CFA dont 12,28 milliards de fraude et 67,93 milliards de mauvaise gestion, ont été détournés des caisses de l’Etat.
Pour l’année 2014, ce sont 72,97 milliards de F CFA dont 33,95 milliards de fraude et 39,02 milliards de mauvaise gestion. Et en 2015, les manquements ont entraîné des déperditions financières se chiffrant à 70,13 milliards de F CFA dont 32,78 milliards de F CFA en fraude et 37,35 milliards de F CFA en mauvaise gestion.
Mathématiquement, l’Etat malien a perdu en trois ans d’exercice 223 milliards 310 millions de F CFA, soit 206 millions par jour. Un record jamais encore égalé depuis la mise en place du Bureau du Vérificateur général. Le hic est que les principaux mis en cause semblent être des proches du pouvoir. D’où la colère des partenaires.
Et aussi…
Le rapport annuel 2015 du Bureau du Végal n’est que la face visible de l’iceberg, la goutte d’eau qui a fait déborder la vase. Il y a très longtemps que tout n’est pas rose entre l’actuel régime et certains partenaires du Mali. A l’origine de cette crise de confiance, l’influence de l’entourage du pouvoir dans la gestion des affaires publiques.
Il s’agit notamment de l’honorable Karim Kéita, fils du président de la République. Il se dit que “le président Kéita (c’est comme ça comme qu’on appelle IBK dans les salons diplomatiques) n’aurait pas connu tout ce gâchis si le député élu en Commune II ne s’était pas mêlé de la vie politique jusqu’à avoir une influence sur les décisions importantes de la nation”. Il se dit tout simplement que c’est lui qui a “gâché” le pouvoir de son père.
L’honorable Karim Kéita, s’il n’a pas encore son nom cité dans les rapports publics, certains documents confidentiels parlent bien de lui. Ça se murmure, qu’il est malin et ne laisse aucune trace derrière lui. Aucune trace ? Absolument ! “C’est pourquoi on aura beaucoup de peine à prouver les manœuvres financières du jeune homme”, nous confie-t-on.
C’est comme si, par exemple (vous avez bien entendu par exemple) on cherchait à savoir la vraie identité du nouveau propriétaire de l’ancien hôtel “Les Hirondelles” aujourd’hui en pleine rénovation. Tout comme pour celui qui voudrait savoir l’identité réelle de la personne qui a acheté les bâtiments publics récemment mis en vente par l’Etat malien et qui sont aussi en rénovation au Grand marché de Bamako et beaucoup d’autres exemples.
Par contre, si Karim Kéita a la possibilité de supprimer ces traces au Mali, il ne jouit pas de cette faveur à l’international. Rappelez-vous ce procès récent que l’honorable Karim Kéita a perdu face à nos confrères de l’hebdomadaire “Le Sphinx”.
Comme verdict à cette bataille judiciaire qui portait sur l’achat d’une maison Dubaï par le fils du président, le Tribunal de la Commune III de Bamako a, le 20 juin 2017, purement et simplement annulé la procédure intentée contre le directeur de publication du journal. Etonnant non ?
Mais la réalité est que l’affaire dépassait les compétences de la justice malienne. Le journal en question jouit d’une large crédibilité et est l’un des journaux africains les plus lus au siège principal de la Banque mondiale à Washington DC. Drôle de coïncidence, quand on sait que la Banque mondiale est l’une des partenaires clés du Mali.
De gros soucis d’argent
Face au manque de sanctions de la part du régime actuel, les partenaires du Mali se montrent de plus en plus réticents à casser la tirelire pour le Mali. Désormais l’on réfléchit par deux fois avant de poser quoi que ce soit en termes de financement.
C’est le cas pour les prochaines élections partielles, régionales et la présidentielle de 2018. Pendant que le gouvernement du Mali s’est engagé à organiser des élections partielles et régionales en décembre, il se trouve qu’il y a sérieux manque de fonds pour assurer la bonne tenue de ces scrutins.
C’est le rapport annuel du représentant spécial du secrétaire général des Nations unies au Mali qui le dit : “… Le matériel destiné aux élections partielles locales et aux élections au niveau des cercles et des régions a été acheté. En l’absence de nouveau panier de fonds, le gouvernement fait face à un déficit budgétaire d’environ 32,3 millions de dollars (soit plus de 1,250 milliards F CFA, Ndlr)“, peut-on lire dans ce document qui date de fin septembre 2017.
Ce chiffre ne concerne que les partielles et les régionales. Pour la présidentielle de 2018, l’Etat devra davantage mouiller le maillot. Le parti présidentiel, le RPM, a semble-t-il pris toutes les précautions face à cette situation bien prévisible. Plusieurs dizaines de milliards seraient déjà disponibles pour les besoins de la cause.
Ce n’est pas pour rien qu’on a poussé l’ancien Premier ministre Modibo Kéita vers la sortie et attribuer le poste à un militant du parti présidentiel. Il s’agit tout simplement d’occuper les postes stratégiques pour pouvoir générer en vue de pallier ce fléau que l’on voyait venir de loin.
Djibril Samaké