C’est un secret de polichinelle : le Cadre de concertation des femmes des partis politiques (CCFPP) traverse une crise profonde qui commence à émousser les ardeurs des Partenaires techniques et financiers. Comme un signe du temps, le NDI, le principal partenaire, vient d’annoncer sa décision de suspendre la mise en œuvre d’un projet en raison de cette situation qui prévaut depuis un certain temps au niveau du Cadre.
Née de la remise en cause de la légalité du bureau actuel, en place depuis 2012, par l’arrivée d’une nouvelle vague de femmes issues d’une centaine de partis politiques qui aspirent au changement et à l’amélioration de la gouvernance ; cette crise, si on n’y prend pas garde, risque de priver les femmes de certains financements des partenaires en cette période électorale.
Dialogue de sourds
À la veille de la présidentielle de juillet et des autres scrutins en vue (législatives, régionales, locales), l’instance suprême des femmes des partis politiques est dans la tourmente. En cause, une insuffisance voire manque d’implication des autorités et des responsables des partis politiques, malgré des correspondances, à eux, adressées dans ce sens par les protagonistes.
La conséquence de ce bicéphalisme est aujourd’hui, un manque de confiance affiché par le principal partenaire à l’organisation, le NDI. En effet, ayant appris le climat de méfiance qui s’installe entre les femmes du Cadre, le NDI a décidé de suspendre son partenariat.
Ainsi, dans une correspondance en date du 9 mai 2018, le NDI fait le constat en ces termes : « depuis plusieurs mois ; il nous a été donné de constater que le Cadre de concertation des femmes des partis politiques vit une crise interne. Pour résoudre, le NDI a été sollicité par plusieurs correspondances à contribuer à faciliter une médiation entre les différentes parties. Des réunions de conciliation ont été tenues à cet effet depuis 4 mois afin de privilégier le dialogue interne au sein de votre organisation dans le respect des textes statutaires, dans l’intérêt des femmes maliennes et du Mali ».
Voici un constat qui en dit long sur cette situation qui prévaut au niveau de cette organisation depuis 2015. Au NDI d’ajouter : « au regard des principes démocratiques et des contraintes de temps, le NDI est dans le regret de ne pouvoir continuer le partenariat avec le CCFPP dès que la crise interne sera résolue, et dans les conditions d’un fonctionnement démocratique effectif ».
Un coup dur pour les femmes du Mali, en cette période électorale où elles devraient bénéficier des financements de l’ONG dans le cadre de son programme ‘’Emerge’’ (Enpowerong Malians through Election, Reforms and Gouvernance Efforts, en anglais). Notamment, en ce qui est du volet ‘’appui aux femmes et aux partis politiques pour l’application effective de la loi sur le genre’’.
Approchées par nos soins, les responsables actuelles en charge du CCFPP dénoncent ce qu’elles qualifient de surenchère des dissidentes qui ont exigé le renouvellement du bureau, alors qu’un consensus avait été dégagé pour garder le statu quo jusqu’à la tenue de l’élection présidentielle du 29 juillet, afin d’éviter une crise interne. Cette décision avait été motivée par le contexte de crise que vit notre pays, depuis 2012.
Le bureau actuel, dans le but de rassurer les unes et les autres, avait proposé la date du 15 août 2018 et qui avait été accepté par une partie des dissidentes pour la tenue de l’Assemblée générale de nouvellement du bureau. Pour ce faire, il avait été convenu de mettre en place un comité de relecture des textes du CCFPP.
Offre rejetée
Aussi, toujours dans le cadre du consensus, il avait été décidé d’élargir le bureau en place de 12 à 24 membres pour faire de la place à certaines représentantes des partis qui souhaitaient prendre entièrement part aux activités. Sur la base de ce consensus, un poste de vice-porte-parole avait été créé. Ce poste est actuellement occupé par Mme Oumou Bocoum, présidente des femmes de l’APR-Mali.
Malheureusement, cette offre a été rejetée par certaines femmes leaders qui ont décidé d’écrire au partenaire pour lui faire part de leur désaccord et demander son implication. Les dissidentes soupçonnent les responsables actuelles du Cadre de vouloir se maintenir aux affaires, malgré la fin du mandat en 2012 qui était de deux ans non renouvelables.
Aujourd’hui, les deux camps se regardent en chiens de faïence et il faudra s’attendre, dans les jours à venir, à un clash entre celles qui prônent la stabilité, la sérénité et celles qui aspirent au changement immédiat au respect des textes de l’organisation.
L’une des protagonistes, Mme Gologo Aminata Diarra, vice-présidente de la Codem que nous avons rencontrée, lundi dernier, à la cité ministérielle, a indiqué que le CCFPP doit refléter l’image de la femme malienne, notamment celle engagée en politique. À ce titre, il se doit de respecter les textes. Elle a déploré le manque de dialogue et de concertation qui a toujours caractérisé le directoire actuel. Cette situation a été dénoncée, selon elle, depuis 2015, sans trouver une issue favorable.
100 partis laissés à la touche ?
Actuellement, a-t-elle fait savoir, l’équipe dirigeante est composée de 12 partis politiques, alors que plus de 100 partis sont encore à la touche et frappent à la porte.
« Il faut revoir à la hausse le bureau pour que les femmes se sentent concernées. Il faut créer ce cadre d’échange, de partage d’expérience entre les femmes », a-t-elle souhaité. Avant d’ajouter : « pour nous, c’est vraiment la cacophonie, c’est le laxisme total ».
Face aux enjeux de l’heure, Mimi Diarra, comme on aime l’appeler, préconise une révision des textes pour les améliorer à l’avantage des femmes.
Selon celle qui se présente désormais comme la porte-parole des dissidentes, il n’y a pas d’alternative à la tenue, dans un bref délai, d’une Assemblée générale pour aplanir les divergences et redynamiser le Cadre.
« Peut-être qu’on a été mal comprise, mais ce changement est nécessaire pour la crédibilité des femmes des partis politiques. Il est nécessaire d’avoir un bureau légitime, consensuel », s’est-elle défendu.
Avant de poursuivre en disant : « notre tendance est de bien faire, pour ne pas ternir l’image des femmes, comme on le voit ».
D’ailleurs, Mme Gologo a profité de l’occasion pour lancer un appel à la cohésion et aux retrouvailles.
« Il n’est jamais tard pour bien faire. Je pense que si on se donne la main, on peut trouver une solution », a-t-elle espéré.
Notons que selon les textes, toutes les femmes de parti politique légalement constitué qui adhèrent à la Charte des femmes des partis politiques sont membres du Cadre de concertation des femmes des partis politiques. C’est un espace d’échange et de partage d’expérience et de bonnes pratiques entre les femmes.
Abdoulaye Ouattara