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Centrafrique : l’alarmante solitude de la France

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Les 1 600 soldats français sont en première ligne dans une guerre que le monde entier a appelée mais que personne n’a voulu assumer.

S’il avoue volontiers le “danger” qu’elle représente, François Hollande n’a cessé de répéter la nécessité de l’intervention française en Centrafrique, lancée le 5 décembre dernier, pour éviter un “carnage”. En effet, le pays est en proie au chaos depuis la prise du pouvoir en mars 2013 d’une coalition de rebelles à dominante musulmane, la Séléka, qui ont depuis multiplié les exactions contre la population, majoritairement chrétienne. Officiellement, l’envoi des 1 600 soldats français vise à “appuyer” la Misca, la Mission internationale de soutien à la Centrafrique, dont les 2 600 hommes (venus du Cameroun, du Congo, du Tchad et du Gabon) sont présents dans le pays depuis 2002.

Mais souffrant d’un manque criant de moyens et de préparation, cette force panafricaine (qui devrait à terme passer à 6 000 hommes) ne peut rien sur le terrain face à la multiplication des violences dans le pays, y compris des actes de vengeance des chrétiens. Une impuissance qui propulse de fait l’armée française en première ligne des combats, une nouvelle fois, après le Mali. “La guerre au Mali était inopinée, et seule la France disposait des moyens militaires pour agir rapidement”, rappelle François Heisbourg, président de l’Institut international des études stratégiques (IISS). “Au contraire, en République centrafricaine, cela fait plusieurs mois que la crise couve, et la dégradation de la situation n’a en rien été une surprise.”

Faible nombre de soldats

Comme au Mali, l’intervention française est totalement légitime sur le plan international. Elle a été votée à l’unanimité par le Conseil de sécurité de l’ONU, bénéficie du soutien de l’Union africaine et de celui du l’Union européenne. Mais à l’heure de combattre quelque 25 000 ex-rebelles sur le terrain, les Français sont étonnamment seuls. Tout d’abord présentée par Paris comme une intervention relativement rapide à vocation “humanitaire”, l’opération Sangaris vise aujourd’hui à désarmer tous les groupes armés afin de ramener la stabilité puis d’organiser des élections libres “dès le second semestre 2014”. Une tâche loin d’être facile dans un pays grand comme la France et où les combattants pourront se dissimuler en ville ou dans la brousse.

Outre le désarmement des ex-rebelles de la Séléka, la France doit veiller à ce que ces derniers ne se fassent pas lyncher par les milices chrétiennes d’autodéfense “anti-Balaka” ou par les populations traumatisées par neuf mois de terreur. “Aussi bien formés qu’ils le sont, 1 600 soldats, c’est un nombre faible dès lors que l’on rentre dans une logique de purification ethnique”, explique François Heisbourg. Mardi, deux soldats français, Antoine Le Quinio, 22 ans, et Nicolas Vokaer, 23 ans, sont décédés à Bangui, après avoir été visés par des individus munis d’armes légères d’infanterie.

Devoir moral

“De par sa connaissance du pays, la France avait le devoir moral d’intervenir face à un risque de génocide”, souligne le général Vincent Desportes, professeur à HEC et à Sciences Po et ancien directeur de l’École de guerre. En effet, le passé colonial de la France en Centrafrique, ainsi que la présence de ses soldats au Tchad et au Gabon, rendait inévitable la participation de la France à une opération armée sous l’égide de l’ONU. Toutefois, Vincent Heisbourg note que la mission française est cette fois différente de la guerre au Mali. “Il s’agit ici d’une opération de stabilisation, où d’autres forces européennes, telles que le Portugal, la Suède ou les Pays-Bas, seraient tout à fait capables d’intervenir.”

L’isolement de la France en Centrafrique a été au coeur des débats mardi à l’Assemblée nationale. “Où est l’Europe ? Où sont ses troupes, où est son aide ? Une nouvelle fois l’UE est aux abonnés absents”, a déploré Annick Lepetit, une des porte-parole du PS. En réponse, Jean-Marc Ayrault a admis que la question d’une politique européenne de défense était “plus que jamais posée”. Le Premier ministre a néanmoins assuré que des interventions des Pays-Bas, de la Belgique, de la Grande-Bretagne et, sur le plan logistique, de l’Allemagne étaient “en passe de se constituer”.

Abandon de l’UE

L’aide européenne risque pourtant d’être limitée. Vendredi, l’Union européenne a décidé de débloquer 50 millions d’euros, en plus des 50 millions déjà prévus au nom de la coopération et de l’aide au développement, mais le coût de la guerre pour six mois est estimé à 450 millions d’euros. Le Royaume-Uni et l’Allemagne ont également proposé une aide logistique, le premier avec un avion militaire gros porteur C-17, la seconde via la mise à disposition d’un Airbus A310 pour le transport aérien. Personne n’a pour l’heure annoncé l’envoi de renforts sur le terrain.

L’UE dispose pourtant depuis 2007 d’une force commune, le groupement tactique européen (“battlegroup”), disposant d’un effectif de 1 500 militaires répartis entre cinq pays, dont l’objectif est de pouvoir rapidement être mobilisables pour des opérations à l’étranger : elle n’a jamais été utilisée. “Il y a en Europe des États qui ne souhaitent pas être physiquement présents sur le terrain afin de ne pas heurter leur opinion publique”, pointe François Heisbourg. “Le vrai problème est la façon d’opérer des institutions de l’Union européenne, qui ont tendance à anticiper le refus des États plutôt que d’oeuvrer à monter des opérations communes.”

Risque d’attentats en France

Le général Vincent Desportes abonde dans le même sens. “Seul François Hollande a pris le risque politique d’expliquer aux Français pourquoi du sang (français) devra couler en Centrafrique”, note l’ancien directeur de l’École de guerre. Il faut dire que la détermination du président ne répond pas uniquement à des questions d’ordre strictement moral. Étant donné la zone de non-droit qu’est devenue la Centrafrique, le pays pouvait devenir à terme le nouveau refuge des djihadistes africains, comme le fut le Nord-Mali.

“Nous n’avons pas réduit la menace djihadiste au Mali pour la laisser s’implanter en Centrafrique”, insiste le général Vincent Desportes. “L’intérêt est national, car nous avons appris, au cours de l’opération Serval, que les islamistes préparaient des attentats contre les intérêts français en Afrique, mais aussi en France.”

 

Source : le point

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