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Commentaire d’arrêts : La Cour Constitutionnelle mise à nu

C’était avant hier mercredi 04 mars dans la grande salle de conférence du Centre Régionale d’Energie Solaire (CRES) sur la « colline du Savoir » de Badalabougou, au cœur de l’espace universitaire de Bamako. Maître Mountaga Tall, le président du CNID-FYT y organisait une conférence scientifique pour commenter la Proclamation du 25 février 2020 et l’Arrêt n°2020-01/CC-EL du 29/02/2020 de la Cour Constitutionnelle portant proclamation de la liste définitive des candidats à l’élection des députés à l’Assemblée nationale. Une brochette d’invités de qualité avait répondu présents : avocats, magistrats, étudiants de droit en Master et leurs professeurs, diplomates, journalistes, leaders politiques et aussi l’Association Malienne de Droit Constitutionnel.

 

D’entrée de jeu, Maitre Mountaga Tall a précisé que la rencontre n’était pas une activité partisane encore moins un meeting politique mais un espace de débats purement scientifique entre spécialistes de droit sans doute mais aussi avec toutes les autres personnes intéressées par la gestion de la Cité.

Le conférencier a d’abord rappelé les missions de la Cour Constitutionnelle telles qu’énoncées par la Constitution du Mali et synthétisées sur la page d’accueil du site internet de l’institution judiciaire « Socle de la démocratie et de l’Etat de droit, la Cour Constitutionnelle est l’organe régulateur du fonctionnement des Institutions et de l’activité des pouvoirs publics. Elle contrôle la constitutionnalité des lois et des règlements intérieurs des autres Institutions et intervient dans trois (3) types d’élection : présidentielles pour élire le Président de la République, législatives pour choisir les députés et le Référendum qui est une occasion donnée aux électeurs pour trancher directement, par vote, certaines questions politiques essentielles et importantes de la vie de la Nation »

L’avocat a ensuite déclaré avoir dénombré « de nombreux points juridiquement contestables ou inacceptables. »

Sur ce point, il a regretté l’existence de 18 erreurs matérielles dans la proclamation du 25 février qui n’ont été corrigées que sur requêtes des intéressés, la Cour n’ayant décelé par elle-même qu’une seule erreur. Puis vint cette question « Comment qualifierons-nous un étudiant qui ferait 18 fautes, même d’inattention, lors d’une dissertation ? ».

Maitre Tall s’est alors attaché à démontrer que la Cour « a statué sur les recours en méconnaissance totale de la dernière modification de la loi électorale ». Juger donc sans savoir que la loi a changé. Illustration : En réponse à une requête de Niankoro Yeah Samaké et Sakiné Simbara, qui soutenaient que « l’article 83 de la Loi Electorale stipule que parmi les assesseurs du bureau de vote un doit être désigné par la majorité et un par l’opposition politique, la Cour a jugé (Page 23) : « Considérant que les assesseurs sont des agents électoraux désignés exclusivement par l’administration ; qu’ils ne doivent nullement être confondus avec les délégués  qui représentent les partis ou les candidats dans l’ensemble des bureaux de vote ; ». Or dit l’Article 83 de la Loi N°2018-014 du 23 avril 2018 portant modification de la loi n° 2016-048 du 17 octobre 2016 en vigueur : « Le bureau de vote comprend un président et quatre (4) assesseurs dont un désigné par la Majorité et un désigné par l’Opposition. Ils sont nommés, quinze (15) jours au moins avant la date du scrutin, par décision du représentant de l’Etat dans le Cercle et dans le District, dans l’Ambassade et dans le Consulat ».

Qui dit mieux ou pire ?

Sur le chapitre de ce qu’il a appelé la légèreté de la Cour, Mountaga TALL a rappelé l’épisode du rejet de sa candidature par la même Cour qui « avait rejeté ma candidature à l’élection présidentielle de 2018 en déniant à un maire secondaire de la Commune 5 la qualité de Conseiller municipal avant de se déjuger sur mon appel. Mais le mal était fait. »

Cette fois-ci, la Cour ne s’est pas souvenue que les listes ont des mandataires joignables et que surtout les dossiers de candidatures comprennent les actes de naissance et les casiers judiciaires, qui tous deux définissent le genre des candidats. Elle a donc rejeté à tort deux candidatures avant de se raviser sur appels des intéressés : « Considérant qu’il résulte de la vérification des dossiers de candidature que les réclamations contenues dans les requêtes numéros 8, 45 et 59 concernant Belco SAMASSEKOU et Sadio DIARRA sur leur genre sont fondées et qu’il y a lieu d’y faire droit » ;

Une autre légèreté : Sur requêtes de partis politiques qui estimaient que « l’on ne peut être conseiller communal d’un parti politique et se présenter sous la bannière d’un autre parti contre son parti à l’élection des députés ou même se présenter en indépendant contre son propre parti… » la Cour a jugé que « ….le requérant doit annexer à la requête les pièces produites au soutien de ses moyens et élire domicile au siège de la Cour » ;

La cour a donc exigé des requérants de produire une pièce dont ils dénoncent précisément … l’inexistence :

Difficile à comprendre a-t-il conclu sur ce point.

Me Tall a aussi expliqué que sa requête, enregistrée sous le numéro 021 le 21 février 2020 au Greffe de la Cour Constitutionnelle n’a reçu aucune réponse. Ne peut-on, dès lors parler de déni de justice ? s’est-il interrogé.

Enfin Mountaga TALL estime que la Cour n’a rien compris de la teneur de sa requête.

Selon la Cour, Me Mountaga TALL, dans sa requête soutient que « le décret incriminé viole les dispositions des articles 86 et 158 (nouveau) de la Loi électorale en ce qu’il n’assure pas l’organisation de l’élection des Députés dans l’ensemble des circonscriptions électorales du territoire national, y compris, celles nouvellement créées ».

En réponse : « Considérant qu’à cette étape du processus électoral devant aboutir à l’élection des Députés à l’Assemblée nationale, la Cour aux termes de l’article 163 de la Loi électorale connait exclusivement de l’examen de la validité des listes de candidatures et non de l’opportunité de la tenue de ladite élection dont l’intérêt, au demeurant, a été reconnu par le parti du requérant, le CNID-FYT, qui a présenté des listes de candidatures dans onze circonscriptions électorales ».

Or Me Mountaga TALL et le CNID – FYT n’ont jamais demandé et ne demanderont jamais à la Cour Constitutionnelle de se prononcer sur l’opportunité d’une élection pour une raison simple : elle n’en est pas juge.

Fusent alors les dernières questions : Pourquoi La Cour est-elle allée chercher ce motif politique dans une Déclaration politique du CNID – FYT pour l’introduire dans un débat purement judiciaire au point d’opiner sur l’intérêt que porterait ce parti aux élections contestées.

En conclusion Mountaga TALL regrettera et condamnera que la Cour décide de descendre ainsi dans l’arène politique.

A quelle fin ? Pour défendre qui et quoi ?

A la fin de cet exposé se sont instaurés des débats entre spécialistes des questions juridiques, des journalistes et hommes politique.

Cette initiative qui est une première a été unanimement saluée par tous les participants qui ont souhaité que la Cour Constitutionnelle en tire e meilleur parti pour s’améliorer.

Moctar Sow

Source Malikilé

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