En cette après-midi du mercredi 14 novembre, le président du Haut conseil islamique du Mali Chérif Ousmane Madani Haïdara nous reçoit dans sa ferme à Dondoumana à une vingtaine de kilomètres de Bamako. Des milliers de personnes y étaient venues dans le cadre de la célébration de la fête du Maouloud. Dans un entretien à bâtons rompus, le prêcheur nous parle de la fête du Maouloud, du terrorisme, de l’insécurité, de la question des arabisants, du Dialogue national inclusif, etc.
Parlant en premier lieu de la fête du Maouloud (célébration de la naissance et du baptême du Prophète Mohamed, PSL), Chérif Ousmane Madani Haïdara dira qu’elle est célébrée cette année dans un contexte marqué par des difficultés dans le pays. Pour lui, notre pays traverse une situation à laquelle, les populations ne sont pas habituées. Il s’agit de l’effusion de sang et de la division. C’est pourquoi, le thème de cette année a trait à la paix et à la cohésion. Le leader d’Ançardine précise que son objectif est de mettre fin à l’effusion de sang et à la division, convaincu que tout bonheur auquel l’on aspire passe par la paix. C’est pourquoi, tous les prêches se font dans ce sens sur l’ensemble du territoire national afin que les Maliens s’entendent et se donnent la main.
Le prêcheur influent a aussi touché du doigt l’insécurité grandissante qui sévit dans plusieurs parties de notre pays. Il déplore que malgré la présence de la Force Barkhane, de la Minusma et d’autres forces étrangères sur le sol malien, la situation d’insécurité perdure et même s’empire. Selon lui, tant que les Maliens ne s’entendront pas, personne ne pourra les amener à avoir ce qu’ils veulent réellement. Il a invité nos compatriotes à aider le gouvernement à faire face aux besoins des militaires sur le terrain.
Endoctrinement- Le président du Haut conseil islamique a touché aussi la question du terrorisme. Pour lui, des individus se cachent derrière l’islam pour commettre des exactions. Et pour avoir l’adhésion des populations, ils se font appeler djihadistes. Le leader d’Ançardine estime que ceux qui se disent islamistes et qui font subir des exactions aux populations du Mali ne sont pas Maliens. “Ils sont là pour autre chose et non pour l’islam. Pour ce faire, ils endoctrinent certains de nos compatriotes et donnent de l’argent à d’autres qui les hébergent et les aident à se préparer pour commettre leurs forfaits”, explique-t-il.
Le leader religieux rappelle que le Mali est un pays où l’islam s’est implanté depuis que certains compagnons du Prophète Mohamed (PSL) étaient encore en vie. Selon lui, cette religion n’a pas été introduite au Mali par des armes et des sabres. Mais, par des commerçants qui se rendaient au Maroc et qui en ont été séduits et l’ont importé au Mali. Ensuite, par des ressortissants de Médine venus s’installer à Tombouctou.
Pourquoi fermer les écoles ? Concernant la fermeture des écoles au nom de l’islam par les terroristes, Chérif Ousmane Madani Haïdara a déclaré que la religion musulmane n’est nullement contre l’école et l’éducation, parce que le Prophète de l’islam, lui-même, a une fois envoyé un de ses compagnons étudier d’autres langues chez des peuples qui adoraient le feu. Aussi, Mohamed (PSL) a envoyé un autre étudier la langue romaine. Pour le prêcheur Haïdara, la langue n’a rien à voir avec la religion, contrairement à ce que pensent certains.
D’après lui, beaucoup estiment que lorsqu’on ne parle pas arabe, on n’est pas musulman alors qu’il n’en est rien. Mieux, il dira qu’il n’y a pas de langue pour la religion musulmane, mais, il y a une langue à travers laquelle on comprend l’islam. à cet effet, il soutient que si la religion musulmane était une question de langue, elle allait se limiter aux Arabes.
Quelle perspective pour les arabisants ? Le président du Haut conseil islamique a évoqué également la situation des arabisants et leur insertion professionnelle. Selon Chérif Ousmane Madani Haïdara, ceux qui ont fait des études en arabe sans le français, le regrettent aujourd’hui. Car au Mali, l’arabe seul permet difficilement à une personne de travailler parce que la langue officielle est le français. Mais qu’à cela ne tienne, des démarches sont entamées pour l’insertion professionnelle de ceux qui ont de bons diplômes en arabe, même s’il leur faudra faire une formation en français. Déjà, un expert recruté a travaillé sur ce dossier et a fourni son rapport qui a été remis au gouvernement. Lequel promet de travailler à cela. Dès maintenant, les personnes concernées vont bénéficier de soutiens financiers pour pouvoir mener des activités génératrices de revenus.
Le dernier point sur lequel s’est prononcé Chérif Ousmane Madani Haïdara est le Dialogue national inclusif en cours. Pour lui, tous les musulmans et l’ensemble des Maliens veulent aujourd’hui que le pays soit apaisé. Si le dialogue peut contribuer à cela, c’est le souhait du Haut conseil islamique, a-t-il indiqué, soulignant que le gouvernement a commis des erreurs et la faîtière des organisations musulmanes n’a pas manqué de le lui faire savoir. Dans le cadre de ce dialogue, dit-il, les leaders religieux ont beaucoup aidé les organisateurs dans la discrétion. Ils sont allés voir nuitamment des personnes qui n’étaient pas partantes pour le dialogue pour les convaincre à y participer afin que la paix s’installe dans le pays. Malgré tout, il y a eu la mise à l’écart des leaders religieux chrétiens comme musulmans lors des phases au niveaux des cercles et des régions.
En dépit de cette situation, Chérif Ousmane Madani Haïdara dira que le Haut conseil islamique soutient le Dialogue national inclusif. Son souhait est que le grand débat national se fasse dans la sincérité et que tout le monde ait vraiment son mot à dire, les pauvres, les personnes lésées de leurs droits, etc.
Propos recueillis par
Dieudonné DIAMA
Source: L’Essor-Mali