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Cheick Oumar Sissoko figure de proue de M5-RFP: « Nous restons hélas dans l’incertitude même si un des nôtres est Premier ministre »

Il y a exactement un an que IBK est parti. A cet effet, nous avons rencontré Cheick Omar Sissoko, homme de culture, ancien ministre et figure de proue de la contestation contre le régime d’Ibrahim Boubacar Kéita. Un an après, il nous fait l’état des lieux et les perspectives.
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Les Echos : Comment et pourquoi un régime démocratiquement élu a été par le peuple ?
Cheick oumar Sissoko : La question avait été introduite autrement par le Président Goodluck Jonathan de façon insidieuse et en des termes inacceptables pour la démocratie et notre peuple. C’était au cours des discussions Cédéao-M5 RFP dans le cadre de la médiation en juillet 2020. Je le cite : “Un Président démocratiquement élu ne peut pas démissionner comme le demande votre mouvement.

C’est une ligne rouge que vous ne serez jamais autorisés à franchir”. Fin de citation. C’était pathétique comme injonction. Elle signifiait que la Cédéao tolérerait qu’un Président démocratiquement élu soit responsable de mauvaise gouvernance faite de crimes économiques et de sang, de gabegies, de viol des lois sans risquer quoique ce soit jusqu’à la fin de son mandat.

Nous avons allègrement franchi la ligne rouge, et de belle manière. Pourquoi et comment?
La nécessité de la lutte contre ce régime mafieux était une exigence. Forfaiture, parjure, violation
constante des fondements démocratiques consacrés dans la constitution, abandon de souveraineté à la France et à la CMA avec la cession de Kidal, les accords de défense et d’Alger,
corruption et détournements massifs par une oligarchie, patrimonialisation du pouvoir d’état,
massacres des populations civiles et militaires, destruction de villages entiers, et pour clore
le tout, impunité totale. Voilà la marque hideuse de ce régime, c à d suffisamment de faits qui justifiaient pleinement nos actions et mouvements populaires pour rompre avec ce système politique, économique, social et culturel des 30 dernières années qui ont été on ne peut plus néfastes pour notre pays.

Les Echos : etes-vous satisfait de ce renversement de régime
?
C.o.S. : Je suis satisfait du renversement des principales institutions qui portaient ce régime à
savoir: le Président de la République, le gouvernement, l’Assemblée nationale, la Cour constitutionnelle. Mais le régime politique, économique, social et culturel reste et demeure dans
ses manifestations dans la gouvernance, dans les liens de dépendance avec le capital financier et les multinationales.

Les Echos : Quel est l’état des lieux aujourd’hui ?
C.o.S. : L’état des lieux est caractérisé par une crise sécuritaire. La guerre est à nos portes,
dans nos murs, partout, dévastatrice. Elle tue nos civils, nos militaires. Elle détruit nos villages,
nos biens, nos champs, notre économie.. Elle ferme nos administrations, nos écoles, nos
centres de santé. La paupérisation des populations est de plus en plus grande. Et que dire du
Covid-19 meurtrier ? Les autorités et les citadins ne semblent pas se rendre compte de la gravité de la situation. Qu’elle estelle? 1) 2012, la guerre s’installe  ; 2) 2013, l’occupation de Kidal par l France les rebelles et les terroristes ; 3) 2014 l’accord de défense qui nous lie à notre détriment à la France  ; 4) 2015 l’accord d’Alger pour soi-disant la paix.

Voilà 4 éléments constitutifs d’un complot savamment ourdi et bien programmé dans le temps pour déstabiliser notre pays et piller ses immenses ressources naturelles
que recèlent 80 % de notre territoire. Ce complot depuis toujours est le fait de l’Etat français
et de ses différents gouvernements depuis l’échec de la création en 1957 de l’OCRS – organisation commune des régions sahariennes. La nouvelle situation : 1. Le CNSP l’auteur du coup d’état tend la main à M5 RFP le 24 mai 2021 après 9 mois de gestion dont le bilan est à faire comme EMK et moi-même l’avions exigé avant toute projection dans les 9 mois à venir sur fond d’un accord politique. et d’un programme commun de gouvernement Mais quand on est pressé de prendre le pouvoir, on ne s’embarrasse pas de principes. Nous restons hélas dans l’incertitude même si un des nôtres est Premier ministre.

Les Echos  : Pensez-vous qu’on est sur le bon chemin ?
C.o.S. : Le chemin est caillouteux. Nous sommes à la croisée des chemins pour la énième fois.
Saurons nous tirer les leçons et choisir le chemin de l’espoir parce que parsemé d’amour pour
la patrie, de sincérité, de courage et de respect. Le pays a des ressources naturelles pour relever
tous les défis. Il nous manque seulement des hommes et des femmes qui ont
l’ambition de sa grandeur.

Les Echos  : que pensez-vous du Programme d’action du
gouvernement de Choguel Maiga ?
C.o.S. : Le Programme d’action du gouvernement a l’avantage d’avoir un chronogramme daté et
chiffré. C’est à l’honneur du Premier ministre Choguel. Par contre, il est pavé de bonnes intentions dont l’état de la question et le crédit qui leur est accordé, ne rassurent pas. Les erreurs de calcul dans les 2e et 4e axes sont le moindre mal. La mauvaise estimation de la priorité au
besoin de rassurer la communauté internationale conduit à doter l’axe crucial de la sécurité de seulement 220 milliards de nos francs, alors que l’axe 4 est crédité quasiment de 1706 milliards.

L’axe 1 de la sécurité mérite le crédit de l’axe 4 qui participe du travail traditionnel du gouvernement. Sur le plan de la souveraineté, il manque 3 exigences
: 1. L’accord de défense avec la France 2. La récupération de Kidal 3. Le désarmement de la CMA aujourd’hui associée au gouvernement.

Les Echos  : Pour vous qu’il faut pour sortir le Mali de cette crise sécuritaire ?

C.o.S. : “ Un pays pour exister a besoin d’une armée forte disposant d’hommes valeureux et courageux, bien armés et bien nourris“. dixit Soumangourou Kanté 12e/13e siècles, un des précurseurs de l’armée de métier. Nous sommes en guerre. Tout le pays est attaqué. Cette guerre va durer 10 ans au moins et il faut s’attendre au renforcement des terroristes par d’autres “ fous de dieu” de l’Etat Islamique en provenance du Moyen Orient. Et ce n’est pas les 12 000 nouvelles recrues du PAG et les 1000 heures trimestrielles de patrouille soit 11heures par jour dans cette- immensité du Sahel qui y changeront quelque chose. Nous sommes en guerre. Le PM le reconnaît. Avant lui, IBK l’avait aussi affirmé. Sans la paix et la sécurité, il est illusoire de vouloir faire du concret avec les 3 autres axes. Il faut par conséquent faire la déclaration de l’état de guerre et de légitime défense et réunir les conditions d’organisation d’une armée de métier dans les meilleurs délais.

1. Recruter et former 1000 soldats, 500 gendarmes et gardes dans chacun des 49 cercles des
8 régions et du district. 2. Créer un bataillon militaire de 500 combattants dans chaque
cercle où cela n’existe pas. Doter les communes de brigades d’intervention de 50 militaires et des patrouilles régulières à charge de préparer les villageois à l’autodéfense et permettre aux paysans, éleveurs, et autres Maliens de vaquer à leurs occupations.

C’est la protection des vies, des biens et du système de production, d’échange et de consommation. Ces bataillons devront faire un ratissage du sud au nord en coordination avec les brigades de l’ouest, du centre et du nord.

3. Militariser la police 4. Appeler les réservistes et contrôler les milices pro gouvernementales.
5. Créer un secrétariat d’état à la guerre auprès du ministère de la Défense et des Anciens combattants avec une cellule des renseignements aériens et du matériel moderne dans l’armement, l’équipement. …Les Anciens combattants pourront être appelés à contribuer à la formation des recrutés. 6. Récupérer l’argent détourné en revisitant la loi d’orientation et de programmation militaire. 7. La restructuration Temporaire de notre économie nationale en
économie de guerre pour sauver la patrie en danger 8. Les audits des finances publiques, du foncier, des infrastructures et l’engagement express des procédures judiciaires contre les fauteurs. Les dossiers sur les crimes économiques et de sang existent au Pole économique
9. La justice sociale, l’amélioration des conditions de vie despopulations, indispensables à
l’établissement de la confiance entre les citoyens et l’état. 10. L’essor économique ou plutôt
la reprise en mains des commandes de notre économie et la transformation des immenses
richesses naturelles de notre pays, pour répondre à nos besoins de développement
moderne et à l’aspiration du bienêtre social des Maliens.
Les Echos  : Votre mot de la
fin ?

C.o.S.  : Le Président de la Transition a prêté serment le 31 mai 2021. Il a juré devant Dieu et
le Peuple malien de respecter et de faire respecter la Constitution, la Charte de la Transition et la
Loi, de remplir ses fonctions dans l’intérêt supérieur du peuple, de préserver les acquis
démocratiques, de garantir l’unité nationale, l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire
national.

1. La patrie est en danger 2. L’intégrité du territoire est entamée 3. Les acquis démocratiques n’autorisent pas que l’ancien Président Bah N’Daou et l’ancien Premier ministre Moctar Ouane
soient indéfiniment privés de liberté. Ou ils sont inculpés ou ils sont libérés. Et il ne peut-être
question non plus d’exiger d’eux la signature d’un document qui dégagerait l’état de toute responsabilité en ce qui concerne leur sécurité une fois libérés.
L’article 1er de la constitution nous révèle : “La personne humaine est sacrée et inviolable.
Tout individu a droit à la vie, à la liberté, à la sécurité et à l’intégrité de sa personne “, Et un des principes non négociables de Mali Koura pour lequel nous nous battons est que :

Les intérêts matériels et moraux du Mali et des Maliens de partout dans le monde soient le référentiel prioritaire et absolu de nos dirigeants. Je termine par cet enseignement du Président Modibo Keita livré le 21 février 1964 lors d’une conférence de presse. Je cite : “ Nous sommes persuadés que ce qui sera mortel pour l’Afrique, donc pour nous tous, ce sera le développement de l’intervention étrangère. Or nous savons qu’aucun peuple ne peut accepter d’être humilié, de se sentir chaque fois sous la domination d’une puissance étrangère d’un autre peuple. C’est le cas actuel du Congo.

Personnellement, je dois vous dire que je suis très inquiet de cette situation, non seulement
pour le Congo lui-même, mais aussi pour les Etats voisins et plus tard pour nous tous “, fin de
citation.

Entretien réalisé par
LEVY DoUGNoN

Source: Les Echos
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