Les rideaux sont tombés, le dimanche 29 septembre dernier, sur la plus grande messe du journalisme, à savoir la 11e Conférence mondiale sur le journalisme d’investigation. Pour la circonstance, Hambourg, la deuxième plus grande ville d’Allemagne, après Berlin, s’est vêtue de ses plus belles couleurs. Deux sites mythiques et incontournables de cette ville historique ont abrité plus de 250 activités de cette conférence. Il s’agit de la maison d’édition » Der Spiegel » et la Hafen City University Hambourg. Une rencontre qui a de loin battu le record de mobilisation avec la présence de pas moins de 1700 journalistes issus de 130 pays.
La Conférence mondiale sur le journalisme d’investigation (GIJC) est organisée tous les deux ans par le Réseau mondial de journalisme d’investigation (GIJN). Pour cette 11e édition, outre le Réseau, la rencontre a été co-organisée par Netswerk Recherche (NR) – une organisation très expérimentée dans la collecte de fonds et des partenariats à long terme existant avec des Fondations – et l’Académie Interlink pour le dialogue international et le journalisme.
A en croire certaines sources, l’attribution de l’organisation de cette conférence à Hambourg, lors de la même circonstance en Afrique du Sud, en novembre 2017, ne faisait l’ombre d’aucun doute. En ce sens que cette ville mythique de l’Allemagne concentre plusieurs grands médias, dont le magazine d’investigation » Der Spiegel « est de loin le plus célèbre.
Outre Hambourg, il y avait aussi Lima (Pérou) et Riga (Lettonie) qui avaient fait acte de candidature pour abriter la 11e édition du GIJC. A noter que parmi les journalistes présents lors de cette conférence, près d’une dizaine est issue de la Cellule Norbert Zongo pour le Journalisme d’Investigation en Afrique de l’Ouest (CENOZO). Laquelle est un projet innovateur de journalisme d’investigation à partir de bases de données en Afrique de l’Ouest.
L’une de ses missions est de soutenir financièrement et de coordonner des enquêtes transfrontalières pour lutter contre la corruption, le crime organisé, les violations des droits humains et le terrorisme. La CENOZO inscrit ses actions dans la promotion des pratiques de bonne gouvernance et le renforcement des capacités des journalistes locaux.
Partenariat stratégique
La présence des journalistes de cette organisation n’aurait pas été possible sans l’appui de certains partenaires, dont l’ONG danoise » International Media Support (IMS). Celle-ci a assuré la prise en charge totale de tous les journalistes proposés par la CENOZO pour assister à cette grande messe du journalisme d’investigation.
Comme toutes les autres conférences similaires, celle de Hambourg a mis un accent particulier sur les compétences pratiques, la technologie et la formation. Les activités de cette rencontre ont été marquées par des panels, des ateliers et des sessions de réseautage de pointe, allant de la collaboration transfrontalière au suivi de la corruption en passant par l’analyse de données avancée.
Pour la circonstance, les participants, à travers l’application » Whova « ,ont eu droit à une liste de formateurs de classe mondiale, comprenant des lauréats du prix Pulitzer, des pionniers du journalisme en ligne et les meilleurs praticiens du secteur dans le monde entier. Sur ce tableau alléchant, le plus dur pour les journalistes était de faire le choix pour une session, toutes étant aussi intéressantes et instructives.
Selon les organisateurs, ces sessions ont permis aux participants de découvrir les meilleures techniques pour enquêter sur la santé, les réseaux mafieux, les industries extractives, le trafic d’arme, le changement climatique ou les violences sexuelles. Notons qu’un accent particulier a été mis sur la nécessité pour les journalistes de travailler dans le cadre d’un réseau. La collaboration journalistique a été fortement encouragée au cours de cette conférence.
Autre thématique majeure, plusieurs fois évoquée au cours des différentes sessions, c’est la sécurité des journalistes. Signalons que, rien qu’en 2019, » Reporters Sans Frontières « dénombre déjà la mort de 30 journalistes, 6 journalistes citoyens et 2 collaborateurs. La situation de ceux qui sont encore en incarcération est encore plus dramatique.
Toujours selon » Reporters Sans Frontières « ,en 2019, on compte l’emprisonnement de 233 journalistes, 137 journalistes citoyens et 17 collaborateurs. D’où la nécessité des échanges sur la sécurité des journalistes.
Une grande attention a aussi été portée sur les » fakenews « ou » infox « , devenues de nos jours une thématique majeure à l’ère du tout numérique et de la technologie. D’aucuns parlent même de l’existence de laboratoires de désinformation dans certains pays.
Pour contrer la propagation de ce fléau, des sessions ont été consacrées au » Fact Checking ou vérification des faits « et au » data journalism ou journalisme des données « .
Le genre a aussi eu une place de choix dans cette conférence, dans la mesure où les organisateurs ont dénombré 48% d’intervenantes et 50% de participantes. Des sessions ont également été consacrées aux techniques d’enquêtes en source ouverte consistant à rechercher une information à travers une source d’information publique.
Il convient de préciser qu’au cours de cette conférence, les participants ont aussi pris connaissance de l’existence de plusieurs bourses permettant de financer les enquêtes pour les journalistes vivant dans des pays en développement ou de remporter des prix prestigieux à travers leurs productions.
Cette conférence a donc tenu toutes ses promesses. En 2017, elle a été organisée, pour la première fois, sur le continent africain, plus précisément à Johannesburg, en Afrique du Sud.
Il convient de signaler que la Conférence mondiale sur le journalisme d’investigation est le plus important rassemblement de data journalistes et de journalistes d’investigation au monde. Depuis 2001, date à laquelle elle s’est tenue pour la première fois à Copenhague, au Danemark, cette conférence a réuni depuis plus de 7.000 professionnels provenant de toute la planète.
En 2003, c’est toujours la capitale du Danemark qui a organisé cette conférence. Avant d’être décentralisée à Amsterdam (Pays-Bas), en 2005, Toronto (Canada), en 2007, Lillehamer (Norvège), en 2008, Genève (Suisse), en 2010, Kiev (Ukraine), en 2011, Rio de Janeiro (Brésil), en 2013, Lillehammer (Norvège), en 2015, Johannesburg (Afrique du Sud), en 2017 et Hambourg (Allemagne), en 2019.
Il reste encore à déterminer le lieu qui va abriter la 12e édition de cette conférence, même si d’aucuns parlent déjà de l’Asie ou de l’Amérique, en 2021.
Le Réseau mondial de journalisme d’investigation (GIJN), principal organisateur de cette conférence, est une association internationale d’organisations à but non lucratif qui soutient, promeut et produit du journalisme d’investigation.
Ces conférences bisannuelles sont pour lui, une occasion de réunir les journalistes d’investigation du monde entier afin de partager leurs connaissances et leurs compétences et de constituer des réseaux transfrontaliers de reportages et de renvois collaboratifs.
Massiré DIOP
Source: l’Indépendant