Pour une année dédiée par l’UA à la lutte contre la corruption, le résultat du continent en la matière est peu reluisant à en croire Transparency International qui vient de publier, ce mardi 29 janvier, son annuel Indice de perception de la corruption (IPC). L’ONG a présenté même « un tableau sombre pour l’Afrique », avec 8 pays seulement sur 49 classés qui enregistrent un score supérieur à la moyenne de 43 sur 100 de l’indice.
« Malgré les engagements pris par les dirigeants africains en déclarant que 2018 est l’année africaine de lutte contre la corruption, cela ne s’est pas encore traduit par des progrès concrets », souligne le rapport publié à cet effet.
Avec une note moyenne de 32 points, l’Afrique subsaharienne est en effet « la région la moins performante de l’indice », suivie de près par l’Europe de l’Est et l’Asie centrale, avec une note moyenne de 35.
Selon le classement par région, ce sont les Seychelles qui obtiennent le meilleur score du continent avec 66 sur 100, suivies par le Botswana et le Cap-Vert, avec respectivement des scores de 61 et 57. En bas de l’échelle, et pour la septième année consécutive, on retrouve la Somalie avec 10 points, et le Soudan du Sud avec 13 points. L’IPC étant basé sur une échelle allant de 1 (pays le plus corrompu) à 100 (pays le moins corrompu).
Corruption et crise de démocratie
Dans cette édition, Tranparency International a mis l’accent sur la corrélation entre la lutte contre la corruption et la démocratie dans les pays analysés. Il en ressort, selon l’ONG, qu’en Afrique, « les régimes autoritaires qui sapent les efforts de lutte contre la corruption ». Selon l’organisation, bien que dans beaucoup de pays, des principes démocratiques de gouvernance ont été adoptés, « plusieurs pays sont encore gouvernés par des dirigeants autoritaires et semi-autoritaires ». Pour Transparency International, « les régimes autocratiques, les troubles civils, les institutions faibles et les systèmes politiques irresponsables continuent de saper les efforts de lutte contre la corruption ».
Comme le démontre l’exemple des pays comme les Seychelles et le Botswana, les meilleurs de la classe, le fait qu’ils disposent en commun de systèmes démocratiques et de principe de bonne gouvernance qui fonctionnent relativement bien, ont contribué à améliorer leurs scores.
Cependant, relève le rapport, « ces pays sont l’exception plutôt que la norme dans une région où la plupart des principes démocratiques sont menacés et où la corruption est élevée ». Les exemples sont en tout cas légions car l’analyse de l’IPC des dernières années, montrent que plusieurs pays ont enregistré une forte baisse de leurs indices notamment le Burundi, le Congo, le Mozambique, le Liberia et le Ghana.
Au cours des sept dernières années, le Mozambique a par exemple perdu 8 points, passant de 31 points en 2012 à 23 points en 2018. En plus des harcèlements contre les journalistes et autres lanceurs d’alertes qui est de nature à saper la lutte contre le fléau, le rapport n’a pas manqué d’évoquer la récente affaire de corruption qui a fait beaucoup couler d’encre dans la presse internationale et dans laquelle un ancien ministre des Finances du pays a été inculpé. Pour Transparency, il s’agit de « l’un des plus importants scandales de corruption en Afrique », qui porte sur plus de 2 milliards de dollars de fonds dissimulés et de pots-de-vin cachés.
Comme pour le cas du Mozambique, Transparency Interntional note que « de nombreux pays peu performants ont plusieurs points communs », dont peu de droits politiques, une liberté d’expression limitée et un État de droit faible. Dans ces pays, « les lois ne sont souvent pas appliquées, les institutions manquent de ressources et sont peu en mesure de traiter les plaintes de corruption » souligne le rapport, ajoutant que des conflits internes et des institutions de gouvernance instables contribuent également à amplifier le phénomène.
L’Afrique peut mieux faire
Selon le rapport, malgré les faibles performances globales de l’Afrique subsaharienne, quelques pays parviennent à réaliser de progrès notables. C’est le cas notamment de la Côte d’Ivoire et du Sénégal, qui sont sur une bonne dynamique selon Transparency, en raison notamment de l’adoption des textes législatifs ainsi que de stratégies de lutte contre la corruption. « Les réformes institutionnelles entreprises dans les deux pays ainsi que la volonté politique dans la lutte contre la corruption manifestée par leurs dirigeants respectifs », expliquerait en grande partie ces gains de points des deux pays ouest-africains.
Pour l’ONG internationale, plusieurs pays sont à surveiller pour les prochaines années, en raison de « développement prometteurs de la mise en œuvre de certaines politiques en matière de lutte contre la corruption. C’est le cas particulièrement de l’Angola, du Nigéria, du Botswana, de l’Afrique du Sud et du Kenya, même si, prévient le rapport, « le véritable test consistera à déterminer si les nouveaux dirigeants donneront suite à leurs engagements en matière de lutte contre la corruption ».
Avec un score de 27, l’IPC du Nigéria est par exemple resté inchangé depuis 2017 alors que le fléau continue d’être une priorité pour le pays à l’approche des élections de février prochain, comme c’était le cas en 2015. Le rapport a mis en relief plusieurs « mesures positives » prises par le président Muhammadu Buhari, même si « ces efforts n’ont clairement pas encore donné les résultats souhaités ». C’est le cas aussi avec l’Angola où le rapport note que le président Joao Lourenço s’est attaqué à la corruption depuis son entrée en fonction en 2017, renvoyant plus de 60 responsables gouvernementaux, dont des proches de son prédécesseur, Eduardo Dos Santos.
Cependant, note le document, « le problème de la corruption en angolais dépasse de loin la famille Dos Santos. Il est très important que les dirigeants actuels fassent preuve de cohérence dans la lutte contre la corruption ». En Afrique du sud ou au Kenya également, les dirigeants ont annoncé des mesures anti-corruption et des dossiers sont instruits grâce notamment à la contribution cruciale des médias et des réseaux sociaux, mais selon l’ONG, il reste encore beaucoup à faire sur le continent pour que l’engagement des dirigeants se concrétise.