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CONSULS DU MALI : Un métier a dominante juridique

Le consul est chargé d’accomplir une riche et délicate variété de tâches. Celles-ci s’exercent au point de rencontre du droit international général ou particulier, du droit national de l’Etat d’envoi et du droit national de l’Etat de résidence. Selon qu’il y a concordance ou divergence entre ces trois ordres juridiques, le travail du consul s’en trouve plus ou moins aisé, et se fait sur des bases plus ou moins claires. Dans tous les cas, le travail du consul est loin d’être facile, car il exige toujours la connaissance et l’exacte interprétation et application de règles appartenant à trois systèmes de droit différents. Aussi le travail du Consul sera parfois difficile, d’abord parce qu’il n’est pas toujours un juriste, et ensuite parce que l’interprétation des normes de droit international et étranger est souvent peu aisée même pour un Consul juriste.

Abdoulaye Diop ministre malien  Affaires etrangeres Integration africaine Cooperation internationale algerPar conséquent, c’est pour des raisons évidentes de compétence et d’efficacité que le gouvernement malien devrait nommer comme consuls des juristes, de préférence des spécialistes de droit international. Pour l’essentiel, l’objectif visé ici est de montrer les multiples facettes du travail du consul, à travers une description concrète de la nature de ses fonctions, de manière à faire transparaître le degré de prégnance ou le poids du droit dans ce métier.

En effet, il faut savoir que le consul est à la fois un avocat défenseur des droits et intérêts des Maliens, un officier d’état civil, un notaire, un assistant judiciaire, un agent de contrôle et d’assistance en matière de navigation maritime et aérienne, un agent aux fonctions extensibles, un contrôleur du respect du droit international. Ce texte vient compléter notre article intitulé « ambassadeurs et consuls du Mali : des fonctions clairement définies par le droit international », paru dans les Echos les 15 et 16 octobre 2015.

  • Le consul est un avocat défenseur des droits et intérêts des Maliens : Il est chargé de défendre à la fois les intérêts généraux et particuliers des Maliens à l’étranger.
  • Défense des droits et intérêts généraux. Le travail du Consul consiste ici à : 1-Se rendre auprès des maliens, communiquer et s’entretenir avec eux, et les conseillers, 2- S’informer au sujet de tout incident affectant leurs intérêts, 3- Les assister dans leurs rapports avec les autorités administratives compétentes de la circonscription consulaire, et dans les affaires intéressant cette même circonscription, les autorités administratives centrales, dans la mesure où la pratique de l’Etat de résidence le permet, il est donc demandé ici au consul de connaître cette pratique. 4- Aider les Maliens lorsque les lois et règlements de l’Etat de résidence ne s’y opposent pas, dans leurs instances devant les autorités judiciaires locales et centrales ; force est de constater ici que le consul est interpellé par le droit, qu’il doit donc connaître et interpréter. 5 – Assurer aux Maliens, s’il y a lieu, l’assistance d’un homme de loi. 6- Proposer un interprète pour assister les Maliens devant les autorités administratives et judiciaires, ou avec le consentement de celles-ci, agir lui-même en qualité d’interprète. Protection consulaire et assistance consulaire. Le consul doit savoir qu’il s’agit ici de deux titres de compétence proches mais différents. Au titre de la protection consulaire, le travail du consul consiste par exemple à : 1- Apporter une aide à un malien emprisonné à l’étranger, en lui procurant un avocat, ou en effectuant des démarches auprès des autorités locales. 2- Intervenir contre toute forme de traitement discriminatoire dont des Maliens sont victimes de la part de l’autorité publique d’un pays étranger. 3- Apporter un soutien à un Malien en conformité avec la loi locale dans le cadre d’une procédure judiciaire, quelle qu’elle soit, au pénal comme au civil, à titre de victime d’une exaction ou à titre d’auteur d’un tel acte. 4- Protéger les intérêts patrimoniaux des Maliens personnes physiques ou morales au regard des investissements réalisés dans l’Etat de résidence, lorsque ceux-ci sont menacés par une décision de nationalisation, expropriation ou réquisition avec un risque d’être insuffisamment indemnisés. Au titre del’assistance consulaire, le travail du consul consiste par exemple à : 1- Apporter un secours ponctuel à des maliens indigents ou hospitalisés, 2- Apporter une assistance financière et provisoire à des touristes maliens dont on a volé les effets, 3- Apporter une aide au rapatriement de maliens accidentés. 4- Apporter une aide aux Maliens dans le cadre de catastrophes humanitaires etc.
  • Défense des droits et intérêts particuliers. Le domaine de compétence du Consul s’étend à des questions diverses comme les successions, les mineurs et incapables ou encore les personnes incarcérées et détenues.

Action du consul en cas de successions.

Le travail du consul consiste d’abord et avant tout à : 1- Vérifier s’il existe entre le Mali et l’Etat de résidence une convention consulaire particulière qui confère au consul des compétences spécifiques en matière successorale. 2- Dans l’affirmative, à en connaître les termes et à l’appliquer de façon prioritaire, en vertu du principe selon lequel la loi spéciale déroge à la loi générale. Dans la négative le consul doit connaître et appliquer à titre supplétif les dispositions pertinentes de la convention de Vienne sur les relations consulaires de 1963, à savoir que : 1- Selon l’article 37 les autorités compétentes du lieu de résidence sont tenues, en cas de décès d’un ressortissant de l’Etat d’envoi, d’informer sans retard le poste consulaire dans la circonscription duquel le décès a eu lieu. 2- L’article 5 aliéna g prévoit seulement que les consuls doivent sauvegarder les intérêts des ressortissants personnes physiques et morales de l’Etat d’envoi dans les successions sur le territoire de l’Etat de résidence, conformément aux lois et règlements de cet Etat. Il apparaît clairement ici que le consul a seulement le devoir de prendre des mesures conservatoires, mais qu’il n’a pas le pouvoir d’administrer et de liquider la succession. En fait de mesures conservatoires, il s’agit concrètement de procéder à l’apposition de scellés et de dresser l’inventaire des biens en présence de l’autorité locale compétente. Selon l’article 51 de la Convention de Vienne de 1963, lorsque la succession concerne un membre du consulat ou un membre de sa famille, le consul peut rapatrier les biens meubles du défunt, à l’exception de ceux qui ont été acquis dans l’Etat de résidence et qui font l’objet d’une prohibition d’exportation au moment du décès.

Action du Consul en faveur des mineurs et incapables

Le travail du Consul consiste à : 1- Sauvegarder leurs intérêts, notamment organiser leur tutelle ou leur curatelle, à condition que la loi de l’Etat de résidence ne s’y oppose pas, hypothèse que le Consul doit vérifier. 2- Si la tutelle ou la curatelle est organisée par les autorités de l’Etat de résidence, le consul a le droit de proposer à ces autorités une personne susceptible d’être désignée comme tuteur ou curateur, et de veiller sur les intérêts des mineurs et incapables. Action du consul en faveur des personnes incarcérées et détenues. Le travail du Consul consiste à : 1- Se rendre auprès d’un Malien qui est incarcéré, en état de détention préventive ou toute autre forme de détention. 2- S’entretenir et correspondre avec lui. 3- Pourvoir à sa représentation en justice. 4- Se rendre auprès d’un Malien qui, dans sa circonscription, est incarcéré ou détenu en exécution d’un jugement. 5- S’abstenir d’intervenir en faveur d’un Malien incarcéré ou mis en état de détention préventive ou toute autre forme de détention, lorsque l’intéressé s’y oppose expressément. Ces droits du consul doivent s’exercer dans le cadre des lois et règlements de l’Etat de résidence, étant entendu que ces textes doivent permettre la pleine réalisation des buts visés par ces droits. Le Consul est donc interpellé par le droit qu’il doit connaître et interpréter.

  • Le consul est un officier d’état-civil:

C’est la loi n°87-27 du 16 mars 1987 qui consacre expressément la compétence du Consul pour établir des actes d’état-civil, mais à une double condition à savoir 1- Que les lois de l’Etat de résidence ne s’y opposent pas et 2- Que lesdits actes soient reçus conformément à la loi malienne. Il est clair ici que le consul est ainsi interpellé par le droit qu’il doit connaître et interpréter. Pour l’essentiel, lorsqu’il agit en qualité d’officier d’état civil et d’agent de déclaration, le travail du Consul consiste à : 1- Recevoir les volets de déclaration de naissance et de décès, 2- recevoir les déclarations de mariage et procéder à leur célébration, 3- établir et signer les actes d’état civil, 4- délivrer les extraits et copies des actes, 5- recevoir les reconnaissances et légitimations d’enfants naturels et en dresser acte, 6- transmettre les volets, les tableaux de récapitulation et autres documents de l’état civil, 7- veiller à la conservation des registres et documents de l’état civil, 8- procéder à la transcription et à l’apposition des mentions marginales, 9- recevoir et enregistrer les déclarations de naissance et de décès.

  • Le consul est un notaire:

Le travail du consul consiste d’abord et avant tout à : 1- vérifier s’il existe entre le Mali et son Etat de résidence une convention consulaire particulière qui confère au consul des compétences spécifiques en matière notariale et 2- dans l’affirmative, à en connaitre les termes et à l’appliquer de façon prioritaire, en vertu du principe selon lequel la loi spéciale déroge à la loi générale. Dans la négative le consul doit connaître et appliquer à titre supplétif la disposition pertinente de la convention de Vienne sur les relations consulaires de 1963, à savoir l’article 5 alinéa f qui prévoit que le Consul peut agir en qualité de notaire pour autant que les lois et règlements de l’Etat de résidence ne s’y opposent pas. Il doit donc connaître et interpréter la réglementation locale. Au total, le consul doit avant de recevoir des actes notariés, examiner si les lois locales ne s’opposent pas à ce qu’il instrumente comme notaire. Dans l’affirmative, il doit s’abstenir d’instrumenter, et les parties s’adresseront alors à l’autorité locale compétente.

  • Le consul est un assistant judiciaire :

Le travail du consul porte sur les aspects suivants : 1- la transmission des actes judiciaires et extrajudiciaires, 2- l’exécution directe des commissions rogatoires relatives à des procédures judiciaires se déroulant en patrie, c’est-à-dire dans le pays d’envoi, pour actes d’instruction, preuves par témoins , expertises, etc. 3- la transmission de commissions rogatoires aux autorités locales, 4- les actes relatifs aux requêtes d’extradition de personnes condamnées ou poursuivies pénalement dans le pays d’envoi. Le Consul doit agir conformément aux accords internationaux en vigueur ou à défaut, de toute manière compatible avec les lois et règlements de l’Etat de résidence. Il doit donc vérifier l’existence de tels accords, et dans la négative, s’efforcer de respecter sinon la lettre, du moins l’esprit de la réglementation locale pertinente.Le Consul est donc interpellé ici par le droit qu’il doit connaître et interpréter.

  • Le consul est un agent de contrôle et d’assistance en matière de navigation maritime et aérienne.

Le travail du consul consiste à : 1- être informé sans retard par les autorités de l’Etat de résidence de l’endroit où l’accident a eu lieu, lorsqu’un navire ou un bateau malien fait naufrage ou échoue dans la mer territoriale ou les eaux intérieures de l’Etat de résidence ; ou lorsqu’un avion malien subit un accident sur le territoire dudit Etat, 2- exercer les droits de contrôle et d’inspection sur les navires, les bateaux, les avions et leurs équipages, prévus par la réglementation malienne, 3- leur prêter assistance, 4- recevoir les déclarations sur le voyage des navires et bateaux, 5- examiner et viser les papiers de bord, 6- faire des enquêtes concernant les incidents survenus au cours de la traversée, sans préjudice des pouvoirs des autorités de l’Etat de résidence, 7- régler les contestations de toute nature entre le capitaine, les officiers et les marins, si les lois et règlements de l’Etat d’envoi l’autorisent. Ces attributions du consul sont prévues par les articles 5 et 37 de la convention de Vienne de 1963. Il est clair que celles-ci ne trouveront à s’appliquer, en tout ou partie, que si et dans la mesure où le Mali possède des navires de mer, des bateaux fluviaux et/ou des avions.

  • Le consul est un agent aux fonctions extensibles:

Le travail du consul consiste dès sa nomination à : 1- prendre connaissance du texte de la Convention de Vienne de 1963 sur les relations consulaires, en particulier la typologie de ses fonctions, 2- connaître l’état de la réglementation malienne sur les fonctions consulaires, 3- vérifier si et dans quelle mesure le Mali a confié ou entendu confier au consul des fonctions autres que celles figurant dans la convention de Vienne, 4- dans l’affirmative, vérifier si celles-ci ne sont pas interdites par la loi de l’Etat résidence, ou si cet Etat ne s’oppose pas à leur exercice, ou si ces fonctions sont mentionnées dans des accords internationaux en vigueur entre le Mali et l’Etat de résidence. Un exemple typique de fonction élargie est fourni par le déroulement d’opérations électorales nationales en territoire étranger. Le consul est donc interpellé ici par le droit qu’il doit connaître et interpréter.

  • Le consul est un contrôleur du respect du droit international:

Le travail du consul consiste ici à : 1-veiller au respect par l’Etat de résidence des obligations que lui impose notamment la convention de Vienne sur les relations consulaires de 1963, 2- relever dans l’exercice quotidien de ses tâches les faits constituant des violations de ces obligations, 3- rapporter ces faits au plus haut niveau de l’Etat aux fins d’instructions ou d’appréciation des conséquences politiques ou juridiques à en tirer, 4- surveiller rigoureusement entre autres, le respect par l’Etat de résidence de ses obligations en matière d’information et de notification consulaire, en vertu de l’article 36 paragraphe 1 alinéa b de la convention de Vienne, 5- avoir une connaissance des notions de base du droit international, notamment les principes généraux de la responsabilité internationale des Etats, c’est-à-dire pour fait internationalement illicite. Pour l’essentiel, et cela est fondamental, le consul doit savoir que la convention de Vienne de 1963 est assortie d’un protocole de signature facultative concernant le règlement obligatoire des différends. Il doit vérifier si le Mali y est déjà partie ou non. Selon ce protocole qui met en place un mécanisme de règlement à trois niveaux : 1- les différends relatifs à l’interprétation ou à l’application de la convention de Vienne relèvent de la compétence obligatoire de la Cour Internationale de Justice ou CIJ, 2- celle-ci peut être saisie par une requête de toute partie au différend à condition d’être elle-même partie au protocole, 3- dans un délai de 2 mois après notification par une partie à l’autre qu’il existe à son avis un litige, les parties peuvent convenir d’adopter d’un commun accord, au lieu du recours à la CIJ, une procédure devant un tribunal d‘arbitrage, 4- ce délai passé, chaque partie peut par voie de requête saisir la Cour du différend, 5- dans le même délai de 2 mois, les parties peuvent décider de recourir à une procédure de conciliation avant d’en appeler à la CIJ, 6- dans les 5 mois suivant sa constitution, la commission de conciliation doit formuler ses recommandations, 7- deux mois après leur énoncé, si celles-ci ne sont pas acceptées par les parties au litige, chaque partie peut alors saisir la Cour du différend par voie de requête. Voici donc, pour les consuls et l’Etat malien un outil de travail puissant, utile et précieux pour assurer la meilleure protection des droits et intérêts du Mali et des Maliens à l’étranger. Pourvu que notre pays en soit convaincu pour en tirer le meilleur profit !

Par Dr. Salifou Fomba

Professeur de droit international à l’Université de Bamako, ancien membre et vice-président de la Commission du droit international de l’ONU à Genève, Ancien membre et rapporteur de la Commission d’enquête de l’ONU sur le génocide au Rwanda, ancien conseiller technique au ministère des Affaires étrangères.

source :lesechos

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