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Chronique du Mali: Refuser la remise en cause des droits universels

« Levez-vous pour vos Droits! » Il n’est point ici question d’« incitation à la révolte », telle que les pouvoirs publics se sentant morveux ont l’habitude de reprocher aux journalistes, quand ceux-ci ont l’opportunité de taper dans la fourmilière, à travers la publication d’un article de presse. Non, il ne s’agit pas d’«incitation aux crimes et délits ». Il s’agit du thème de la Journée Internationale des Droits de l’Homme 2018, convenu en 2017 par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et organisée hier jeudi à l’hôtel Sheraton de Bamako, par la MINUSMA en collaboration avec le Gouvernement du Mali et la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH).

Ce thème pouvait-il mieux tomber, quand partout dans le pays, le quotidien est fait de menaces terroristes, d’agressions multiples contre les forces maliennes, Barkhane et les casques bleus, et d’attaques complexes inter ou intra communautaires au nord et au centre du Mali. A Bamako, la situation se caractérise par des manifestations de contestations sur des questions de gouvernance : dégradation de la situation au centre du Mali (au moins 1200 morts en deux ans), projets de découpage territorial, insécurité grandissante, les entraves et violations des libertés démocratiques, la violation du droit de manifester pacifiquement, les grèves des travailleurs pour revendiquer leurs droits, des intimidations contre les journalistes – agressions et procès fantoches-.

En conséquence, des manifestations de l’opposition ont été violemment réprimées à Bamako, le 2 juin, le 16 novembre et le 8 décembre 2018. Des manifestants pacifiques et des leaders politiques ont été gazés et molestés. Un député de l’opposition a reçu des coups et blessures volontaires. Mêmes les patriarches n’étaient pas épargnés par des sevices corporels venant des forces de l’ordre, qui ont outrepassé leur mission, qui même en période d’état d’urgence, doit respecter les conditions de nécessité et de proportionnalité. S’en prendre à un vieux comme le Professeur Ali Nouhoum Diallo, qui plus est ancien président de l’Assemblée nationale du Mali et du parlement de la CEDEAO, jusqu’à l’alitement est inadmissible, quand son seul tort est d’être sorti pour exprimer son opinion, manifester son désaccord avec la façon de faire du pouvoir. Comment comprendre qu’au moment où notre pays est confronté à une insécurité croissante, nos forces de l’ordre soient utilisées contre des manifestants maliens qui auraient tort de dire non ?

Lors de la marche du 8 décembre, une manifestante, Mme Dolo Nana Hamidou Diabaté, mère de deux enfants, a été pourchassée, attrapée et moletée par un groupe d’éléments de maintien d’ordre, outrepassant toute mesure de nécessité et de proportionnalité. Ont-ils agi sous prétexte de l’état d’urgence et de la mesure d’interdiction de battre le pavé, émanant du gouverneur du district de Bamako ? Il faut combien d’éléments pour maitriser une manifestante aux mains nues ? Les forces de maintien d’ordre ont elles reçu l’ordre de porter gravement atteinte à l’intégrité physique des manifestants aux mains nues en leur donnant coups et blessures disproportionnés? Qui a donné de tel ordre ?

Les organisations de défense des droits de l’homme sont unanimes à reconnaitre l’inconstitutionnalité de l’arrêté n°57/GDB.CAB du 04 décembre 2018 du Gouverneur du District de Bamako interdisant les manifestations publiques sur certains lieux et itinéraires, indiquant que « la liberté de manifester pacifiquement sans troubler l’ordre public participe de l’exercice démocratique et constitue un droit fondamental des Droits de l’Homme. Il en résulte que même en période d’état d’urgence, toute restriction à ce droit satisfaire les conditions de nécessité et de proportionnalité » (CNDH). Ces organisations ont observé que jusqu’ici les interdictions de manifestations publiques ont davantage généré de troubles qu’elles n’ont contribué à les prévenir. « Nos organisations considèrent cet acte comme gravissime et attentatoire aux libertés de réunion, d’expression et de manifestation consacrées à l’article 5 de la constitution du Mali et à l’article 20 de la déclaration Universelle des droits de l’Homme qui prévoient le droit à la réunion et association pacifique », indiquent elles.

Cette mesure d’interdiction de manifester a frappé outre les partis politiques, les organisations de la société civile, – des organisations de défense de droits humains et Associations de victimes – qui avaient projeté des marches les 10 et 11 décembre. Ces organisations ont condamné une violation du droit à la liberté de manifester, appelant le Gouvernement à l’observance de ce droit constitutionnel. Hier jeudi 13 décembre 2018, lors de la celebration du 70ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, Guillaume Ngefa, Directeur de la Division des droits de l’Homme et de la Protection de la Minusma, Représentant de la Haut-Commissaire des Nations-Unies aux droits de l’homme Mme Michelle Bachelet, a été le porte parole de celle-ci en lisant quelques extraits de sa déclaration. « Je suis convaincue que l’idéal des droits de l’homme, énoncé dans cette, Déclaration, a été l’une des plus grandes avancées de l’histoire de l’humanité et l’une des plus réussies. Mais aujourd’hui, ce progrès est menacé. Nous naissons ” libres et égaux mais des millions de personnes sur cette planète ne le restent pas. Leur dignité est bafouée et leurs droits sont violés jour après jour. Dans de nombreuxpays, lareconnaissance fondamentale que tous les êtres humains sont égaux et ont des droits inhérents est compromise. Les institutions si laborieusement mises en place par les États pour trouver des solutions communes à des problèmes communs sont en train d’être sapées. Le système élaboré de lois et de traités internationaux, régionaux qui ont donné du poids à la vision de la Déclaration universelle des droits de l’homme est également menacé. Nous devons tous défendre avec plus d’ardeur les droits qui, selon la Déclaration, nous appartiennent tous en tant qu’êtres humains, et que nous risquons constamment de perdre en raison de nos propres oublis négligences ou mépris, ou de ceux de nos dirigeants… la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité et que l’avènement d’un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l’homme … il est essentiel que les droits de l’homme soient protégés par un régime de droit pour que l’homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression ».

Un message fort utile pour les Maliens dans le contexte qui est le nôtre. A bon entendeur… !

B. Daou

Source:  Le Républicain

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