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CONFLITS FAMILIAUX SANS FIN AUTOUR DE L’HÉRITAGE : Et si le testament était la solution !

Dans certaines familles maliennes, notamment les plus aisées, quand le père décède, ses enfants se livrent à une bataille sans fin au nom de l’héritage. Le testament, un document rarement utilisé par les chefs de famille maliens, sert pourtant à éviter bien des déboires en déterminant la part devant revenir à chaque ayant-droit après le décès du chef. Or, en l’absence de cette précieuse et utile attestation fidèle à la dernière volonté du mourant, des problèmes surviennent généralement dans les familles polygames où les frères issus de mères différentes s’entendent sur peu de choses. 

Les conflits d’héritage déchirent plusieurs familles au Mali. Dans la plupart des cas, quand le père meurt, ses enfants se retrouvent devant les tribunaux.  Pour Awa Samaké, ce phénomène est dû, à la base, au comportement du père vis-à-vis de ses enfants. « Si un père n’est pas juste entre ses enfants, dès qu’il meurt, il y aura une guerre fratricide, puisque chacun voudra agir dans son seul intérêt, sans tenir compte de ceux des autres ».

C’est une autre réalité qu’évoque Aminata Diallo, aînée d’une famille polygame où les frères s’entredéchirent depuis la disparition de leur père : « Je pense que cette situation est due au comportement des femmes du défunt qui ne sont pas toujours de bon conseil.  Mon défunt père avait trois femmes, ma mère était la première et c’est elle qui connaissait tous les biens acquis par son mari. Elle était au courant de tout. Mais, après la disparition de notre père, les deux autres femmes ont monté leurs fils contre nous pour qu’on quitte la maison et qu’on leur céder les papiers des terrains, ainsi que d’autres biens. Pourtant, la répartition des biens a été faite par notre père, bien avant son décès.  Mes demi-frères ont engagé des actions en justice contre nous. Il y a même eu des affrontements physiques entre nous, qui ont malheureusement abouti à un drame familial, un frère ayant perdu la vie en recevant une bouteille sur la tête ».

La loi islamique recommande le testament, Dieu l’exige de chaque musulman. Car personne ne sait l’heure ni le jour de son décès. Dès lors, le testament devient nécessaire pour donner une idée claire du patrimoine, actif ou passif, légué par le défunt. Selon les explications de l’imam Moussa Coulibaly, le partage de l’héritage ne doit pas traîner longtemps après la mort du défunt. Mais, a-t-il précisé, au Mali, « Ça prend trop de temps. Parmi les enfants du défunt, le premier à demander le partage de l’héritage sera vu d’un mauvais œil dans la société. Partager équitablement l’héritage, juste après la mort, est d’ailleurs bon pour le défunt et ses parents ». Et l’imam d’accuser les aînés des familles : « Souvent, ce sont les aînés ou ceux qui ont accès à la fortune du défunt qui créent le scandale. Celui qui détourne l’héritage commet un grand pêché. On doit faire en sorte que chaque ayant-droit obtienne une part égale à celles des autres ».

Hamadou Sanogo raconte une bagarre liée au conflit d’héritage dans une famille voisine : « À cause de la jalousie et des mauvais conseils, des frères ont osé s’affronter jusqu’à ce que mort survienne.  Pour une histoire de champ que le défunt père aurait laissé à ses enfants, deux frères de mères différentes se sont battus ».

 

Interrogé sur la question, Me Koto Traoré, avocat au Barreau du Mali, a indiqué que le testament a un avantage important qui prévoit les modalités de succession du défunt, comment ses biens matériels ou financiers peuvent être partagés après son décès. Pour cet homme de robe, le testament permet d’éviter ce qu’on appelle le partage judiciaire « parce que, quand il n’y a pas de testament, les héritiers seront en permanence en conflit. Ils finiront devant la Justice qui va, à ce moment-là, instrumentaliser le partage. Cela veut dire quoi ? Qu’ils vont désigner un expert, en l’occurrence un notaire, qui va faire l’inventaire de l’ensemble des biens du défunt. Et le notaire est payé au prorata des biens. Les héritiers vont être appelés à payer les honoraires dus au notaire, à l’expert ou à d’autres personnes intervenant dans le dossier en question. Cela peut ne pas suffire. On a vu des cas devant la Justice où quelqu’un peut remettre en cause le partage, et c’est la porte ouverte à des procédures interminables ».

Le testament met à l’abri les héritiers des conflits et du paiement des frais de notaires et d’experts.  « Celui qui fait le testament ne peut pas agir comme bon lui semble, parce qu’il ne peut pas, entre autres, attribuer tous les biens à un seul enfant.  Celui qui fait aussi le testament doit respecter la quotité. Il ne peut pas seulement prendre l’ensemble des biens du défunt et l’attribuer à un seul héritier au détriment des autres.  C’est-à-dire que les héritiers ont les mêmes droits dans la masse successorale, excepté celui ou celle d’entre eux qui aura été officiellement déclaré indigne. Même là, il faut une décision de justice pour déclarer indigne un héritier », a ajouté Me Traoré. Donc, poursuit-il, « en établissant le testament, un ascendant protège avant tout ses héritiers et les met à l’abri des procès et des frais dus aux différents intervenants dans la chaîne de partage des héritages.  La limite fondamentale est que celui qui fait le testament, bien qu’il soit le propriétaire des biens, ne peut pas le faire de façon à léser les intérêts d’autres héritiers. Il est obligé de respecter ce qu’on appelle la quotité successorale.  C’est une quantité fixée par la loi, revenant à chaque héritier ».

Pour conclure, l’homme de droit dira ceci : « Quand quelqu’un décède, l’évolution successorale se fait conformément à sa religion.  Sauf s’il n’y a pas d’accord sinon les héritiers peuvent se mettre d’accord pour faire ce qu’on appelle un “partage à l’amiable”. Et, dès lors, ils vont établir un procès-verbal de partage et l’homologuer ».

Seydou Fané

Source: Les Échos- Mali

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