Le jeudi 08 août 2024, j’ai décidé d’aller rendre visite à mes parents, dans mon village natal, Mièna, situé à 32 kilomètre à l’ouest de M’Pessoba et à 80 kilomètres de la ville de Koutiala. Cette aventure m’a permis de séjourner à Ségou et à Koutiala. Elle fut une découverte, une joie, avec un hivernage prometteur. Mais, des constats inquiétants demeurent sur plusieurs plans.
C’est à 13h25 minutes que le car de la compagnie « Diarra Transport » démarra avec des passagers qui devraient descendre pour certains à Zambougou, Fana, Konobougou, Ségou, Bla, et d’autres, M’Pessoba et Koutiala, la destination finale. Je devrais faire escale à Ségou pour rendre visite à la famille Coulibaly de Sébougou, au siège de l’entreprise TOGO Tilé. Donc, je pris le billet Bamako-Ségou qui coûte désormais 5000 francs. Ce prix élevé en si peu de temps fut mon premier étonnement. Bamako-Ségou coûtait, pendant un bon moment, 3000 francs CFA.
Notre sortie de la gare coïncida avec l’appel à la prière du muezzin. Je commençai le voyage avec un temps de sieste. Cette sieste finie, je pris dans mon sac, le livre du journaliste Philomé Robert intitulé « Vagabondages éphémères ». Ce livre raconte le récit d’errance d’un certain Gabriel, qui quitte sa terre natale, Haïti, pour parcourir le monde, à la recherche d’un mieux-vivre. Paradoxalement, le jeudi est un jour qui a marqué le personnage principal, et mon voyage débuta aussi un jeudi. Simple coïncidence ? Pendant que je lisais entre les lignes, un vendeur de médicaments traditionnels fit son entrée dans le car et commença à faire la promotion de ses produits. Presque tous les passagers sont habitués à ces genres de vendeurs de médicaments. Sont-ils sincères ? Nulle ne le sait, mais les gens achètent des produits, qu’ils soient efficaces ou pas. Ce qui prouve à quel point chacun se promène avec ses problèmes, à la recherche de solutions. Puisque j’étais occupé à lire, je ne me suis pas trop intéressé au discours du vendeur. J’étais concentré sur le livre, car l’histoire qui y est racontée me fascinait tant. Nous arrivâmes au poste de contrôle de Zantiguila sans que je ne m’en rende compte. Entre temps, les petits marchands de pommes, de gâteaux, de thé, d’arachides, remplissaient les passages du car. D’un moment à l’autre, notre course fut interrompue par la passage d’un long convoi de l’armée qui quittait je ne sais où exactement. En tout cas, les soldats semblaient fatigués. Après le long cortège de l’armée, nous reprîmes de plus belle le voyage vers Ségou. A chaque fois, le car s’arrêtait pour prendre des passagers, ce qui provoquait la colère des autres qui étaient à l’intérieur et qui reprochaient au chauffeur de s’arrêter tout le temps. De toutes les façons, cela n’est pas nouveau. Nous y sommes habitués. De temps en temps, je jetais un coup d’œil dehors et admirait le paysage qui s’offrait à ma vue, un tableau paradisiaque qui inspire sans doute poètes et amoureux. Qu’il est magnifique de voyager pendant l’hivernage à travers le Mali ! Dans le car, la fraicheur de la climatisation se mêlait aux chansons mélodieuses des artistes maliens tels que Zikiri Solo, King KJ, Salif Keita et autres.
C’est dans cette ambiance et cette joie que nous arrivâmes à Ségou aux environs de 16 heures. Je descendis à Sébougou, au siège de l’entreprise TOGO Tilé, sise à la famille Coulibaly et dont le PDG, Seydou Coulibaly, m’a accueilli avec joie. TOGO Tilé est une entreprise connue dans la fabrication de cuiseurs solaires, de technologies d’économie d’énergie (comme les paniers thermos et les boîtes à cuisson), de foyers améliorés (Foyer LAFIA, Foyer Togo Tilé avec céramique) et de filtres à eau potable. Elle vise à exploiter le soleil malien pour réduire de manière significative les effets néfastes des changements climatiques et «faire la cuisson sans détruire la forêt».
Le lendemain vendredi, après avoir passé un bon moment à Ségou, Je pris le billet Ségou M’Pessoba, toujours avec la compagnie « Diarra Transport », à 3000 francs CFA. A peine le poste de contrôle de Ségou dépassé, c’est comme si l’on quittait d’un pays à un autre. La qualité du goudron était à désirer. Le car bringuebalait de gauche à droite, avec quelques secousses. On se demandait si le Mali se limitait à Ségou. Après la ville de Ségou, nous traversâmes le fleuve qui était presque débordé. C’est là que j’ai commencé à sentir l’effet des inondations qui sévissent dans la région de Ségou. Cette inondation a eu un impact considérable sur les cultures. On pouvait voir des champs submergés d’eau qui engloutissait les cultures comme Charybde et Scylla qui engloutissait les navires. Malgré tout, des paysans continuaient de labourer les champs. L’on se demande si cela pourrait servir à grand-chose, car l’hivernage étant très avancé. Cependant, il est toujours permis d’espérer, surtout que les prévisions indiquent qu’il pourrait pleuvoir jusqu’en novembre.
Toujours en train de lire mon livre, je fis la connaissance de deux amoureux du livre et de la lecture qui ont entendu parler du Club des Lecteurs du Mali dont je suis le président actuel. Une longue discussion s’engagea sur l’importance de la lecture dans la formation de l’individu. Nous changeâmes les contacts. Ainsi, la lecture venait de créer un lien entre ces derniers et moi.
Arrivés à Bla, aux environs de midi, il nous fut donné de constater, à travers la ville, les effets néfastes des inondations qui ont causé d’énormes dégâts matériels. Sans être un oiseau de mauvais augure, on peut dire que l’hivernage sera compromis à Bla, ce qui présage des récoltes insatisfaisantes. Nous ne nous plaignions plus de l’état de la route, mais des conditions dans lesquelles vivaient les populations de Bla. Les appuis de l’Etat sont-ils suffisants pour couvrir les besoins de ces populations, à court, moyen et long termes, dans la mesure où les récoltes ne s’annoncent pas très bonnes en raison des fortes pluies qui continuent de causer des dégâts dans diverses régions, notamment Gao, Tombouctou, Yélimané et dans le district de Bamako ? Nous l’ignorons pour l’instant, mais espérons que des solutions holistiques soient trouvées urgemment à ces inondations aux conséquences catastrophiques. Aux envions de 13 heures, nous arrivâmes à M’Pessoba, pendant que les fidèles quittaient la mosquée pour la grande prière du vendredi.
Je devais donc quitter le goudron pour parcourir 32 kilomètres à moto. C’est là que commença mon calvaire. J’oublis l’état de l’axe Ségou-M’Pessoba qui est un paradis pour ceux qui fréquentent l’axe que je venais d’emprunter avec mon petit frère qui était venu me chercher. Nous fûmes plus d’une heure sur les 32 Kilomètres avant d’arriver au village de Mièna, mon village natal. La route de Mièna n’est pas une route, c’est une véritable cascade. Il ne s’agit pas de savoir conduire une moto pour emprunter cet axe, il faut être un vrai cascadeur et un vrai nageur, car l’eau, la boue et le sable submergent la route. Combien de villages et de communes maliens sont dans cet état. Pourtant, c’est dans ces communes et villages que la culture du coton est très répandue. La jeunesse de ces villages reste passive. L’Etat est absent ! Il serait préférable que ces populations prennent leur destin en main en vue de réparer les routes, car leur économie en dépend.
La rencontre avec les parents fut merveilleuse. Je rendis visite à beaucoup de mes connaissances que je n’avais pas vues pendant des années. C’était la joie, le bonheur, la gaieté.
Après quatre jours passés au village, je décidai d’aller à Koutiala. Je devrais retourner par le même chemin. Et c’est mon petit frère qui m’accompagna à M’Pessoba où je pris le car pour rejoindre Koutiala. Dans cette zone, l’hivernage est très en avance. Il y pleut régulièrement, et pas de façon dépassée. Sur la route de Koutiala, on sent déjà le kénédougou, avec une végétation dense et merveilleuse, des cultures très avancées, des cotons en floraison, ainsi que des maïs.
Le séjour à Koutiala fut très court, mais il fut émouvant. J’ai eu l’occasion de visiter mon Lycée. Il s’agit du Lycée Koné Danzié de Koutiala, sa grande cour de 39 salles de classe et sa bibliothèque garnie, plus riche que beaucoup de bibliothèques de la capitale. J’ai eu l’occasion aussi d’échanger avec mes professeurs qui m’ont prodigué des conseils et encouragé dans ce que je fais, notamment la promotion de la lecture et la culture de l’excellence.
Je compris à travers ce séjour que le Mali est un pays aux visages multiples, cosmopolite et beau, malgré les diverses crises qu’il traverse depuis plus d’une décennie.
Siaka Coulibaly, de retour des régions de Ségou et Koutiala
Source : Le Républicain