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Chronique : AU FOOT, COMME À LA GUERRE ?

Un jour, je me surprends à comparer les termes du football à ceux de la guerre ! Je fus, pour le moins bouleversé par la correspondance, la ressemblance et l’abondance des emprunts à la terminologie militaire par un sport, la balle au pied, qui n’en est pas moins une discipline de contacts, assez rugueux parfois

On jouerait donc au football comme on ferait la guerre, du moins si l’on s’en tient au vocabulaire, au jargon et aux commentaires des reporters, consultants et analystes sportifs, ainsi qu’à la terminologie guerrière que l’on entend, parfois, à propos du sport-roi. Si ce n’est pas de la stratégie militaire, on en n’est pas très loin. Tenez ! Quand on vous parle d’offensive, d’attaque, de défense, de camp retranché, de tirs groupés, de rafales, de boulets de canon, de frappes lourdes ou de canonnades, de bombardiers pour un footballeur expédiant des tirs puissants sur le gardien adverse, d’assauts, de camp, d’adversaires, de capitaine d’équipe, d’entraînement et, évidemment d’entraîneur qui serait un stratège.
Dans le même registre, il y a, dans le monde du football, des recruteurs en charge de fournir le club en hommes (hommes de champs, attaquants, défenseurs, milieux offensif et défensif, gardien). L’armée aussi recrute des hommes et des femmes. Les clubs comptent des réservistes, des remplaçants. Les armées aussi. Il est abondamment fait usage des mots attaques et contre-attaques dans les reportages de matches de football. On se croirait sur un champ de bataille. Les tacles ressemblant, à s’y méprendre, aux combats rapprochés, au close-combat.
D’ailleurs, les joueurs, avant chaque rencontre, écoutent l’hymne national, lorsqu’il s’agit de l’équipe nationale. Il en est de même du salut au drapeau, à l’instar des militaires. Il y a un porte-drapeau ou un porte étendard quand l’armée défile, il y a, dans le Onze national, un capitaine d’équipe qui porte le brassard, forcément aux couleurs nationales. On organise le repli des troupes pour défendre les buts ou préserver un avantage en buts, comme le feraient des militaires pour défendre le territoire, des positions conquises sur un terrain qui n’est pas un terrain de jeu. Sur la pelouse, on érige un barrage, un mur pour faire échec aux coups-francs de l’équipe adverse, comme on construirait des barrières, des tranchées, pour défendre des positions militaires.
Un célèbre confrère de la Radio nationale, le défunt Demba Coulibaly, avec son accent et son timbre vocal caractéristiques, parlait souvent, dans ses moments de lyrisme, de «vol plané et de ramassage aérien». On s’imagine dans les nuages pour des exercices de vol aérien d’une flotte militaire avec des Mig, Jaguars ou Eperviers. A propos de noms d’animaux, on peut évoquer les appellations des équipes nationales qui, des Aigles, aux Lions, en passant par les Fennecs, les Panthères et autres félins, ont épuisé le registre des fauves, emblèmes d’armées nationales. Quand les reporters sportifs parlent de Blitzkrieg (Guerre éclair), en référence à la stratégie militaire allemande du IIIème Reich, on comprend qu’il s’agit d’une victoire rapide sur une équipe adverse, «vaincue, battue, terrassée, écrasée, mise en déroute, explosée, défaite, humiliée», selon, encore une fois, le dictionnaire des reporters sportifs.
A mesurer le moral des Nations après une défaite de la sélection de football, défaite assimilable dans les esprits à la déroute d’une armée nationale, on se convainc que le sport roi a dépassé, et de loin, le statut du jeu. C’est une affaire nationale plus proche de la politique, de la diplomatie et donc de la guerre, qui est le prolongement des relations internationales par d’autres moyens.
On prête à l’Anglais George Orwell, chroniqueur, critique littéraire et romancier dans les années 1930 et 1940, ces mots : «Pratiqué avec sérieux, le sport n’a rien à voir avec le fair-play. Il déborde de jalousie haineuse, de bestialité, du mépris de toute règle, de plaisir sadique et de violence, en d’autres mots, c’est la guerre, les fusils en moins». Sic ! Orwell, que l’on devine peu porté vers le sport, est l’auteur de livres célèbres comme « 1984 » et « La ferme des animaux » dans lesquels il dénonce la guerre et le totalitarisme, défend les droits civiques, le socialisme…
Les compétitions de football ont un aspect politique. Bien que véhiculant des valeurs de paix et d’universalité, elles peuvent être également l’occasion de bagarres générales, de violences autour des rencontres, voire l’élément déclencheur de guerre entre pays. De nombreux forfaits et boycotts émaillent l’histoire récente des compétitions de football pour des raisons politiques. Dans des cas extrêmes, il arrive que les mots et la réalité se rejoignent, dramatiquement, comme en 1993, quand des dizaines de cars de supporters ivoiriens furent pris d’assaut et saccagés sur le territoire ghanéen.

AFFRONTEMENTS ET GUERRE DU FOOTBALL – En cette année-là, le club ivoirien de l’ASEC d’Abidjan accède, pour la deuxième année de suite, aux demi-finales de la défunte Coupe d’Afrique des clubs champions, l’actuelle Ligue des champions. Elle reçoit l’Ashanti Kotoko du Ghana à l’aller et gagne 3-1. Mais au retour, les «Mimos» connaissent le plus grand drame de leur histoire. Les «Actionnaires» (nom des supporters du club ivoirien) sont agressés et violentés. Certains seraient morts des suites de leurs blessures. Les dirigeants et les joueurs auraient été agressés dans les vestiaires avant et après le match. Comme si cela ne suffisait pas, l’équipe est encore éliminée, suite à un arbitrage du Togolais Hounaké Kouassi jugé partisan par les Ivoiriens.
Toute la Côte d’Ivoire s’enflamme et crie vengeance. Des résidents ghanéens auraient été pris pour cible, en guise de représailles. Heureusement, le calme revient assez rapidement, grâce notamment à une intervention du président du club, Me Roger Ouegnin, à la télévision ivoirienne. Mais en 1994, l’ASEC ne peut participer à la Coupe d’Afrique. Après les graves incidents de l’exercice précédent, la CAF suspend l’ASEC et Kotoko de toutes ses compétitions.
Cet épisode douloureux a même inspiré une formation musicale ivoirienne qui composa une chanson tournant en dérision la situation, comme savent le faire nos cousins ivoiriens, et relatant les contre-représailles des péripatéticiennes ghanéennes qui, désormais refusaient de «faire crédit» ou de revoir à la baisse le prix de leurs services.
(A suivre…)

Moussa DIARRA

 

Source: Essor

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