Par mois, la Compagnie de la circulation routière (CCR) peut enregistrer 30 cas d’accident liés à l’usage des téléphones portables. Cette pratique est fréquemment exercée par les hommes en général et la frange jeune en particulier
Dans la circulation à Bamako, il n’est plus étonnant de voir les motocyclistes les écouteurs aux oreilles en train d’écouter de la musique ou de dialoguer avec des interlocuteurs à distance. Or il est clair que conduire un engin et écouter de la musique en même temps est extrêmement dangereux. Autrement dit cela peut facilement provoquer des accidents parfois mortels. Face à cette situation, le point de vue des usagers de la route diverge.
Assis sur sa moto «Djakarta» rose, Seydou Togola avoue que très souvent il écoute de la musique étant dans la circulation. «Je sais que ce n’est pas prudent mais je le fais, car écouter de la musique dans la circulation me met à l’aise», confie-t-il naïvement. Ce jeune enseignant du lycée Samba Soumaré de Lafiabougou ne se soucie guère de tous les dangers qu’il court et qu’il fait courir aux autres. Non loin de là, habillé en jean bleu et t-shirt jaune de marque « Lacoste », M.K explique que l’usage des écouteurs lui permet de se passer du bruit incessant de la circulation routière. C’est étonnant quand même. Ecouteurs placés aux oreilles, lunette sur le front, habillé en chemise grise et jean bleu, Bah Samaké aime écouter de la musique. A la maison, dans la circulation comme sur son lieu de travail, le jeune maçon de Sirakoro Méguétana porte toujours les écouteurs. «Chaque matin, en partant au boulot à moto, j’écoute la radio. Je reste avec mes écouteurs pendant toute la journée», di-t-il. «En circulant en ville, j’ai l’habitude de mettre les écouteurs sans pourtant écouter de la musique ou de faire des appels.
C’est arrivé à destination que je le fais», confie sagement un jeune motocycliste croisé sur la voie de Niamakoro, non loin de la tour d’Afrique. Débout sur son «X one» rouge, Seydou Camara pense qu’utiliser les écouteurs dans la circulation dépend de la volonté de chacun. «Dans la circulation, il y a ceux qui pensent que ce n’est pas bien. Mais une chose est claire : qu’on utilise les écouteurs ou pas, si le destin décide que c’est dans la circulation qu’on doit finir sa course, ce sera le cas tout bonnement», pense-t-il, fataliste. Si le port des écouteurs a ses adeptes, il ne manque pas non plus de détracteurs. Contrairement à certains interlocuteurs, Moussa Kanta, fermier à Banankoro, pense que le port des écouteurs déconcentre l’usager de la circulation. Il estime que nombre d’accidents en ville sont causés par cette pratique. «En tout cas, je ne le pratique pas et je le déconseille à tous les usagers de la circulation qui le font», s’exprime-t-il. Ibrahim Gakou ne porte pas les écouteurs dans la circulation parce que tout simplement ce n’est pas autorisé par la loi. Visiblement prudent, les mains au guidon de sa moto, le jeune commerçant du Grand marché de Bamako regrette que cette pratique continue d’ôter la vie à nombre d’usagers de la route.
DES CAS D’ACCIDENT. «Par mois, on peut enregistrer 30 cas d’accident liés à l’usage des téléphones portables», affirme le Commandant de la Compagnie de la circulation routière (CCR), le commissaire principal, Abdoulaye Coulibaly. Il précise que cette pratique est fréquemment exercée par les hommes en général et la frange jeune en particulier. Il a rappelé que l’usage du téléphone portable dans la circulation routière est interdit par le décret 0413 du 27 septembre 2006 en son article 4 nouveau. L’infraction est réprimée et donne lieu au paiement de 15.000F CFA. «Cela est valable pour les motocyclistes aussi bien que les conducteurs de voiture», précise l’officier de police. Avec l’évolution rapide de la technologie, notre interlocuteur estime qu’une relecture ce décret est nécessaire pour ramener l’interdiction à «l’usage des téléphones dans la circulation». «De nos jours, on assiste à l’usage des téléphones à main libre, par Bluetooth, oreillettes. Toutes ces pratiques peuvent causer les accidents», indique le commissaire principal, ajoutant qu’arrêter cette pratique, c’est non seulement se protéger soi-même, mais aussi protéger d’autres usagers de la circulation. Enfin, le commandant de la CCR invite les usagers de la route à, non seulement éviter le port des écouteurs, mais surtout éviter l’usage même des téléphones dans la circulation. Il conseille tout conducteur de s’arrêter pour passer les appels…
Selon un responsable de l’Agence nationale de la sécurité routière (ANASER), c’est vers 1992 que le code actuel a été institué. Or à cette époque, il n’y avait pas de téléphone portable.
Il explique que jusqu’à présent, ce code est en vigueur malgré qu’un projet de nouveau code ait été établi il y a deux ans. « La relecture du nouveau code de la route, dans lequel l’usage du téléphone au volant est visé comme infraction, est déjà faite. Il reste son adoption par les députés de l’Assemblée nationale », dit notre interlocuteur.
Avec le bruit des engins dans la circulation, écouter de la musique ou passer des appels requiert une hausse de volume.
A ce propos, le Pr Mohamed Amadou Keita du service ORL du Centre hospitalier universitaire Gabriel Touré explique que ce soit en circulation ou pas, augmenter le volume du son appareil n’est pas bon pour les oreilles. Selon lui, dès que le son devient fort, l’oreille s’expose à la surdité.
Le Pr Keita invite les pratiquants à écouter à bas bruit, sur les écouteurs calibrés 25-30 décibels et de fréquence 500 à 1000 hertz. Il conseille aussi d’observer certaines mesures comme ne pas dépasser 30 minutes à une (1) heure d’écoute et faire de grandes pauses entre les écoutes afin de laisser les oreilles se reposer.
Mariam F. DIABATÉ
LEGENDE ; L’utilisation des écouteurs au volant n’est pas encore reprimée dans notre pays
Essor