Existe-t-il une opinion publique dans la plupart de nos États ? Nombreux sont les hommes de média qui se posent la question. Quel rôle cette opinion publique joue-t-elle, avec quels moyens ? Il est inutile de rappeler la complicité qui existe entre les journalistes et leur opinion publique ailleurs. En effet, si le quatrième pouvoir dans un système démocratique titille, dérange, dénonce la politique des hommes au pouvoir, c’est bien parce que ces derniers ont peur de la réaction de l’opinion publique. La presse, sous tous les cieux, est un faiseur d’opinions. C’est au vu de son importance dans la société qu’elle doit scrupuleusement respecter les règles déontologiques et morales de son milieu ambiant.
Cela nécessite une formation des hommes de média, mais avant tout, un sens élevé des valeurs. Car c’est au nom de ces valeurs, de l’amour pour la patrie, que le journaliste a le courage d’affronter tous les dangers dans l’exercice de ses fonctions. Ce métier est un sacerdoce, fait d’humilité et de risques. Chaque enquête peut conduire le journaliste à une issue fatale. Ils sont nombreux, les journalistes emprisonnés ou assassinés dans le monde. La situation n’est pas très reluisante dans notre pays. Le journaliste Birama Touré reste introuvable malgré toutes les investigations en cours pour retrouver notre confrère.
Chez nous au Mali, l’opinion publique ne joue pas son rôle en temps opportun. À quelques exceptions près, elle sombre dans une léthargie qui la prive de sa force principale : l’action. Une opinion publique qui ne réagit pas par des actes face aux révélations du journaliste est une opinion publique mourante. Le plus souvent, elle se contente de commentaires autour d’une bière, pardon d’une tasse de thé, en considérant le journaliste comme un dérangeur. Et entre deux brochettes, ces hommes, femmes et jeunes qui constituent l’opinion publique avalent la vérité du journaliste. Jusqu’à ce qu’un jour, eux-mêmes deviennent victimes d’une injustice. Ils se mettent à crier au scandale ! Exigeant du journaliste qu’il dénonce activement le calvaire qu’ils vivent.
Quand la case du voisin brûle, il faut l’aider à éteindre le feu. L’opinion publique doit réagir énergiquement face aux révélations du journaliste. Par contre, les révélations du journaliste permettent à l’opinion publique de contrôler l’action des hommes publics. Les moyens de revendiquer, contester existent.
Croyez-nous, le journaliste n’a pas besoin que vous lui donniez de l’argent. Il sait à quel point la rudesse de la vie au quotidien a troué la poche des citoyens. Il n’a pas non plus besoin de vos éloges, parfois intéressés, lorsque vous vous retrouvez dans le rôle de la proie dans un système politique sauvage. Ce qu’il attend de vous peut être résumé en un mot, celui que sœur Emmanuelle, la « petite sœur des chiffonniers » aimait prononcer : Yalla ! En avant ! Sœur Emmanuelle est décédée en octobre 2008, à l’aube de ses cent ans en nous laissant un héritage qui renforce notre dignité. Elle l’aura conservé toute sa vie : Yalla !
À chacun donc, son Yalla ! La chiffonnière du Caire aura prouvé qu’au milieu des ordures, dans un dénuement matériel total, l’être humain pouvait vivre digne. Yalla ! nous interpelle. Elle interpelle l’opinion publique dans notre pays qu’il faut toujours réagir pour aller en avant, quelles que soient les conditions matérielles dans lesquelles nous vivons. Il n’y a donc pas d’excuses pour l’inaction. Nous invitons l’opinion publique à faire preuve d’actions. Nous sommes conscients des conséquences de la crise financière sur les Maliens. Le journaliste, lui-même n’est pas épargné. Néanmoins, nous renouvelons notre promesse d’aller toujours de l’avant, tant que nous resterons journalistes. À chacun son Yalla !
Henri Levent
Source : LE PAYS