Ce service est offert au Tribunal de la Commune III du District de Bamako et à certaines juridictions des régions du Centre et du Nord
Les Bureaux d’assistance juridique et judiciaire (BAJJ) sont désormais opérationnels dans certains tribunaux à Bamako ainsi que dans les régions du Centre et du Nord de notre pays. Ceux-ci ont pour misions de mieux informer, orienter et assister les justiciables «démunis» par rapport au service public de la justice. Ce qui rend facile l’accès à la justice pour cette couche de la société, souvent hésitante à faire entendre sa voix devant les juridictions. La «loi du plus fort» régnant presque toujours dans notre pays comme à l’image de la jungle.
L’initiative de ce programme d’assistance, qui a commencé depuis 2018, vient de l’association DEME-SO qui travaille en partenariat avec l’ambassade du Royaume des Pays-Bas au Mali.
Pour rappel, notre pays a adopté la loi n°01-082 du 24 août 2001 relative à l’assistance judiciaire. L’article 2 de ce texte dispose que : «le Bureau de l’assistance judiciaire est établi au siège de chaque tribunal de première instance et de justice de paix à compétence étendue». Malheureusement, cette loi n’est pas connue du grand public pour répondre aux besoins des populations. «C’est pourquoi, DEME-SO a pris cette initiative innovante dans le domaine de l’aide juridique en implantant des BAJJ au sein des juridictions», a justifié le coordinateur de cette ONG, Mahamadiba Traoré.
Dans ces bureaux, il existe un permanent à l’exception de celui du Tribunal de la Commune III du District, où ce dernier est secondé par un assistant. «Dans les circonscriptions, nous avons aussi une nouveauté qu’on appelle les vestibules de droit», a informé le responsable de DEME-SO. D’après lui, ces «vestibules» ont pour mission d’informer les populations à la base suivant une approche communautaire. C’est-à-dire, ce sont des para-juristes aguerris qui orientent, sensibilisent et éduquent les populations par rapport à leurs droits et devoirs. Cependant, selon notre interlocuteur, lorsque les dossiers les dépassent, ceux-ci font référence au siège pour une meilleure prise en charge. «à ce niveau, nous avons un pool d’avocats qui est bien fourni», a assuré Mahamadiba Traoré. Lorsque les dossiers débouchent dans les prétoires, ces avocats «entrent en jeu» pour les prendre en charge du début jusqu’à la fin de la procédure. Et ceci se fait «gratuitement» pour les justiciables.
L’une des difficultés de ces bureaux d’assistance tient au fait qu’au beau milieu de la procédure, certains usagers se rebiffent alors que des «sous» sont déjà injectés. Ce qui pose «énormément» de problèmes. Pour éviter cette situation, les usagers sont désormais invités à contribuer «aux charges de la procédure». Et le montant de cette contribution dépend de la nature des dossiers. «Par exemple pour les cas de divorce, nous avons une contribution forfaitaire de 50.000 Fcfa. Cela sert à couvrir les frais de consignation, les frais d’huissier et éventuellement les petits frais de déplacements des avocats», ont informé les responsables de DEME-SO. Toutefois, ont-ils précisé, les honoraires des avocats sont pris en charge par la clinique juridique DEME-SO.
À ce jour, ont informé les membres de l’ONG, le taux de réussite des cas est plus de 80%. Ce qui démontre à suffisance la compétence de leurs avocats, dédiés pour la cause des couches vulnérables et la défense de leur droit devant les juridictions.
Cette réussite a été confirmée par le BAJJ du tribunal de grande instance de la Commune III du District de Bamako, situé en plein cœur du Grand marché de la capitale. En effet, en 2020, environ 1.254 usagers, dont 777 femmes y ont bénéficié de l’assistance avec «succès». Parmi ceux-ci, certains ont été accueillis, écoutés et orientés. D’autres avaient juste besoin d’explication sur leurs procédures ou étaient dans le besoin d’être assistés juridiquement. Ce qui fut fait, ont assuré les responsables de ce bureau.
Jean Baptiste Toé est l’un des heureux bénéficiaires de leur assistance. Cet enseignant de profession était «victime d’escroquerie et d’abus de confiance de la part d’un électromécanicien». Notre interlocuteur a indiqué avoir été bien assisté. Il a raconté une anecdote selon laquelle, lorsqu’il a décidé de retirer sa plainte au commissariat, les agents lui ont fait savoir que l’affaire ne peut plus être interrompue. Chose qu’il n’avait pas comprise sur place et qu’il comprendra plus tard avec les membres du bureau. «Quand je suis revenu pour leur expliquer cela, ils m’ont indiqué que mon retrait ne met pas fin à l’action publique». Toute chose qui explique que «le procureur de la République a décidé d’aller jusqu’au bout de l’affaire».
De passage dans ce même BAJJ, ce lundi du mois de février, notre équipe de reportage a rencontré Sidi Doumbia. Ce dernier, qui venait de découvrir fortuitement ce bureau, est lui aussi «victime d’une escroquerie de la part d’un ami». «Je cherchais un avocat dans la ville que je n’arrivais pas à trouver. J’ai donc essayé de passer dans un tribunal, et à cette occasion, j’ai vu une plaque indiquant ‘’bureau d’assistance juridique et judiciaire’’», a-t-il raconté. Sur place, la pauvre victime a été orientée par les membres du bureau qui lui ont donné le contact d’un avocat. «Je ne tarderai pas à le consulter», a-t-il déclaré, visiblement satisfait.
Pour le Royaume des Pays-Bas, partenaire financier de ce programme d’assistance, l’accès à la justice est une partie intégrale des efforts de consolidation de la paix, de développement durable et du renforcement du contrat social. «C’est dans cette optique que nous trouvons que l’accès à la justice est un instrument clé de l’état de droit à travers notamment les services judiciaires et juridiques», a indiqué la première secrétaire chargée de l’état de droit à l’ambassade des Pays-Bas.
Willemijn Van Lelyveld a, par ailleurs, félicité le ministère de la Justice et l’association DEME-SO qui déploient des efforts pour rapprocher la justice des justiciables. «Dans les Régions de Mopti, Ségou, Tombouctou et Gao, on est vraiment très content avec le travail afin que la justice réponde aux besoins réels de la population, particulièrement les groupes vulnérables», a déclaré la diplomate néerlandaise. Qui a souhaité qu’à long terme, ces bureaux d’assistance soient institutionnalisés au sein du département en charge de la Justice. Ce qui pourra «essuyer les larmes» des pauvres justiciables, qui s’en remettent souvent à leur «Foi» désespérément. Il convient de préciser que ce programme prendra fin en 2023.
Bembablin DOUMBIA
Source : L’ESSOR