Le consentement sexuel est l’accord qu’une personne donne à une autre au moment de participer à une activité sexuelle. Cette entente mutuelle distingue en théorie un acte sexuel libre et licite d’un acte illicite.
Le Code pénal malien définit le viol comme « le fait d’avoir avec ou sans violence des rapports sexuels avec une personne sans son consentement ». Si le viol semble plutôt compris et condamné par notre société, on pourrait en déduire que la notion de consentement sexuel est assez claire et accessible à la compréhension générale. Mais en pratique les choses s’avèrent un peu plus compliquées.
« Non, ça peut aussi vouloir dire oui ». Cette phrase, je l’ai entendue plus d’une fois. Bien que je l’ait toujours trouvé grotesque et sans fondement, j’ai voulu comprendre les arguments qui se cachent derrière cette affirmation en écoutant bon nombre de témoignages sur la question. Les réponses furent assez similaires :
« Les femmes aiment se faire désirer. Elles ne disent jamais oui explicitement, même quand vous savez tous les deux qu’elles en meurent d’envie ».
« Aucune des filles avec qui je suis sorti ne m’a ouvertement dit : ‘’ On peut se voir ’’, j’ai envie qu’on couche. Ou : ‘’J ‘ai envie de toi ’’. Never ! ».
« Une fille te dira toujours non, par peur de passer pour une fille trop facile. Ça se comprends parce que la société le conçoit ainsi. C’est donc au gars de la rassurer en insistant sur ses intentions, et j’avoue que c’est pas toujours facile ».
« C’est toujours l’homme qui prend l’initiative. Il y a certes des exceptions, mais pas dans la majorité des cas, en matière de sexe. Un ‘’non’’, c’est comme si elle te mettait au défi. Le ‘’non’’ peut donc se traduire par ’’Mon chéri, aujourd’hui tu n’es pas assez motivé. Allez ! Un peu plus de courage, et trouve les bons mots ’’. Et c’est là que tu te transformes en ‘’ Broulaye Shakespeare ’’ ».
Homme actif, femme passive…
La dichotomie homme actif/femme passive est un schéma de séduction basique et multiséculaire qui incombe au duo une certaine prescription de comportement : l’homme fait toujours le premier pas, la femme est le sujet passive qui se doit d’attendre. Comme tout jeu, il y a des règles et une forme de soumission à leurs critères. Ce jeu induit pour l’homme et la femme une anticipation des attentes de l’autre. Une lutte des deux côtés, mais dans des directions opposées. La chasse est alors ouverte. Tel un chasseur – qualité valorisée si masculine-, l’homme poursuit sa proie avec persévérance et c’est seulement au bout d’une négociation intense qu’elle se doit de céder. C’est un « suis-moi, je te fuis » qui prend alors tout son sens.
La distance qu’une femme garde entre elle et ses potentiels partenaires- c’est à dire le fait de se faire désirer- est un indice de sa qualité et de sa valeur. Dans des termes plus clairs, le jeu de la séduction conditionnerait les femmes à considérer la passivité comme étant la norme de séduction par excellence, dans une logique de mutisme et d’inhibition de leurs propres sentiments et désirs.
Ce schéma n’est finalement que le reflet d’une hiérarchisation des sexes, qui caractérise notre société où la femme est subordonnée à une domination masculine qui n’est point le constat d’un déterminisme biologique, mais bien d’une construction sociale. Pourtant, que les choses aient un tant soit peu évolué ou pas, l’éducation reste un domaine où l’affirmation, la confiance et l’estime de soi sont décriés, minimisés, ou simplement inconnus, et où la sexualité est assujettie à un ensemble de règles stéréotypées et totalement paradoxales.
La « fille bien » et la « fille facile »
« Elles n’assument pas » est formulé à tort ou à raison. Et cette affirmation semble omettre toutes les injonctions sociales dans lesquelles les femmes baignent depuis la naissance. Les réputations sexuelles masculines et féminines ne sont pas des constructions culturelles semblables. Si les jeunes filles semblent soumises à la nécessité de préserver leur réputation, les hommes vont plutôt promouvoir la leur. Au Mali, les stéréotypes ont la peau dure, surtout en matière de sexualité féminine. Dans l’Inconscient collectif, les femmes sont scindées en deux groupes :
1- La vierge ou la « fille bien », qu’on épouse mais qui n’est pas celle avec qui on peut et veut sortir ou s’amuser. Car elle est également perçue comme trop ennuyeuse, trop sérieuse, trop coincée et trop fermée d’esprit. Mais gare à elle si elle envisage de perdre sa si « précieuse » virginité, car c’est là qu’on a placé sa valeur personnelle. Si on correspond pas à cette case, alors forcément dans le second groupe.
2- La « fille facile ». Elle, c’est celle qui est trop libérée, trop en phase avec son corps, trop désirable, trop désirée, pas respectable car elle assume sa sexualité. Avec elle, on couche mais on ne la présente ni à ses parents, ni à ses potes. On ne s’engagera pas avec elle, car on estime qu’elle ne le mérite pas.
Le « deux poids deux mesures » est bien réel. Les jeunes femmes subissent une pression considérable pour ne pas perdre leur virginité, au risque de perdre leur valeur. Elles se doivent de préserver leur réputation. De ces injonctions contradictoires, qui relèvent d’une fausse dichotomie, certaines vont souffrir d’un manque de confiance et d’estime de soi, ou d’une peur du rejet. Ces maux sont plus courants qu’on le pense. La société joue un rôle plus pesant qu’on ne le croit et dont on ignore, le plus souvent, l’étendue des répercussions.
Et c’est bien là que des zones grises nuisent aux femmes…