Les tresses grosses, moyennes ou minces expriment merveilleusement le génie artistique songhoy. Quant aux parures, elles sont confectionnées dans une multitude d’objets très significatifs chez les Songhoy. C’est le cas des perles fabriquées à partir de coquillages d’ambre : bagues, bracelets et autres. Chaque étape de la vie d’une femme correspond au port de certaines parures, de la naissance à la mort, en passant par la jeunesse, le mariage, la maternité et la vieillesse.
La secrétaire de bureau en stage au musée du Sahel de Gao, Mme Maïga Farimata Touré, explique que les tresses songhoy sont créées en fonction de la culture, de l’identité ethnique, des événements, des envies et surtout pour le respect envers les femmes à la beauté des coiffures. Mme Maïga lève le voile sur l’art des tresses songhoy à travers ce bref cours : « elles peuvent être faites de manière torsadée sur le cuir chevelure. Dans le milieu traditionnel, elles sont multiples et très variées. Les tresses songhoy se classent en trois catégories : les tresses avant l’âge nubile, les tresses de beauté, les tresses frappées par l’interdit ».
Les tresses avant l’âge nubile, « Jisi », signifie « réservé « : la jeune fille est rasée. Une mince bande de cheveux est gardée sur le front. Elle est divisée et tressée en deux rangées de la gauche vers la droite. Le « Tchiéchi » ’est tressé sur la tête des jeunes filles de 10 à 15 ans. Le message qu’elle transmet décrit en songhoy » ce qui est posé sur la bordure ». Cette tresse s’accompagne toujours d’un boubou blanc, d’un pagne noir et la fille porte des chaussures en peau. Les tresses « Sourgou-sourgou » sont réservées à la jeune fille de 13 ans ou plus. La tresse de beauté « Zourazoura » orne la tête de la jeune femme et est portée au moment des différentes fêtes.
« Les Zoota-Kamba » sont également les tresses de beauté réservées aux femmes célibataires. La maternité est traduite par une tresse appelée « KoKara ». Après l’accouchement, la parturiente transmet son message en portant cette coiffure. Il en existe deux. Les tresses sont entrelacées de perles (Kawla) qui ont des significations. Premièrement, si la femme porte au front trois « Kawla », l’enfant qu’elle porte sur le dos est un garçon. D’où le nom de « Kokara-Izé-aro ».
Si elle porte quatre «Kawla» l’enfant est une fille. Cette coiffure porte le nom de « Kokara-izé-woyo ». Les femmes mariées qui ont à leur actif deux maternités portent la coiffure « Zumbu », qui a la forme d’une crête de coq. Ainsi, les cheveux sont tressés de tous les côtés parsemés de perles. Le front est couvert de nattes de perles. Le milieu de la tête est couvert par le «Zumbu » à la crête agrémentée de lambeaux de fils rouges qui tombent sur les joues. Les « Zoota-Kamba » ou « manche de louche » désignent les cheveux tressés sur tous les côtés, mélangés ou entrecoupés de perles « Kawla ». Ce sont des tresses de beauté rassemblées sous forme de manche de louche qui font reconnaître les femmes célibataires en quête de futur mari. Elles révèlent la situation sociale de la femme. La coiffure «Yolo-Gorbo» ou «Yola-Yola» est compliquée.
Les cheveux sont divisés et tressés de telle sorte que les tresses pendent des deux côtés des joues. Une touffe de tresses tombe sur le front. Plusieurs tresses éparpillées recouvrent la nuque. « Bamba-Bamba » ou encore « ténia hiri » sont des réussites de perles disposées sur le front. Les cheveux sont tressés en remontant de la nuque au front. Ce travail est enrichi avec des perles « Kawla ». Ces perles multicolores soutiennent les tresses. La nouvelle mariée porte cette coiffure toute la semaine après le mariage. Elle est interdite aux femmes veuves, non mariées et âgées.
La tresse «Moorari» est interdite aux filles. Elle est uniquement l’attribut des femmes âgées. La vue de la tresse «Binba» est interdite à tout homme qui peut marier la femme après son veuvage de quatre mois et dix jours. Selon les confessions religieuses, la » Faata » est interdite aux autres femmes.». Les tresses « Hilo Hilo » appartenaient aux seules femmes de l’ethnie «Gorongobou» de Gao. Par contre, « Bamba-Bamba », « Manga-Fa », « Zumbu » sont utilisées par toutes les catégories de femmes de la communauté songhoy. Qu’elles soient grandes dames, épouses de rois, d’empereurs ou d’hommes libres. Cette tresse se fait le premier jour du mariage. Elle est interdite au nouveau marié de voir cette tresse, car il serait possédé par les esprits.
Le modèle « Moorari » signifie caresse en milieu songhoy. Les cheveux sont divisés en deux ou trois parties et sont tressés sans finesse du front vers la nuque. Il est propre aux femmes qui ont atteint l’âge de la ménopause. Mais elle est interdite aux autres femmes songhoy. Dans certains milieux, on l’appelle « Kum-Kum », ou «Faata», ou encore « Faata-Koli » qui veut dire rassembler, réunir. Cette coiffure se distingue par sa simplicité.
Le directeur régional du musée du Sahel de Gao, Abdoulaye Maïga explique que les tresses songhoy permettent aux femmes de se rapprocher, de partager les bonheurs et les malheurs. Il précise aussi que le rôle social des tresses en milieu songhoy se reflète dans l’apprentissage car la transmission du savoir-faire des compétences dure longtemps entre les générations.
Mme Maïga Mariam Maïga, secrétaire au gouvernorat de Gao se dit très fière d’être descendante de l’ethnie sorgho. Cependant, elle ne croit pas aux interdits de certaines tresses. Selon elle, le mariage est un destin. Elle affirme avoir déjà porté des tresses songhoy («Hilo-hilo, Bamba-bamba et Zota-Kamba») avec l’exigence de sa mère, ajoutant que certaines coutumes n’ont plus leur place.
Mme Maïga Halimatou Touré dite Halibara est la gardienne des tresses songhoy de la Région de Gao qu’elle a hérité de sa grand-mère du nom Agaïchatou Bilal originaire de Gao et de la famille «Gorongobou». Selon elle, grâce au métier de coiffeuse de tresses songhoy, elle est connue sur les plans régional et national.
Au niveau de l’artisanat de Gao, Mme Maïga Halimatou est la seule qui fait les tresses songhoy, prête les posées des tresses songhoy et les vend aussi. En sus, elle forme aussi les femmes et les jeunes filles.
Halimatou Touré dira qu’elle a contracté un marché avec certaines ONG de la place pour la formation de 140 femmes et jeunes filles en tresse songhoy et en tissage des perles. Mme Maïga estime qu’elle prête les tresses songhoy en posées en raison de 10 000 Fcfa à 20 000 Fcfa selon la qualité et les vend aussi entre 50 000 Fcfa à 75 000 Fcfa. Mais lorsque la cliente apporte ses perles, le prix de la tresse varie entre 1 500 à 2 500 Fcfa selon le motif.
« Grâce à mon métier de tresse, j’ai voyagé à travers le Mali et j’ai construis des maisons. Et je continue à prendre en charge des frais de scolarité de mes enfants et petits enfants. Je paie aussi certaines jeunes filles qui viennent m’aider au salon.
» Elle ajoutera que c’est durant les grandes fêtes, les mariages et l’accueil des grandes personnalités que les tresses songhoy sont très sollicitées. Elle soutient qu’à présent certaines familles gardent la tradition songhoy. Dans sa boutique de vente d’accessoires de parures et de posées des tresses songhoy, on voit plusieurs attestations accrochée au mur qu’elle a obtenu dont la toute dernière est celle de la Biennale nationale tenue à Sikasso.
Abdourhamane Touré
Amap-Gao
Source : L’ESSOR