Au Burkina Faso, Michel Kafando a été choisi ce lundi 17 novembre pour conduire la transition et préparer l’élection présidentielle dans un an après que la charte de la transition – sorte de Constitution intérimaire – ait été paraphée dimanche soir. L’exemple du Burkina Faso pourra-t-il inspirer d’autres pays du continent ? Quelles sont les attentes de la communauté internationale ? Réactions et éléments d’explication.
Avec notre envoyé spécial à Ouagadougou,
S’ils ont choisi d’inscrire dans la charte que le président est forcément un civil, les membres de l’opposition politique souhaitent néanmoins poursuivre leur travail et suivre pas à pas la mise en place de cette transition. Pour Benewende Sankara, de l’Union pour la renaissance-Parti sankariste (Unir-PS), la signature de ce texte fondateur est une libération : « Après 27 années de pouvoir sans partage, de libertés confisquées, le Burkina Faso connaît aujourd’hui sa libération. Il ne s’agit pas de faire partir Blaise Compaoré : il faut réussir la transition. »
Premier ministre, ministres : le gouvernement comptera vingt-cinq membres. À l’Assemblée, il y aura 90 sièges, et différentes commissions : « réconciliation », « réforme de la Constitution », ou encore « respect du bien public. » Le travail ne manquera pas, et cette classe politique trouvera sans doute à s’intégrer dans les différents organes de la transition.
→ Michel Kafando président de la transition
Le collège de désignation du président de la transition a retenu, après une réunion de quatre heures, dimanche soir, trois personnalités : Joséphine Ouedraogo, née Guisso, qui fut ministre de l’Essor familial et de la Solidarité sous Thomas Sankara de 1984 à 1987, Chérif Sy, journaliste, créateur de l’hebdomadaire Bendré, et enfin le diplomate de carrière Michel Kafando, ancien ambassadeur du Burkina Faso au début des années 1980, puis de 1998 à 2011. C’est ce dernier qui a finalement été choisi après plusieurs heures de délibération. Les auditions ont débuté un peu avant minuit, dimanche.
Michel Kafando a prononcé sa première allocution en tant que président de la transition à peine nommé. « J’entrevois déjà l’immensité de la tâche, a-t-il déclaré. Je remercie tous ceux qui me font confiance pour conduire le pays suite au grand bouleversement qui marquera à jamais le Burkina Faso. Je prends l’engagement que nous ne ménagerons aucun effort. Il en va de notre crédibilité. L’essentiel à terme est de bâtir une nouvelle société, une société réellement démocratique basée sur la justice sociale, la tolérance. Ce sont les références de notre pays ».
Rappellons que Michel Kafando est un diplomate de carrière. Costume bleu, cravatte, grosses montures de lunette en métal, Michel Kafando a la prestance du diplomate expérimenté. Agé de 72 ans, il a fait des études en France, à Bordeaux notamment et à Paris. Des études de droit et de sciences politiques. De retour au pays, il a été nommé ambassadeur auprès des Nations unies, une première fois alors que le pays s’appelait encore la Haute-Volta, au début des années 80 ; puis entre 1998 et 2011. Michel Kafando est donc parfaitement bilingue et son profil devrait plaire à la communauté internationale.
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C’est donc à lui qu’incombera la lourde tâche d’organiser l’élection présidentielle dans un an.
→ L’exemple du Burkina Faso inspirera-t-il d’autres pays du continent ?
Le leader de l’opposition politique burkinabè Ablassé Ouedraogo fait partie de ceux qui ont été au cœur du travail d’écriture de la charte. C’est lui qui a eu l’honneur de lire intégralement la charte pendant la cérémonie. Son message, désormais, s’adresse autant aux Burkinabè qu’aux Africains : « La page Blaise Compaoré est définitivement tournée dans l’histoire du Burkina Faso. Tout cela est terminé. Il faut regarder devant. Avec modestie, je considère que pour tous les pays d’Afrique, l’exemple du Burkina Faso fera tache d’huile. »
►à (ré)écouter sur Jean-Marie Guéhenno, invité Afrique du jour
Afin d’aider le reste du continent à suivre la voie tracée par les Burkinabè, Ablassé Ouedraogo propose une piste institutionnelle : l’ajout d’une clause sur la limitation des mandats présidentiels dans la charte de l’Union africaine. « Si cette clause existait, le Burkina Faso n’aurait probablement pas traversé ces deux semaines de difficultés, estime le leader d’opposition. Le monde a changé, l’Afrique a changé, les Africains ont changé : les gouvernants africains doivent changer. »
Si l’Union africain en s’est pas encore penchée sur cette possibilité, l’exemple burkinabè semble avoir en tout cas inspiré plusieurs leaders d’opposition du continent, réunis à Paris vendredi pour signer une déclaration commune exigeant le respect des textes fondateurs.
La limitation des mandats présidentiels : l’idée séduit également l’ancien président du Sénégal Abdou Diouf. Invité de l’émission « Internationales » de ce dimanche, le secrétaire général de la Francophonie prône la limitation à deux mandats présidentiels : « Pour parler franchement – et là, je ne parle pas au nom de mon organisation –, pour avoir été moi-même président pendant plus de 19 ans, je pense qu’à notre époque, deux mandats suffisent largement à la tête d’un Etat. Un président de la République n’est pas un monarque ! »
→ Les relations avec la communauté internationale vont-elles reprendre leur cours normal ?
Dès dimanche, les Etats-Unis ont fait connaître leur position concernant leurs relations avec le Burkina Faso : la coopération entre les deux Etats reprendra, mais à certaines conditions.
« En tant que communauté internationale, nous allons continuer à accompagner les Burkinabè, a assuré au micro de RFI l’ambassadeur des Etats-Unis au Burkina Faso, Tulinabo Mushingi.Mais il y a quand même quelques conditions que nous avons mises sur la table : que l’on passe le pouvoir aux autorités civiles, que l’organe qu’ils vont constituer respecte l’esprit de la Constitution, que cet organe travaille à établir une échéance pour les élections présidentielle et législatives de 2015, et enfin, comme l’a dit le lieutenant-colonel Zida, que les militaires regagnent leur fonction primordiale, qui est d’assurer l’intégrité territoriale et la sécurité du peuple burkinabè. »
Le ministre sénégalais des Affaires Mankeur Ndiaye, qui représentait à Ouagadougou le président sénégalais – et président du groupe de contact de la Cédéao – Macky Sall, a appelé la communauté internationale à soutenir le Burkina : « C’est un sentiment de satisfaction qui m’anime. La Cédéao partage ce sentiment. C’est comme cela qu’il faut agir dans le futur : faire en sorte que les organisations sous-régionales puissent gérer ce genre de crise et que les partenaires au développement puissent accompagner les organisations comme la Cédéao et les choix souverains du peuple burkinabè. Car cette charte de la transition est l’expression concentrée de la volonté politique du peuple burkinabè, qui mérite considération, respect et accompagnement. »
→ Quelles sont les prochaines étapes pour le pays ?
Pour le représentant du président sénégalais à Ouagadougou Mankeur Ndiaye, la transition sera courte et devra aboutir d’ici un an à l’élection d’un nouveau président de la République au Burkina : « L’essentiel, c’est qu’au mois de novembre 2015, l’on puisse aboutir à des élections libres, démocratiques, transparentes et incontestables, et à l’élection d’un nouveau président du Burkina Faso. »