Qui est à l’origine de la double attaque, pour l’heure non revendiquée, contre l’ambassade de France à Ouagadougou et l’état des forces armées du Burkina Faso qui a fait huit morts parmi les militaires vendredi ? C’est ce que les autorités burkinabés tentent d’établir. La piste djihadiste est privilégiée.
Les autorités burkinabés tentaient samedi d’établir qui est à l’origine de la double attaque, pour l’heure non revendiquée, contre l’ambassade de France et l’état-major des forces armées du Burkina Faso, qui a fait officiellement huit morts à Ouagadougou en plus de huit assaillants. La piste djihadiste semblait la plus évidente, mais le gouvernement n’exclut pas, à mots couverts, une responsabilité de personnes liés au putsch manqué de 2015 contre les successeurs de l’ancien dirigeant Blaise Compaoré. « Il s’agit d’une attaque terroriste, liée à un courant ou un autre […] des mouvements terroristes dans le Sahel », « ou à d’autres acteurs qui sont pour une déstabilisation ou une situation de blocage de notre avancée démocratique », a déclaré samedi matin Remis Fulgance Dandjinou, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement burkinabè. Un régime plus démocratique a remplacé le gouvernement de l’ex président Compaoré chassé par un soulèvement populaire en octobre 2014 après 27 ans de pouvoir.
Une réunion militaire visée ?
Vendredi soir, le ministre de la Sécurité, Clément Sawadogo, avait déclaré que l’attentat visait « peut-être » une réunion militaire de la force multinationale antidjihadiste du G5-Sahel (Mali, Burkina, Niger, Tchad et Mauritanie).
Et le bilan aurait pu être beaucoup plus lourd : la salle initialement prévue pour cette réunion entre le chef d’état-major et des officiers, « a été littéralement détruite par l’explosion », a-t-il précisé. Cette réunion entre le chef d’état-major et des officiers a été changée de salle au dernier moment, évitant un carnage.
Le bilan officiel de la double attaque est de huit morts parmi les forces de l’ordre : « deux gendarmes devant l’ambassade de France et six militaires au niveau de l’état-major ». Douze blessés sont en état d’urgence absolue.
Dans un premier temps, les sources sécuritaires françaises avaient fait état d’un bilan d’au moins 28 morts.
Aucun Français ne figure parmi les victimes, a-t-on appris de source diplomatique française.
Les huit assaillants « ont été tous abattus » : « quatre à l’ambassade de France, en dehors des locaux » et quatre à l’état-major, selon la source. « Trois d’entre eux ont été tués au sein de l’état-major et le quatrième qui s’était réfugié dans un immeuble non loin a également été neutralisé », a-t-elle précisé.
Deux personnes ont été interpellées près de l’état-major, a indiqué à l’AFP une source sécuritaire sans plus de précisions. Le parquet de Ouagadougou a lancé un appel à témoins « pour aider à la recherche et l’identification des complices, des hôtes et de tous facilitateurs éventuels des faits ».
Le Burkina, cible des djihadistes
Le Burkina Faso est depuis 2015 la cible d’attaques djihadistes, qui ont déjà frappé sa capitale, sans jamais toutefois atteindre un tel niveau d’organisation avec deux groupes d’hommes armés opérant simultanément dans deux endroits du centre-ville de Ouagadougou et utilisant un véhicule piégé avant de lancer l’assaut à l’état-major. « Notre pays a été de nouveau la cible […] de forces obscurantistes », a dénoncé vendredi soir le président burkinabè Roch Marc Christian Kaboré, dans un communiqué. Plus tôt dans la journée, son gouvernement avait évoqué une « attaque terroriste perpétrée […] par des hommes lourdement armés non identifiés ». « Détermination et plein engagement de la France » Le président français Emmanuel Macron a réaffirmé « la détermination et le plein engagement de la France, aux côtés de ses partenaires du G5-Sahel, dans la lutte contre les mouvements terroristes ». Le président du Niger et président en exercice de cette force, Mahamadou Issoufou, lui a fait écho en assurant que les attaques « ne feront que renforcer la détermination du G5-Sahel et de ses alliés dans la lutte contre le terrorisme ». « Plus que jamais l’Afrique et la communauté internationale doivent se mobiliser pour faire front commun contre cette barbarie qu’il faut définitivement neutraliser », a renchéri le président guinéen Alpha Condé dans un communiqué.
En visite au Mali, le président turc Recep Tayyip Erdogan, a condamné « fermement les attaques terroristes ».
La force G5-Sahel face aux menaces terroristes
Selon un rapport intermédiaire de l’ONU publié vendredi auquel l’AFP a eu accès, la montée en puissance de la force G5-Sahel (Mali, Burkina, Niger, Tchad et Mauritanie) va de pair avec des « menaces terroristes croissantes de l’État islamique dans le Grand Sahara (ISGS) et de Ansar al-Islam », notamment dans la région frontalière entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger.
Cette région est le cœur d’action de la force G5-Sahel. Le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a appelé à un « effort urgent et concerté » de la communauté internationale pour aider à stabiliser la région, y compris à travers « la pleine opérationnalisation » de la force G5-Sahel, selon un communiqué de son porte-parole.
Mode opératoire inédit
Vendredi, « aux environs de 10 h, des assaillants ont commencé à tirer sur l’ambassade de France et presque au même moment un autre groupe, de manière coordonnée s’attaquait à l’état-major général des armées », a détaillé Clément Sawadogo.
Une voiture piégée a ensuite explosé près de l’état-major burkinabè, un mode opératoire inédit au Burkina. « Les assaillants ont fait usage d’un véhicule bourré d’explosifs dont la charge était énorme », a-t-il souligné.
À environ un kilomètre de là, cinq hommes armés sont sortis d’une voiture et ont ouvert le feu sur des passants avant de se diriger vers l’ambassade de France où ils ont échangé des coups de feu avec les gendarmes et policiers français qui gardaient l’ambassade, selon des témoins.
« Les forces françaises au Burkina sont intervenues en soutien à l’action de l’armée burkinabé, elles n’ont pas pris part directement à l’action », a affirmé à l’AFP le porte-parole de l’état-major de l’armée française, le colonel Patrick Steiger. La France dispose de forces spéciales sur une base militaire à Ouagadougou.
Le parquet de Paris a de son côté ouvert une enquête pour tentative d’assassinats terroriste.
« Cibles dures, symboles forts »
L’un de témoins interrogé par l’AFP a raconté avoir vu les assaillants armés de fusils d’assaut Kalachnikov qui, « ont commencé à ouvrir le feu sur les gendarmes qui étaient dans la guérite » devant l’ambassade. Ils étaient « habillés en civil, même pas encagoulés, à visage découvert ».
À l’inverse, le commando qui a attaqué l’état-major portait l’uniforme de l’armée de terre bukinabè, selon une source sécuritaire.
Les établissements scolaires français et l’Institut français de Ouagadougou seront fermés jusqu’à mercredi inclus.
« Le mode opératoire des attaques évolue crescendo. Après des cibles molles, comme des hôtels et restaurants, cette attaque a visé des cibles dures, des symboles forts », a jugé un consultant burkinabè en sécurité, Paul Koalaga.
La capitale du Burkina a été ces dernières années à plusieurs reprises la cible d’attaques jihadistes visant des cibles fréquentées par les Occidentaux. 19 personnes ont été tuées dans un café le 13 août 2017, dans un attentat non revendiqué. Et le 15 janvier 2016, 30 personnes, dont six Canadiens et cinq Européens, ont été tuées lors d’une attaque revendiquée par le groupe jihadiste Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Source: ouest-france.