La médecine traditionnelle est le premier recours d’une grande partie de la population malienne en quête de solution pour ses maux de tous les jours. Grâce à ses ressources, constituées de tradipraticiens, de pratiques et de produits, elle contribue à offrir des soins à ceux qui en ont besoin. Pour ses acteurs, l’accent est trop souvent mis sur les produits, reléguant au second plan leur rôle indispensable. C’est pourquoi, à l’occasion de la pandémie de coronavirus, ils sollicitent une meilleure implication afin de contribuer plus efficacement à la lutte.
Depuis le début de la pandémie, les spécialistes n’ont de cesse d’insister sur le rôle primordial de la prévention. Acteurs communautaires majeurs, les tradipraticiens peuvent jouer un rôle de premier plan dans ce domaine. Ils doivent donc « être renforcés, informés, sensibilisés sur la maladie, afin qu’ils comprennent eux-mêmes les enjeux et soient protégés », explique le Professeur Rokia Sanogo, Cheffe du Département de médecine traditionnelle de l’Institut national de santé publique (INSP).
Malheureusement, « dans la protection des personnels de santé, ils sont oubliés », regrette le Professeur Sanogo. Il est donc important de valoriser leur rôle sur le plan communautaire, en collaboration avec le système conventionnel de santé. Ils peuvent contribuer à l’information et la sensibilisation et « ainsi aider à orienter ceux qui les consultent avec les symptômes de la maladie ».
Cette implication permettra de convaincre sur la réalité de la maladie, de sensibiliser sur sa rapidité de transmission et de mettre fin aux réticences.
Il faut à cet effet s’inspirer des expériences réussies, par exemple lors de la maladie à virus Ebola, « où les tradipraticiens ont participé à la surveillance épidémiologique ». Surtout dans un contexte où l’idée d’une « maladie sans solutions fait rapidement son chemin ».
Il importe donc d’insister sur les mesures de prévention, en « communiquant dans un langage où les populations se retrouvent », parce que le langage trop spécialisé, qui fait peur aux gens, risque de les amener à se cacher et à contourner un système qui dit ne pas avoir de solutions, ajoute le Professeur Sanogo.
Des produits à tester
Dans le cadre de la prise en charge, des médicaments traditionnels améliorés (MTA), dont certains sont utilisés dans la prise en charge des affections respiratoires, « peuvent traiter les symptômes liés à la présence du coronavirus », précise le Professeur Sanogo. Il en existe également qui contribuent au renforcement du système immunitaire. Et, en l’absence d’un traitement spécifique capable d’éliminer le virus, se mènent des essais à partir de ce qui existe déjà. Donc « pourquoi pas des tisanes déjà utilisées dans d’autres affections virales ? ».
Le Département de médecine traditionnelle a déjà proposé un projet de recherche en collaboration avec le MRTC (Malaria Research and Training Center) et un protocole où des extraits de plantes seront testés, ainsi que des médicaments antipaludiques, sur le virus isolé chez les patients maliens, afin de vérifier si ces plantes pourraient avoir des effets sur le coronavirus, ajoute la cheffe du DMT.
En outre, le département finalise un protocole scientifique qui sera validé et soumis au comité scientifique national afin qu’il accepte de faire un essai thérapeutique avec ses tisanes.
Si la Fédération malienne des associations de thérapeutes et herboristes (FEMATH), partenaire du ministère de la Santé, participe aux activités, en collaboration avec la Fédération nationale des associations de santé communautaire (FENASCOM), le Département de médecine traditionnelle mène un véritable un plaidoyer pour leur implication effective. Il souhaite qu’au delà de leur participation au niveau national, il y ait de l’investissement sur le terrain, afin d’aboutir à une « décentralisation de la communication pour faire un maillage du territoire », y compris avec l’apport des radios de proximité, suggère la cheffe du département. Parce qu’une implication de la médecine traditionnelle ne fera que renforcer la riposte nationale.
Fatoumata Maguiraga
Journal du Mali