La Coalition pour le Sahel a été créée à l’issue du sommet de Pau du 13 janvier 2020. Nouveau cadre politique, stratégique et opérationnel dans la coopération entre la France, les pays du G5 Sahel et d’autres partenaires, elle a quatre piliers : la lutte contre le terrorisme, le renforcement des capacités militaires des États de la région, l’appui au retour de l’État et des administrations sur le territoire et l’aide au développement. Une année après, quelle est la situation ?
Le Président français Emmanuel Macron et les chefs d’État du G5 Sahel se réuniront à N’Djamena mi-février. Ce sera l’occasion de jauger les avancées dans l’atteinte des objectifs militaires et politiques de la Coalition pour le Sahel. L’objectif militaire visait à concentrer les opérations antiterroristes autour de la zone des trois frontières, entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, avec comme cible prioritaire l’État islamique au grand Sahara (EIGS). Il s’agissait aussi de l’opérationnalisation de la force spéciale européenne Takuba, qui devait « aider » l’armée malienne. Une année après, les lignes semblent bouger, comme peut en témoigner le bilan de Barkhane en 2020. Avec 128 actions de combat, l’EIGS a été la cible prioritaire de la force française et de ses partenaires du G5S dans la zone des trois frontières. Le groupe a été affaibli, selon l’état-major français. Il a perdu des « centaines » d’hommes et d’armes. La Force Takuba est déjà en place et, le 5 février dernier, la Suède a annoncé une contribution de 150 hommes. En termes de renforcement des capacités militaires, 5 000 soldats des pays du G5S ont reçu une formation auprès de Barkhane. Au regard de ces avancées, « on peut dire que la pression mise par Barkhane et ses alliés a permis d’assainir cette zone, même si pas ce n’est pas complètement », explique Mahamadou Sawadogo, chercheur, spécialiste des questions sécuritaires au Burkina Faso.
Pour Jean-Hervé Jezequel, chef du projet Sahel à International Crisis Group, l’option militaire n’est que de courte durée et contribue à faire émerger d’autres formes de violences. « Bien sûr qu’il y a des résultats quand on mobilise de tels moyens, mais la question à se poser est celle de la capacité des opérations militaires à peser durablement sur la situation régionale. De ce point de vue, je suis assez pessimiste. Quand on voit les zones affectées par les violences s’étendre année après année, quand on regarde dans le même temps les bilans humains s’alourdir, en particulier parmi les populations civiles, on se dit que la primauté donnée aux opérations militaires est un échec stratégique ».
Retour de l’administration L’objectif politique de la Coalition pour le Sahel était le retour de l’État « partout et dans toutes les régions » du G5 Sahel, la région malienne de Kidal en priorité. Sur le terrain, les résultats dans ce sens demeurent mitigés. Plusieurs localités manquent d’administration publique et d’écoles, comme au centre et au nord du Mali. « Pour que cela soit une réalité, il faut d’abord que la zone soit entièrement stabilisée. Ce qui n’est pas encore le cas », explique Mahamadou Sawadogo.
Selon Jean-Hervé Jezequel, la question tient plus à un problème de gouvernance qu’aux infrastructures. Il faudrait que les administrés aient plus confiance en les administrateurs. « Je comprends le poids symbolique de la ville (Kidal, ndlr), mais réduire le problème du retour de l’État à la question de Kidal m’apparait très réducteur. La crise au Sahel est avant tout une crise de la gouvernance, au sens du rapport qui s’établit entre un État et ses citoyens, rapport lui-même en grande partie dépendant de la capacité de l’État à garantir un accès équitable aux services de base.
Dans son rapport « Réordonner les stratégies de stabilisation du Sahel », publié début février, International Crisis Group souligne que « près d’un an après le sommet de Pau, aucune des régions touchées par l’insurrection ne peut prétendre être débarrassée des djihadistes ou bénéficier du retour de l’autorité de l’État. Pour l’essentiel, la violence continue de faire payer un lourd tribut aux civils et le conflit semble de plus en plus insoluble ».
Boubacar Diallo
Source : Journal du Mali