Le Mali commémore, chaque 22 septembre, son indépendance acquise en 1960. C’est l’occasion pour les Maliens de célébrer l’accession du pays à la souveraineté nationale et internationale, après des années de lutte. Dans plusieurs localités et villes, ainsi que dans la capitale, cette fête a été longtemps considérée comme la plus importante de l’année.
Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le 22 septembre perd, de plus en plus, sa notoriété, la ferveur qui l’entourait et l’ampleur qu’elle avait n’est plus comme avant. Est ce parce que ce jour ne signifie plus rien pour la population ou parce qu’il ne vaut plus la peine d’être célébré comme avant ? A Bamako, la commémoration se limite presque à la cérémonie officielle avec défilés sur la place de l’indépendance ou prise d’armes sur une place militaire.
Les avis divergent mais la majorité est unanime sur le fait que la fête de l’indépendance n’est plus comme autrefois. Mme Dembélé Sayon est native de Bagadadji. Elle se souvient qu’à son époque, le 22 septembre était un jour spécial. Cette sexagénaire a confié que tout son quartier et les autres vibraient à l’annonce du 22 septembre. Une semaine à l’avance, les préparatifs commençaient. Et à la veille de la fête, les jeunes faisaient des flambeaux avec des tas de brindilles et sillonnaient les quartiers. « Le jour J, on assistait à la grande cérémonie. Il y avait des défilés, de la danse le matin. Le soir, c’était des match de football ou courses cyclistes », dit-elle.
Pour elle, cet engouement pour cette fête a disparu d’année en année. Mais elle estime qu’il faudra restituer cet esprit de fête pour inculquer à la jeune génération la valeur et la signification de ce jour, si spécial pour notre pays. Elle ajoutera que, « par la même occasion, il faut rappeler aux jeunes les exploits des héros qui nous ont permis d’être aujourd’hui indépendants ».
Ibrahim Bamenta, plus jeune qu’elle, lança « Oui, bien sûr, on célébrait le 22 mais quand j’étais beaucoup plus jeune, au village, où on accordait beaucoup d’importance à cette fête. Le commandant, qui était très respecté et beaucoup écouté, était le chef d’orchestre de l’organisation des manifestations. Aujourd’hui, c’est la question même de l’existence de l’autorité pour valoriser cette date qui se pose».
Bamenta se souvient de toutes les festivités. D’abord, en amont, des compétitions sportives étaient organisées pour jouer la finale le jour J. C’était le football et des courses de pirogues. « Je vivais à Niafunké, dans un arrondissement de 63 villages et, là, les représentants de tous les villages étaient convoqués, pour l’occasion, sous l’autorité du commandant. Le matin, jusqu’à 15 heures, c’était la fête sur la grande place et l’après-midi, c’était les finales », raconte-t-il.
« Quand j’étais petit, le 22 c’était bien », témoigne, avec enthousiasme, Seydou Dao qui ajoute que c’était « une fête malgré le régime de Moussa Traoré que certains appellent dictature. Mais, au moins, il n’y avait pas ce laisser-aller, comme maintenant ».
« La nuit du 22, il y avait de l’ambiance partout et, vers 20h, on voyait des flambeaux allumés dans les grandes artères de la ville. A l’approche du 22, tous les villages et villes étaient bien nettoyés et bien ornés pour l’occasion. Egalement, tous les villages des environs devaient préparer des troupes pour la fête au chef-lieu de Cercle », se souvient notre interlocuteur.
« Et, pour cela, il y avait toutes les compétitions possibles : de balafons, de courses à pied, de course de vélo etc. Le jour même, il y avait une grande cérémonie sur la place publique du Cercle parée à cet effet. Tout cela n’existe plus car on n’est plus un pays indépendant », ajoute Seydou, nostalgique.
Malick Diallo, contrairement aux autres, a toujours vécu à Bamako. Il se souvient aussi que la fête de l’indépendance était très grandiose. Pendant plusieurs années, lui et ses amis avaient l’habitude de célébrer le 22. « Nous cotisions entre amis et nous organisions un repas autour duquel nous écoutions de la musique et jouions à la belotte », dit-il. Tout cela appartient aux souvenirs. « On n’accorde pas d’importance à la fête. Les gens sont découragés des autorités et aussi de l’Armée, La fierté n’y est plus », pense-t-il.
Adama, pour sa part, dit que la jeune génération pense à autre chose qu’à la célébration de cette fête. Puissant dans ses souvenirs d’enfance, il raconte que ses copains et lui cotisaient pour organiser une soirée, la nuit du 22 septembre. Cette jeune fille, qui vient de souffler ces 30 bougies, pense, aussi, que la fête n’a plus la même ferveur qu’auparavant. Elle participait à la fête avec ses grands frères, qui avec leurs amis étaient toujours enthousiastes de fêter du 22 septembre. Elle se souvient qu’ils avaient toujours au menu du poulet et des frites. La nuit, c’était une soirée dansante chez un des amis. Mais la fête se poursuivait en boîte de nuit. « A côté, nous, les plus jeunes, nous comptions sur ce qu’ils nous donnaient pour faire notre fête, le petit soir », ajoute Adama.
Fatim Sissoko dit qu’elle, aussi, et ses amies cotisaient pour organiser leur fête. Mais aujourd’hui, rien de tout cela n’existe encore. « Le 22 septembre passe inaperçue. Je ne le réalise que lorsque je vois les drapeaux accrochés devant des maisons ou services », dit t-elle.
Moussa Doumbia, est un jeune écolier de 11 ans. Il ignore même que le 22 septembre doit êtrefêté. Il était même ébahi quand on lui demanda pourquoi ils n’organisent pas de fête, entre eux, comme lors de la fête de Ramadan, de Tabaski ou de Fin d’année.
FN/MD
Source: AMAP