Est-il possible, dans 18 petits mois de vider tous les contentieux sociopolitiques et conflits armés au Mali et organiser le scrutin présidentiel initialement prévu pour Juillet-Août 2018 ? Même pour les plus optimistes, cela relèverait d’un véritable miracle. Mais se passer de cette élection cruciale, c’est ouvrir une voix royale vers le scénario ivoirien.
S’il est possible d’atténuer les tensions sociales (série de mouvements de grève) avant l’échéance politique de 2018, il n’est cependant pas aisé d’enrayer la menace jihadiste dans le délai indiqué au regard de la grave tournure que prennent les événements sur le terrain. Et pour cause.
L’on sait d’ores et déjà que ce n’est pas demain la veille d’une victoire totale et définitive de Barkhane, de la MINUSMA et des FAMAS sur les groupes jihadistes. Tout indique au contraire que la nébuleuse tend de plus en plus ses tentacules dans les régions du pays jusqu’aujourd’hui épargnées. Pour tout dire, elle gagne du terrain.
Et des voix autorisées soulignent d’ailleurs que «la France a perdu la guerre au Mali». C’est bien ce qu’on peut lire dans «Mondafrique» dans sa livraison d’hier jeudi. Il est en effet écrit ceci : « Une voix aussi autorisée que celle de l’ancien patron de la DGSE (services français), Jean Claude Cousseran, dont on dit qu’il a aujourd’hui ses entrées à l’Elysée, ne cesse de répéter que « le Mali sera l’Afgahnistan de la France ». A droite, le monsieur sécurité de Nicolas Sarkozy, Bernard Squarcini, a toujours estimé, lui aussi, que les Français s’enliseraient rapidement au Mali après une intervention armée qui ne s’est jamais accompagnée d’une solution politique. A l’exception d’élection présidentielles bâclées qui ont porté au pouvoir Ibrahim Keita, dit IBK, un politicien roublard et…. incapable de tendre la main aux Touaregs du Nord, mais il est vrai membre de l’Internationale socialiste et donc ami de la France de Hollande, Valls et Le Drian».
Passons sous silence la pique envoyée au président IBK. Il est cependant évident que BARKHANE, malgré les moyens colossaux déployés ne parvient pas à contenir le phénomène qui, comme une traînée touche désormais la quasi-totalité du territoire. En somme, au lieu de reculer, la menace progresse dangereusement.
Iyad a gagné une bataille. Gagnera-t-il la guerre ?
Voici un triste tableau qui atteste de la progression fulgurante des groupes jihadistes sur le territoire malien. Sur le continent Africain, il existe 06 principaux groupes jihadistes très actifs. Ce sont : Al-Mourabitoun, Ansar al-Charia, Ansar Dine, Al-Qaïda au Maghreb islamique ou AQMI, Boko Haram et les Chebabs. Le MUJAO est considéré comme un groupuscule d’Aqmi et dont les chefs sont connus pour être des narcotrafiquants impliqués dans le trafic de drogue dans le Sahel. Quant au FLM d’Amadou Koufa, il est purement local et s’avère lui aussi, sous le contrôle d’AQMI à travers Ançar-dine d’Iyad Ag Aly.
Et tenez-vous bien, les cinq premiers sont présents au Mali. Seuls les Chebabs opèrent loin du territoire National. Les cinq groupes cités sont, par ailleurs tous affiliés AQMI. Et tous sont intimement liés à Iyad Ag Aly lequel a récemment pris la tête d’un autre «collectif» dénommé «Ansar Al Islam we Al Mouslimin » (soutien de l’Islam et des musulmans) qui est la fusion des principaux groupes armés de la région à savoir, Ansar Eddine, l’Emirat du Grand Sahara (six Katibas affiliées à Aqmi), la Katiba des Mourabitounes de Belmoktar.
Et depuis la naissance de ce groupe, il ne se passe de jour sans attaque par lui revendiqué sur le territoire malien. Et l’application de la charia dans certaines zones, atteste qu’il y est bien et confortablement installé. J’y suis et j’y reste !
Et contrairement aux séparatistes, ces jihadistes optent plutôt pour l’islamisation du pays et non la sécession. Et ils ont partiellement réussi en maints endroits. Montrant du coup l’incapacité des autorités de Bamako d’assurer la sécurité de ses citoyens.
Et lors de la conférence d’entente nationale au mois de Février dernier, des voix se sont levées pour demander l’ouverture des négociations avec le redoutable leader de ces groupes. Refus net et catégoriques de la France, laquelle, hélas, ne semble plus être à mesure de le stopper. Il s’avère alors évident qu’Iyad a gagné une bataille. Et empêcher le scrutin présidentiel dans les régions qu’il contrôle équivaudrait pour lui à remporter la guerre. Et il semble avoir les moyens de sa politique au regard de sa progression et de sa mainmise sur une grande partie du pays.
Pas d’élection, gros risque de vide constitutionnel avec ses corollaires
L’élection présidentielle, on le sait, contrairement aux communales et législatives ne saurait être partielle. Elle est organisée le même jour sur l’ensemble du territoire national. Alors est-il possible de déloger les jihadistes de toutes les régions concernées, d’y acheminer en toute tranquillité le matériel électoral, de former les agents électoraux, d’y installer les démembrements de la CENI, d’y battre campagne et de voter dans le calme et la sérénité, dans 18 petits mois, disions-nous ? Le doute est plus qu’autorisé.
Se passer pourtant de cette élection cruciale, c’est prendre le risque d’ouvrir une brèche sur un vide constitutionnel étant entendu que le mandat du président sortant prend fin au plus tard en Septembre 2018. Vous avez dit le scénario ivoirien avec Laurent Gbagbo ?
Batomah Sissoko