Les élections locales et régionales sont-elles devenues l’arlésienne de la politique malienne. Annoncées à deux reprises et reportées autant de fois, elles ont été de nouveau programmées pour avril 2018. Aujourd’hui encore, rien n’est moins sûre que l‘organisation de ce scrutin dans les semaines à venir. A cause de l’insécurité persistante et l’absence de l’Administration sur une bonne partie du territoire, bien sûr, mais aussi en raison de la focalisation sur le scrutin présidentiel de juillet 2018.
Lorsqu’en 2016, le ministre de l’Administration Territorial d’alors, Abdoulaye Idrissa Maïga, fixe unilatéralement la date des élections locales et régionales pour le 25 octobre, la majorité des partis politiques avaient objecté que la situation administrative et sécuritaire du pays ne permettait l’organisation de scrutin digne de ce nom. A l’appui de leur réticence, ils faisaient valoir que dans bon nombre de localités les préfets et sous-préfets, les juges et les enseignants sont absents pour cause d’insécurité. Le Ministre rétorqua que face à l’insistance des bailleurs de fonds, il n’était pas question de reculer et que toutes les mesures idoines seraient prises pour remplir les conditions nécessaires à la tenue de ces élections. Il a fallu recourir à l’arbitrage du Premier ministre Modibo Kéita, devant lequel les partis ont exposé dans le détail leurs soucis et les conséquences d’une élection bâclée. Le Chef du gouvernement, sensible à l’argumentaire développé, se chargea de convaincre à son tour le Président de la République. Le scrutin du 25 octobre 2016 fut annulé in extremis, sans qu’une autre date soit fixée pour sa prochaine tenue. Acte un.
Plus d’une année s’est écoulée, sans que l’on reparle encore d’élections régionales et locales. Puis, un beau jour, la question est remise sur le tapis. Entre temps, les titulaires de la Primature et du ministère Administration territoriale ont changé. Ils sont devenus, respectivement, Abdoulaye Idrissa Maïga et Tièman Hubert Coulibaly, celui-là même qui fut remplacé au pied-levé au Ministère de la Défense par le futur Premier ministre, suite à l’attaque du camp de Nampala. La nouvelle date fixée est le 17 décembre 2017. A la question posée par les partis politiques, « est-ce que les raisons qui ont prévalus aux successifs reports ont disparue ? ». Le nouveau Ministre répond que toutes les dispositions sont en train d’être prises pour cela. Si les formations politiques ont pris pour argent comptant les promesses du ministre, les ex-mouvements armées de la Coordination des Mouvement de l’Azawad, CMA, ont fait savoir, haut et fort, qu’ils ne cautionneront pas la tenue de ces élections. Les groupes pro-Bamako, la Plateforme, renchérissent au motif que ce scrutin « n’est pas en harmonie avec les objectifs de paix et de réconciliation tant recherchées ». Le gouvernement cède alors à ces menaces à peine voilées en reportant une fois de plus élections annoncées en vue d’entamer les consultations nécessaires pour rendre ce scrutin plus inclusif. Acte deux.
Ce nouveau report crée des suspicions quant à la volonté ou la capacité du gouvernement à organiser des élections notamment présidentielles. Des nouvelles échéances sont fixées au mois d’avril 2018 pour les régionales et juillet pour les présidentielles. Entre temps, la Primature et l’Administration Territoriale change une fois de plus de titulaire, à la faveur du remaniement de décembre dernier. Soumeylou Boubèye Maïga, s’empresse d’annoncer que le scrutin présidentiel aura lieu le 29 juillet prochain. Quid des locales et régionales d’avril ? Aucune date n’est fixée. De plus en plus, la priorité est en train d’aller aux élections présidentielles, « la mère des élections ». Ce n’est pas le retour de l’Administration acté par la nomination de préfets et sous-préfets dans les localités où ils sont absents qui suffira pour lever les nombreux préalables soulevées par les partis de la majorité ou de l’opposition. Ce retour pourra y contribuer si les coups de semonces des FAMa, Barkhane ou Forces conjointes G5 contre les djihado-terroristes finissent par porter fruit. Entre temps, Le Chef du Gouvernement semble opter pour une inversion de calendrier, qui consiste finalement à jeter son dévolu sur la tenue en juillet des présidentielles, plutôt que sur l’organisation hypothétique des régionales dans quelques semaines. Cela aura le mérite quand même de permettre de lever certains préalables exigés par l’opposition ou tout simplement par le bon sens, comme l’audit du fichier électoral national, l’établissement de celui des nouvelles régions, le retour des réfugiés et la présence effective de l’Administration.
Pour ce faire, a-t-il ou obtiendra-t-il le feu vert de son Patron ? En tout cas, toute autre tergiversation sera assimilée à un amateurisme et se paiera au prix fort, tant les Maliens sont excédés par les improvisations qui ont ponctué le calendrier électorale depuis 2016.
Modibo Diallo
Source: infosepte- Mali