Les promesses des premières fleurs que l’arbre de «l’Indépendance» du Mali a portées, après le 22 septembre 1960, ont donné de beaux fruits. Les Maisons des jeunes ont ouvert leurs portes dans toutes les préfectures, les Foyers des jeunes dans les sous-préfectures, les villages, les quartiers des grandes villes. Ces temples du civisme accueillaient les manifestations des jeunes et même des réunions d’adultes sur les préoccupations communes de l’heure.
Pendant de nombreuses années, les débats précurseurs sur des thèmes de mobilisation sociale se tenaient dans les Foyers des jeunes et les Maisons des jeunes. La mission suprême à cette époque, à Bamako, Ségou, Sikasso, Kayes, Mopti, Gao, Tombouctou était d’entretenir le civisme, le patriotisme dans l’esprit et le cœur des jeunes et des cadres de l’administration. Tout le monde avait souci de perpétuer la réputation du Soudan français, pays des hommes intègres et des intrépides bâtisseurs sur le front du travail. Le «Soudan» a légué son héritage moral, culturel, historique au Mali nouvellement indépendant. Le contexte était révolutionnaire.
Les Foyers des jeunes et les Maisons des jeunes constituaient des endroits propices pour modeler le citoyen et lui inculquer l’esprit patriotique. Quand la Semaine nationale de la jeunesse fut décrétée par le gouvernement du président Modibo Keïta, les Foyers des jeunes, les Maisons des jeunes abritaient les préparatifs de ce gigantesque rassemblement national annuel. La rencontre culturelle célébrait les légendes et les épopées de toutes les communautés maliennes. Dans l’émulation saine, sans tricherie, sans contestation stérile du mérite de l’autre. Les jeunes retournaient dans leurs villages avec des carnets d’adresses riches de noms de nouveaux amis.
Souvenir. Les annales de la Semaine nationale de la jeunesse et des premiers défilés organisés pour célébrer le 22 Septembre 1960 conservent les récits des performances en tennis de table des frères journalistes émérites Gaoussou Drabo, actuellement à la Haute autorité de la communication ( HAC) et Souleymane Drabo, consultant. Ce duo conservera durant plusieurs années la coupe nationale de tennis de table. Pendant près d’une décennie, le fameux adage «mens sana in corpore sano» a irradié le cœur et l’esprit des filles et des garçons partout au Mali. Chaque année, des vocations d’artistes, d’athlètes, de scénaristes, de compositeurs de chants patriotiques naissaient dans les familles et parmi le corps enseignant.
Tristesse aujourd’hui. Le Foyer des jeunes de Bamako-coura, relique du passé, est étouffé aujourd’hui par les kiosques des commerçants détaillants. Mais la Maison des jeunes de Bamako a fière allure. Quelle est la situation sur le reste du territoire ? Allez-y le savoir. Les Foyers des jeunes constituent un patrimoine foncier et culturel de la République du Mali.
Les reléguer aux oubliettes est une faute politique impardonnable. Et la conséquence est patente.
L’époque est-elle révolue où dans le monde entier l’étranger était fier d’avoir un ami malien à l’université, dans les entreprises des pays d’accueil de la diaspora malienne, dans les institutions internationales ? La roue de l’histoire tourne. Aujourd’hui, le Malien n’a-t-il pas perdu confiance en lui-même ? Pourquoi je ne fais plus confiance d’emblée à un compatriote ? On ne peut pourtant pas vivre sans faire confiance à quelqu’un. Ce principe pendant des siècles de Kangaba à Kidal, de Koro à Kayes, de Nioro à Sikasso a impulsé l’éducation familiale. La pédagogie était ancrée autour du «dire vrai et agir en vérité». Elle peut être vigoureusement relancée à travers les cours d’éducation civique et morale et la redynamisation du Mouvement pionnier malien. La mission de l’école, de l’université est «d’apprendre aux jeunes à se promener longuement dans le passé du Mali millénaire, de tous nos terroirs, sans en sortir». Il faut cesser de se référer uniquement à des valeurs culturelles, philosophiques empruntées ailleurs.
Sékou Oumar DOUMBIA
Source: L’Essor- Mali