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Comprendre les violences qui font rage dans le centre du Mali

Le Mali est en proie à des violences de divers ordres depuis un certain nombre d’années. Le nord, mais aussi le centre du pays, sont le théâtre d’attaques djihadistes et de conflits intercommunautaires qui échappent en apparence à tout contrôle des autorités compétentes. Mais des éléments nous permettent ici de cerner un temps soit peu les causes de ces violences. Focus sur le centre du Mali, véritable poudrière à ciel ouvert.

D’après le témoignage d’associations peules, des chasseurs dogons ont attaqué le village de Bombou (à l’est de Mopti, siège du gouvernorat). Les assaillants auraient tué ce jour-là (le 1er juillet) 16 personnes, dispersant ensuite les survivants de l’attaque çà et là.

Villages réduits en cendres, vol de bétail, menaces en tous genres, crimes de masse (avec hommes, femmes et enfants jetés dans des fosses communes), tel est le triste tableau auquel les populations ont droit dans le centre de ce vaste pays d’Afrique de l’Ouest. Pas une semaine ne passe sans que les communautés, de plus ne plus opposées, ne s’affrontent à coups d’armes à feu et autres armes blanches.

Les groupes islamistes semblent fomenter les tensions ethniques pour les exploiter.

Un mouvement religieux à l’origine des tensions

C’est l’apparition en 2015 du mouvement du prédicateur peul radical Amadou Koufa (son véritable nom est Amadou Diallo, Amadou Koufa étant son nom de guerre) qui serait le point de départ des violences dans la région. Les antagonistes étant les bambaras et les dogons d’une part (traditionnellement agriculteurs et chasseurs ) et les peuls d’autres part, souvent éleveurs.

Hamsala Bocoum est le responsable régional de Tabital Pulaaku, la plus importante association peule du Mali. L’homme a pris part à un nombre incalculable de missions d’apaisement, particulièrement à Koro, centre nerveux des violences qui ébranlent le centre du Mali. “Chaque fois que ça se calme, ça reprend”, se plaint Hamsala Bocoum.

En mars dernier, une rencontre dite de réconciliation entre peuls et dogons s‘était déroulée à Koro, en présence de Soumeylou Boubeye Maïga, le Premier ministre malien. Ce dernier s‘était engagé à “désarmer de gré ou de force les milices”.

La résolution de Boubeye Maïga mettait ainsi du baume au cœur de Bocoum, qui voyait en elle le bout du tunnel. “J’avoue, je pensais que c‘était la fin des hostilités”, dit-il. Vu la suite des événements, il s‘était tout simplement trompé. Bien au contraire, la liste des violences s’est allongée, avec cette fois-ci des exactions imputées à l’armée malienne elle-même, en plus de celles attribuées aux antagonistes que l’on connaissait jusqu‘à récemment.

Toumassé Daniel Sogoba, retraité de l’Education nationale, est un représentant de l’Eglise évangélique au sein de la société civile locale. Il s‘étonne de la rapidité avec laquelle s‘étendent les tentacules des violences intercommunautaires, qui enveniment des relations pourtant centenaires, voire, millénaires.

“Je n’ai jamais pensé que mon pays, le Mali, pouvait connaître une telle situation, de massacres, Peuls contre Dogons, Bambaras contre Peuls, de guerre ethnique. Chacune de ces ethnies a sa milice”, laisse-t-il entendre.

Sogoba, qui est lui-même de l’ethnie minianka (sud du Mali), pense que des bras venus de l’extérieur aident à soutenir et à entretenir ces violences dont la brutalité ramène parfois à l‘âge de pierre. “Brusquement, vous les voyez se faire la guerre, vous vous posez des questions”, ajoute-t-il.

La nature a aussi sa part de responsabilité

La nature a elle aussi sa part de responsabilité dans les incessants conflits du centre du pays. Le dérèglement climatique, avec son lot de chaleur assassine dans la région, entraîne la baisse du niveau du fleuve Niger. Et cela n’est pas sans conséquences. L’eau, source de vie qui se raréfie, devient ainsi l’objet de vives tensions entre éleveurs, agriculteurs, pêcheurs et exploitants forestiers.

Hamsala Bocoum explique ici la tentative des autorités de mettre fin aux rixes entre communautés. Chaque année a lieu une conférence régionale sur les “bourgoutières” (champs fertiles du delta intérieur du fleuve). Pour éviter les dérapages, des dates de traversée des troupeaux et de leur retour dans les pâturages sont décidées au cours de cette conférence.

Avant, “chaque fois que les animaux revenaient de la transhumance, la moisson était déjà faite. Et ça se complète : l’animal vient, il fertilise, il passe. Mais ces derniers temps, quand l’animal vient, le cultivateur n’a pas encore récolté”, révèle M. Bocoum. Cette situation provoque le piétinement des cultures par les bêtes (sans oublier le fait que celles-ci dévorent des plants), ce qui conduit très souvent à des règlements de comptes entre éleveurs et agriculteurs.

Les affrontements entre communautés dans le centre du Mali se caractérisent par des imbrications qui peuvent sembler assez complexes. Tandis que l’Etat utilise des supplétifs des groupes communautaires comme membre de milices d’autodéfense, les islamistes ratissent large parmi les membres de la communauté peule.

Les rôles de l’Etat et des fondamentalistes dans les violences

“Il ne faut pas nier l‘évidence, il y a des groupes jihadistes, et ces groupes sont peut-être majoritairement peuls”, reconnaît Hamsala Bocoum, déplorant le fait que “souvent les gens confondent jihadistes et Peuls”.

Corinne Dufka, directrice de Human Rights Watch (HRW) pour l’Afrique de l’Ouest : “les Peuls ont été chassés de plus d’une dizaine de villages de la région de Mopti au cours de ce qui ressemble à une campagne de déplacement ciblé par les milices dogons”.

Dufka précise aussi que les Fama (les forces armées maliennes) n’interviennent pas, quand bien même elles le pourraient, mais “il y a une dynamique de punition collective contre les Peuls qui a sapé la confiance en l’Etat et, dans certains cas, conduit des membres de cette communauté (peule) à rejoindre les rangs islamistes”.

Et la directrice de Human Rights Watch pour l’Afrique de l’Ouest ne s’arrête pas là. Elle ajoute que “les groupes islamistes semblent fomenter les tensions ethniques pour les exploiter”. Selon elle, les “liquidations” de personnalités communautaires importantes par les fondamentalistes aboutissent à des représailles “souvent très sanglantes, dont les jihadistes se servent ensuite comme instrument de recrutement”, en proposant en retour leur protection contre les milices, se transformant en sauveurs.

La nature ayant horreur du vide, les carences de l’Etat observées dans la région poussent une partie de la population à solliciter les tribunaux islamiques installés par les djihadistes. C’est en tout cas ce que révèlent des sources administratives locales et des habitants. Ces tribunaux venus d’un âge reculé, ont dû se replier ces derniers mois face à l’avancée des Fama. Mais ils n’ont pas dit leur dernier mot, aux dires de Corinne Dufka.

“Pendant la saison des pluies, il sera difficile pour l’armée de maintenir sa présence dans les zones inondées. Et lorsque les jihadistes reviendront, la population comparera leur gouvernance à celle de l’Etat malien. Une comparaison qui pourrait ne pas être favorable à l’Etat”, prévient-elle.

 

Source: africanews

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