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CNPM : Quand les éléphants se battent…

Le consensus qui caractérisait le Conseil national du patronat du Mali (CNPM), appartient désormais au passé. Après le 26 septembre 2020, où une Assemblée générale a élu M. Diadié dit Amadou Sankaré Président du nouveau bureau, une seconde Assemblée générale, tenue le 8 octobre 2020, a élu à son tour M. Mamadou Sinsy Coulibaly, le Président sortant, à la tête d’un nouveau bureau. Désormais, les deux personnalités se proclament toutes à la tête de la faîtière des patrons maliens. Une situation inédite, que les textes de l’organisation n’ont pas permis de démêler. Convaincue de son bon droit, chaque partie campe sur ses positions, faisant apparaître de profondes divergences au sein de l’organisation, avec des risques d’effets néfastes sur le secteur privé.

 

« En ces lendemains de période de renouvellement de nos instances, je vous  remercie pour la confiance placée en ma modeste personne pour présider aux destinées de notre illustre organisation pour les 5 prochaines années. J’ai conscience de la lourde responsabilité qui est la mienne, surtout après les malheureuses incompréhensions qui ont émaillé le processus de renouvellement. Cela témoigne du dynamisme de l’institution et de l’intérêt et de la passion de ses acteurs pour son devenir », affirmait M. Amadou Diadié Sankaré, le 12 octobre 2020, au siège du Patronat, dans son discours.

Invitant les acteurs à consacrer leur énergie à relever les défis qui sont les leurs, il a déclaré que « désormais les élections sont derrière nous ». Non sans tendre la main à son prédécesseur, M. Mamadou Sinsy Coulibaly, afin de solliciter son expérience pour accompagner le secteur privé dans sa marche en avant.

Textes obsolètes

Si « le CNPM s’est hissé au rang d’organisation majeure, voire leader au sein de ce secteur privé », selon M. Sankaré, ses textes ont sans doute montré leurs limites face à la double candidature à la tête de son principal organe de direction.

« Il y a un besoin urgent de relecture des textes, ce à quoi on s’attèlera dès le début de ce mandat », affirmait Madame Berthé Minian Bengaly, Présidente de la Fédération nationale des consultants du Mali (FENACOM), le 11 octobre 2020.

Interrogée sur la situation qui prévaut au CNPM, elle répond : « pour le moment, il n’y a qu’un Président du Patronat », M. Mamadou Sinsy Coulibaly en l’occurrence. Elle ajoute « notre référence, ce sont les statuts. Nous avons ceux qui concernent le Patronat. C’est un bureau légitime et légal ».

Conformément aux statuts de l’organisation, le mandat du bureau doit être renouvelé tous les 5 ans. Élu en 2015, le bureau dirigé par M. Mamadou Sinsy Coulibaly arrivait donc au terme de son mandat cette année. L’Assemblée générale chargée du renouvellement avait été convoquée pour le 26 septembre 2020. Mais, pour la première fois en 40 ans d’existence, le Secrétariat général avait reçu deux listes de candidature. Une situation inédite, compliquée par l’appartenance simultanée de plusieurs noms aux deux listes. C’est pour cette raison que le secrétariat invitera les parties concernées à procéder à une régularisation. Si les deux parties s’accorderont sur la difficulté de la situation, elles n’entendront pas y remédier de la même manière.

Alors que la liste de candidature menée par le Président sortant, M. Coulibaly, à ce titre, ordonne un report aux fins de clarification à partir des textes, la liste menée par M. Sankaré estime que ce n’est pas un motif de report, car c’est une situation qui peut être clarifiée rapidement. En outre, la présence de noms qui figurent sur les deux listes est peut-être « inhabituel, mais pas interdit », parce que les textes n’évoquent pas ce cas, selon M. Souleymane Sidibé, responsable de la cellule de communication du candidat Sankaré. Le report était juste une façon pour l’autre camp de gagner du temps, selon lui.

Ainsi, sur avis du Comité statutaire, l’Assemblée générale du 26 septembre est maintenue et à l’issue de l’élection c’est un nouveau bureau, présidé par le candidat Sankaré qui l’emporte.

Un secteur, deux voix

Malgré la conscience « du poids de l’héritage de rassembleurs légué par nos illustres devanciers, qui nous engage à servir le secteur privé dans toute sa diversité », selon M. Sankaré, la rupture semble consommée entre les parties, qui réclament chacune d’être considérée comme légitime.

Le Secrétariat général, chargé de l’organisation matérielle de l’élection, est jugé partial par le camp Sankaré, qui revendique une élection ayant satisfait aux conditions d’organisation matérielle et joui de la supervision du Comité statutaire, qui veille à l’application des textes du CNPM. Tout cela sous le contrôle de deux huissiers et avec la transparence lors du vote et du dépouillement. « Un Comité statutaire n’a aucun pouvoir pour autoriser l’organisation de l’Assemblée générale », rétorque-t-on du côté du président sortant.

Le contexte changeant d’un environnement économique soumis à de nombreuses contraintes n’a sans doute pas épargné l’organisation patronale. Ou plutôt, l’envergure et la  renommée de l’organisation attirent maintenant les convoitises, disent certains acteurs. Et la nécessité de réformer une organisation vieille de 40 ans, et ses règles de fonctionnement, pourtant reconnue par ces acteurs, n’a pas suffi à obtenir l’habituel consensus.

S’adapter aux nouvelles réalités et ne pas perdre de vue que l’environnement national et international est soumis à d’énormes incertitudes sont des défis qu’espère en tous cas relever M. Sankaré, ajoutant qu’autant que les Maliens ont besoin de se retrouver et de conjuguer leurs efforts, autant et même plus que jamais le secteur privé a besoin de s’unir dans toute sa diversité.

Mais l’objectif n’est pas encore à portée de main, parce que ce qui se dessine augure peut-être d’une « longue crise de l’institution, qui n’est pas à écarter », ajoute M. Amadou Sangaré, économiste et consultant.

Quels recours ?

Désormais les regards sont tournés vers la justice, sur laquelle les deux parties comptent pour faire valoir leurs droits.

Une prise de fonction officielle, suite à une ordonnance gracieuse, des serrures changées en présence d’huissiers et une première réunion du bureau. Ce furent les temps forts de la journée du 12 octobre 2020 au CNPM. Le tout en présence des forces de l’ordre. « Nous sommes dans la légalité et nous demeurons dans la légalité », explique M. Sidibé, du camp Sankaré.

En effet, suite à la « validation de la tenue de l’élection du 26 septembre et à l’invalidation de celle du 8 octobre 2020, nous nous sommes mis dans les conditions de faire valoir nos droits », précise M. Sidibé. C’est donc par une ordonnance gracieuse du tribunal de la Commune IV, émise à la requête du camp Diadié Sankaré, que ce dernier a obtenu l’autorisation « d’investir les locaux », assure M. Sidibé.

L’ordonnance gracieuse, qui a sans doute constaté l’élection de la partie concernée suite à la présentation des procès-verbaux issus de l’assemblée élective, peut cependant faire l’objet d’opposition de la part de l’autre partie, explique un juriste. Le camp Coulibaly a déjà amorcé cette démarche. On est entré désormais dans le cadre du contentieux pour départager les deux parties. Ce qui marquera sans doute une nouvelle étape dans la vie du CNPM.

Fatoumata Maguiraga

Journal du Mali

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