Les populations créent des environnements inondables, selon les experts Plusieurs pays africains subissent chaque année, et spécialement depuis le mois de juin de cette année, des fortes précipitations suivies d’inondations meurtrières et dévastatrices, causées par le changement climatique, entre autres réalités urbaines, a déclaré un groupe d’experts à l’Agence Anadolu.
Les autorités sénégalaises ont signalé la mort d’au moins une personne dans les inondations du vendredi. En juillet dernier, en Côte d’Ivoire, au moins 19 personnes ont trouvé la mort et plusieurs autres ont été blessées des suites du même phénomène, qui a également fait une vingtaine de morts plus récemment en Ouganda.
“En 2020 au Niger, nous avons eu 88 décès dus aux inondations, alors que 77 personnes sont mortes en 2021, et cette année, nous avons déjà 24 morts pour les mêmes raisons”, a déclaré Katiellou Gaptia Lawan, directeur de l’office national de météorologie du Niger, l’Agence Anadolu.
Cette situation cause des pertes estimées à plusieurs millions de dollars annuellement au Niger, a-t-il noté, indiquant les dommages aux infrastructures et la destruction des fermes et des habitations.
D’autres pays africains font également face à des défis similaires, qui, selon les experts, sont liés au changement climatique qui augmente l’intensité des précipitations.
“Les précipitations extrêmes sont en augmentation, affectant désormais des villes qui n’étaient pas auparavant touchées par les inondations”, a déclaré Katiellou, qui a fait référence au cas du fleuve Niger, où des records de débit fluvial ont été observés en 2019 et 2020.
Katiellou a fait savoir que cela reflétait les effets du réchauffement climatique.
“Il est indéniable que ces fortes pluies suivies d’inondations sont liées au changement climatique”, a déclaré Armel Yobo, un écologiste camerounais.
Au Cameroun, les inondations détruisent également chaque année les infrastructures de transport et les habitations.
– La surpopulation est un facteur
Yobo estime qu’au-delà des aléas climatiques, la surpopulation, le manque de développement urbain, l’absence d’infrastructures adéquates et la mauvaise gestion des déchets sont également des facteurs qui provoquent des inondations.
Selon lui, plusieurs villes africaines se limitent à créer une agglomération sans réelle planification.
“Les inondations en Afrique sont dues aux variations climatiques inhérentes à la perturbation des conditions atmosphériques. Mais elles sont surtout le résultat d’un exode rural qui conduit au développement de villes avec des systèmes d’habitat non adaptés aux systèmes de drainage naturels”, a déclaré Abdoulaye Faty, hydrologue enseignant à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, au Sénégal.
Il existe également une combinaison de facteurs négatifs qui découlent des conditions naturelles du sol, des déficits au niveau des infrastructures, de l’urbanisation galopante et d’une planification urbaine insuffisante, a observé Beaugrain Doumongue, ingénieur civil togolais et chef de Building for Tomorrow, une organisation qui milite pour des villes durables en Afrique.
“Par exemple, les systèmes de drainage sont sous-dimensionnés et mal utilisés par les gens, qui les obstruent en jetant des déchets”, a-t-il noté.
Cette urbanisation est motivée par la pauvreté des populations qui, dans leur recherche des moyens de survie, exploitent abusivement les forêts en abattant des arbres pour vendre du bois, explique Katiellou.
“Ils détruisent les écosystèmes en dénudant les bassins versants, la végétation détruite provoque alors un affouillement qui transporte de l’eau et du sable qui feront monter le niveau des rivières. Ce faisant, les gens créent également de plus en plus un environnement sujet aux inondations”, a-t-il déclaré.
Pour Beaugrain Doumongue, les gens ne sont pas conscients de l’utilité des espaces verts.
“La capacité de ces espaces verts à retenir l’eau n’est pas suffisamment prise en compte, alors qu’ils pourraient permettre une meilleure infiltration de l’eau et limiter le ruissellement qui se produit lorsque les sols sont artificialisés et que les inondations abondent”, a-t-il déclaré.
– Une voie de sortie
Face à ces différentes menaces, les experts ont appelé à créer de toute urgence des villes durables.
Selon Doumongue, cela nécessite une réelle volonté politique, une prise de conscience générale des risques, à l’ère du changement climatique, et un redéveloppement des villes à travers la mise en place de systèmes d’alerte sur les risques météorologiques, dans le cadre d’une planification urbaine durable.
“Cela favorise une meilleure cartographie des zones sensibles, des informations actives et des processus d’évaluation, et contribue ainsi à renforcer la résilience. A minima, il faut opter pour des approches multifonctionnelles de gestion des eaux pluviales, combinant toutes les formes d’aménagements végétalisés qui sont généralement plus économiques”, a-t-il affirmé.
Appelant à une sensibilisation de la population, Katiellou a également recommandé de repenser l’urbanisme.
“Les infrastructures doivent être contextualisées, pour prendre en compte le changement climatique et les pressions exercées par les événements extrêmes. Des lois doivent être votées pour interdire la construction d’habitations dans les zones inondables. Des systèmes de vigilance et d’alerte doivent être mis en place pour alerter les populations et éviter que les aléas ne se transforment en catastrophes” a fait savoir Katiellou.
Il en va de même pour Armel Yobo, qui appelle à l’adoption du modèle de la ville durable, avec ce que cela implique en matière de maîtrise de la croissance démographique.
Les experts ont alerté contre le risque de dommages climatiques plus importants, si ces différentes mesures ne sont pas mises à exécution.
“Les populations africaines doivent donc être conscientes que les catastrophes récentes à Abidjan, Dakar, Niamey et ailleurs sont susceptibles de devenir plus fréquentes et communes à la plupart des pays subsahariens”, a affirmé Doumongue.
*Traduit de l’Anglais par Mounir Bennour