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Cheick Mohamed Chérif Koné: «Les pouvoirs publics ont cautionné le laisser-aller et l’anarchie»

Le président de l’Association des Procureurs, Cheick Mohamed Chérif Koné, soutient avec des arguments juridiques convaincants, le bien-fondé des actions du Procureur de la République près le Tribunal de la Commune IV du District de Bamako.

Cherif Kone magistrat syndicat sam

Ne pensez-vous pas, face à ce que nous vivons, que nous assistons une sorte de démission de la justice malienne ?

Face à la situation que nous sommes en train de vivre, je peux soutenir que les pouvoirs publics ont cautionné le laisser-aller et l’anarchie s’installer comme système dans la République, pour des considérations politiques ou des calculs d’intérêts partisans. Nous n’avons cessé de dénoncer ce laxisme de l’Etat qui a longtemps brillé par le silence face à des comportements inadmissibles dans une démocratie moderne. Il est aujourd’hui du devoir de la justice malienne qui dispose de tous les moyens légaux de faire respecter l’ordre public républicain, d’imposer à tous le respect des valeurs démocratiques.

Parallèlement à notre engagement de soutenir la plainte du Procureur de la commune IV, nous userons de tous les moyens et de toutes les voies de droit, tant au plan national qu’international, pour faire entendre la voix des magistrats contre toute attaque, ceci, conformément aux missions dévolues au SAM et à l’Association Malienne des Procureurs et Poursuivants. Continuer à laisser des cadres et citoyens respectables, souffrir des dérapages et excès individuels, reviendrait à une démission de la justice malienne, notamment des procureurs dont le rôle reste crucial dans le fonctionnement de la justice pénale et dans la lutte contre l’impunité. Un Procureur doit s’assumer, il n’a pas à recevoir d’instructions ou d’ordres de poursuite d’un ministre ou du Procureur général pour mettre en mouvement l’action publique dès lors qu’il est porté atteinte aux lois de la République. De même, il n’a pas à se soumettre devant un ordre de non poursuite.
Que pensez-vous en tant que président de l’Association des Procureurs de ces agissements de Ras Bath ?

Je pense qu’il est temps de mettre un terme à cette récréation qui n’a que trop duré de ces individus et de ces groupes d’individus qui se comportent en justiciers. Nous devons éviter de nous laisser piéger par des esprits malveillants, sans référence autre que d’avoir une bouche fendue et une mauvaise langue pour ternir l’image des cadres valeureux du pays par des propos injurieux et des dénigrements attentatoires à l’honneur et à la dignité.
Dans le cadre syndical, nous veillerons à ce que l’indépendance des magistrats soit une réalité et qu’ils puissent travailler dans la quiétude et le confort nécessaire. Dans le cadre des associations des procureurs, nous veillerons à ce que la lutte contre l’impunité soit une réalité, qu’aucun perturbateur de l’ordre public, quel qu’il soit, ne puisse échapper à la loi.
La presse fait état d’une plainte que Ras Bath aurait adressée au Procureur général contre le Procureur de la Commune IV. Quelle appréciation en faites-vous ?

À la place du Procureur de la République, je porterais plainte contre lui pour dénonciation calomnieuse. Dans tout les cas, il n’est pas encore trop tard. Il faut que cet individu et tous ceux qui ont l’intention de se comporter comme lui, apprennent que la République est gérée par des lois dont le respect s’impose à tous. S’agissant de la lettre de Ras Bath adressée au Procureur général, elle est sans la moindre valeur juridique et n’exige aucune réponse de la part du Procureur général, qui d’ailleurs a approuvé la démarche légaliste et respectable du Procureur de la Commune IV.

Je ne vois aucune qualité, ni aucun titre permettant à cet individu qui se prend peut-être trop au sérieux, pour demander la libération de personnes légalement poursuivies par la justice et régulièrement placées sous mandat. Il n’est ni leur avocat, ni leur mandataire. Lui permettre même de se comporter comme un justicier dans la République et comme y étant au centre, est suffisamment grave. Les statuts d’aucune association relevant de la société civile ne sauraient donner de telles attributions à ses dirigeants. L’on ne crée pas une association pour se permettre à porter atteinte à l’ordre public, à faire du n’importe quoi, ou même penser à se substituer aux pouvoirs publics. Ceci dit, je relève qu’en voulant démontrer que le procureur de la commune IV a fait une mauvaise application de la loi, Ras Bath conforte le bien-fondé des actions de ce respectable et digne magistrat. Ceci me réjouit déjà.

Il reproche au Procureur d’avoir déclenché des poursuites sur la fausse base de la bigamie. Le soi-disant connaisseur de tout et spécialiste du droit, se confond lui-même naïvement en développant que c’est étant en abandon de domicile conjugal que la dame concernée par la procédure a contracté un second mariage, à l’état civil en Commune II du district de Bamako. À noter qu’aucun des deux nouveaux mariés ne réside dans la commune II contrairement à ses allégations. S’il est loisible à Ras Bath de dénier encore toute valeur au mariage religieux, la loi, quant à elle, reste la loi.

Comment peut-on aujourd’hui dans ce pays, confondre le mariage religieux à l’esclavage sexuel, si ce n’est par déphasage avec la réalité ou une ignorance du sens même de l’esclavage sexuel ?

C’est une atteinte grave à nos valeurs, à nos mœurs et à nos coutumes. Il pourrait consulter le code de la famille et des personnes. En tout état de cause, Ras Bath reconnaissant que la dame était en abandon de domicile conjugal et non divorcée, devrait admettre au moins que celle-ci était tenue de se libérer des liens existants, avant de s’engager dans un second mariage.
Sur le plan de la compétence territoriale, je dirais que ce monsieur qui pense avoir bien assimilé ses leçons, n’a en réalité, absolument rien compris, tant de cette notion que de son champ d’application. Je ne vois pas de critère sérieux sur lesquels il se fonde pour affirmer sans scrupules, que le Procureur de la Commune IV s’est immiscé dans une affaire qui échappe à sa compétence, comme relevant de celle de son homologue de la Commune II. Il ressort clairement du dossier de la procédure que les personnes poursuivies sont régulièrement domiciliées dans le ressort judiciaire de la commune IV : la dame au quartier Djicoroni Para et son complice à Samaya. Avec ces évidences, je ne vois pas sur quels arguments il se fonde pour soutenir la compétence de la Commune II. Si la liberté est la règle en matière de poursuite pénale, la détention provisoire ou préventive ne constitue pas non plus une violation de la loi, dès lors qu’elle se justifie par les impératifs de préservation de l’ordre public et des exigences de protection de nos bonnes mœurs.
Et pour conclure ?

Certes le pays traverse des difficultés que nous devons chercher à résoudre ensemble dans la concertation et le respect de l’autre. Profiter de la situation pour tenter de se donner une importance ou un crédit en se livrant à des diatribes contre toutes les institutions de la République, tous les responsables et tous les cadres de ce pays sans distinction, est un élan destructeur qu’il urge de combattre avec détermination et fermeté. Les populations doivent aujourd’hui se convaincre que face à la justice et aux magistrats, ces bavards ne représentent rien d’autre que des délinquants potentiels qu’on peut poursuivre et arrêter à tout moment. Se portant forts, ils ont induit bon nombre de citoyens en erreur. Ceux qui font l’objet de la présente procédure pour bigamie, dorment en prison au moment où eux ils vaquent tranquillement à leurs affaires.
API

 

Source: Le Réporter

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