La solution à la crise dans le centre du Mali, où s’enchevêtrent violences intercommunautaires, attaques jihadistes et opérations militaires, passe par une réponse de l’Etat au besoin de sécurité des populations, selon des analystes.
Une nouvelle tuerie dimanche soir dans le village dogon de Sobane Da, dans la zone de Bandiagara, a fait des dizaines de morts, voire une centaine, selon des bilans provisoires.
Le 23 mars, les violences qui déchirent cette région avaient culminé avec le massacre le 23 mars dans le village d’Ogossagou, près de la frontière avec le Burkina Faso, de quelque 160 Peuls, attribué à des chasseurs dogons.
L’attaque de dimanche, qui n’a pas été revendiquée, révèle des défaillances persistantes dans le dispositif militaire, souligne Baba Dakono, chercheur à Bamako pour l’Institut d’études de sécurité sur l’Afrique (ISS). « Après Ogossagou, la zone a été renforcée en effectifs militaires, selon les autorités maliennes et leur partenaires internationaux ».
Depuis l’apparition en 2015 dans la région du groupe jihadiste du prédicateur Amadou Koufa, recrutant prioritairement parmi les Peuls, traditionnellement éleveurs, les affrontements se multiplient entre cette communauté et les ethnies bambara et dogon, pratiquant essentiellement l’agriculture, qui ont créé leurs « groupes d’autodéfense ».
« Le désarmement des acteurs non étatiques, qu’ils soient des milices, des groupes d’autodéfense ou même des individus, est indispensable pour pacifier la zone », a déclaré Baba Dakono à l’AFP à Bamako.
Mais « les milices, à tort ou à raison, sont nées pour répondre à un besoin de sécurité des populations qui n’ont plus ou très peu confiance dans l’efficacité des réponses institutionnelles déployées », précise-t-il.
Par conséquent, selon le chercheur, pour avoir une chance de réussir, le désarmement doit prendre en compte ces besoins « et identifier tous les acteurs armés de façon exhaustive ».
L’association de chasseurs dogons Dan Nan Ambassagou a vu dans la tuerie de dimanche un « acte terroriste et génocidaire intolérable », indiquant qu’elle « considère cette attaque comme une déclaration de guerre ».
Le groupe, officiellement dissous par le gouvernement le 24 mars, au lendemain du massacre d’Ogossagou dans lequel il avait démenti toute implication, a rejeté cette décision et refusé de « déposer les armes ».
Lundi, il a réitéré sa « disponibilité » aux populations pour « assurer davantage leur sécurité » face aux carences de l’Etat et de la communauté internationale.
– Prolifération d’armes –
« On risque d’assister à une intensification de l’action de ces milices dans la région », s’inquiète une source humanitaire internationale dans une déclaration à l’AFP à Paris.
Les militaires maliens « étaient à une vingtaine de km du lieu du massacre, mais face à des ennemis multiformes, à des menaces un peu partout, ils sont assez dépassés », remarque cette source, regrettant « une réponse de l’Etat avant tout répressive », notamment envers les Peuls.
Dans un rapport publié la semaine dernière sur une tuerie de villageois peuls le 1er janvier, imputée à des chasseurs dogons, l’ONU avait relevé l’exacerbation des tensions dans la région depuis l’adhésion en 2017 du groupe de Koufa à la principale alliance jihadiste du Sahel liée à Al-Qaïda.
Dans son dernier rapport sur le Mali, daté du 31 mai, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, met en garde contre de nouvelles « atrocités » dans le centre du Mali.
Afin de les prévenir, il appelle le gouvernement à « s’attaquer aux mouvements extrémistes, aux tensions intercommunautaires, à la prolifération des armes légères et de petit calibre et à l’acquisition d’armes par des groupes d’autodéfense fondés sur l’appartenance ethnique ».
« L’explosion du Centre est un très mauvais signal pour l’Etat malien. Retisser tous ces liens et apaiser la situation va être extrêmement compliqué, c’est une question d’années », estime la source humanitaire internationale.
« Ce n’est pas à un cycle de vengeance, de vendetta, que ce pays doit être conduit », a déclaré lundi soir le président malien Ibrahim Boubacar Keïta. Il a au contraire appelé à des « retrouvailles » entre Maliens, « qui seules vont nous permettre de rebondir et permettre à notre nation de survivre. Car nous sommes en question de survie ».
Source: lalibre