S’il y a un homme qui peut louer le coup du sort en cette fin d’année 2018, c’est incontestablement l’Inspecteur Général Mahamet Doucara, qui vient d’être bombardé au poste de Directeur Général des Douanes par le ministre de l’Economie et des Finances. Avant cette nomination, personne y compris lui-même, ne pouvait se douter de son immersion surprise. Mais, comme on dit, l’occasion fait toujours des heureux comme des malheureux. Sa nomination brise ainsi les ambitions de certains gros épaulés comme Madou Traoré ou Amadou Konaté. Avec le soutien du ministre des Transports et du Désenclavement, le premier se voyait déjà dans le fauteuil légué par Aly Coulibaly, qui a souhaité se retirer dans la dignité. Le second aussi, Amadou Konaté, promu à la Direction des Recettes par le nouveau patron, lorgne le même fauteuil depuis 2016.
Tous les deux sont dans une posture pas du tout constructive. Pour n’avoir pas été bien servis par les décideurs. Tout comme eux, plusieurs autres cadres en activité ou pas accusent le nouveau DG et son prédécesseur, Modibo Kane Kéïta, qu’ils qualifient comme le faiseur de roi, de ne pas tenir compte de leur niveau d’investissement tant financier qu’humain dans la campagne du président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta. A en croire nos sources, Madou Traoré seul revendique plus d’un milliard cinq cent de nos francs. La même source d’ajouter que Madou Traoré est à l’origine du retournement de son grand frère, militant URD de Soumaïla Cissé pour le RPM d’IBK à San.
Amadou Konaté se positionne aussi comme un des principaux bailleurs de fonds du Rassemblement Pour le Mali, notamment un député RPM, dont il le principal bailleur. Raison pour laquelle, celui-ci aussi s’est personnellement impliqué pour la nomination de son ami, surtout son bras financier.
Mais, la goutte d’eau qui fait déborder le vase est sans nul doute, le récent mouvement de personnel effectué en début de semaine dernière (lundi et mardi dernier plus précisément) par le DG. Depuis, c’est le branle-bas au niveau de l’Administration des douanes. Selon nos sources, l’ancien chef de la Brigade Mobile d’Intervention (BMI) de Bamako, Abdramane Diakité, aurait indiqué que le DG leur a déclaré la guerre en les relevant de leurs postes, où ils gagnaient beaucoup d’argent pour des postes où ils ne gagnent pratiquement rien. Le hic, disait-il à notre source, ce sont seulement les cadres du RPM qui ont été touchés. Donc à cause de cette considération, ils ne pourront que répondre par la guerre. « A la guerre comme à la guerre… », Auraient-il lancé.
Madou Traoré aussi et son manager politique, Zoumana Mory Coulibaly, qui n’ont pas gommé le choix du président de la République à la tête de la DGD se seraient joints au mouvement pour former une équipe de choc, constituée selon nos sources de Abeta Ag Seydou, Ahmed Ag Boya, Abdouramane Diakité (cité dessus), Adama Sidibé, l’ancienne directrice régionale des douanes de Koulikoro, Alima Drabo et l’ancien ministre du Commerce, etc. Tous reprochent à Doucara de toucher à leurs protégés, Adama Sidibé et certains éléments qui travaillaient au Bureau principal de Kati. A croire nos sources, bien qu’étant à la retraite, Alima Drabo continuerait à gérer par procuration la Direction régionale, au vu et au su de tous les agents sur place. Parce que l’occupant du poste, un commis d’administration reconverti pour devenir Inspecteur de Douanes par arrangement, n’a pas la carrure nécessaire pour assurer le poste. D’où la gestion par procuration d’Alima Drabo. Mais, ce qu’on dit tout haut, c’est que le service n’est pas gratuit. La bonne dame se servirait de la caisse publique pour maintenir son niveau de vie d’Inspectrice des douanes en activité. Le remplacement d’Adama Sidibé à ce poste équivaut à l’arrêt de ses avantages indus sur le dos du contribuable malien.
Le dessein caché de Zoumana Mory et compagnie
Ce parterre de gros épaulés et leur ami ministre, Zoumana Mory Coulibaly, se réclament non seulement des Tisserands, mais revendiquent des investissements importants dans la campagne d’IBK. De quoi à faire peur au président. Puisque là, on est clairement dans une forme de chantage contre lui. Parce que les plaignants en appellent à son arbitrage entre eux et le DG. Et, si cela n’arrivait pas, ils vont se battre eux-mêmes pour faire valoir leur droit. Comme Abdramane Diakité l’aurait dit dans sa conversation téléphonique avec certains confrères. Et malheureusement, l’on assiste à cette guerre dans la presse. A défaut d’avoir la Direction générale, Mahamet Doucara se devrait de les maintenir à leurs postes respectifs pour leur permettre de faire retour sur investissement. Puisque c’est un placement qu’ils ont fait dans une opération de levée de fonds. N’est-ce pas finalement une entreprise mafieuse, qui risque de compromettre longtemps la rentrée d’argent au niveau de la Direction générale des douanes ? Surtout que l’ancien DG, Aly Coulibaly aurait été remplacé dans le but d’insuffler du sang frais pour permettre à la DGD de renouer avec la performance, héritée de Modibo Kane Kéïta en 2016. Car, force est de reconnaître qu’au moment où Aly Coulibaly se retirait, la DGD était confrontée à de sérieuses difficultés de mobilisation de recettes. C’est dire que leur attitude justifie amplement la contre-performance actuelle.
L’objectif de la bande, c’est donc de couper la tranquillité au nouveau patron. Selon nos sources, ils se sont donnés trois mois pour obtenir son départ. Dans leur viseur se trouve aussi Modibo Kane Kéïta, ancien Directeur Général des Douanes qu’ils accusent d’être le faiseur de roi à la DGD. D’ailleurs, pendant le week-end, un pamphlet, dont nous avons réussi à nous procurer d’une copie, a été proposé à certains confrères pour diffusion moyennant une importante quantité d’argent. Mais, nonobstant le montant alléchant qui l’accompagnait, certains confrères ont refusé de prêter leur service à cette entreprise de déstabilisation. L’argumentaire avancé par la bande à Madou Traoré pour justifier leur fronde contre la nouvelle Direction générale n’est pas convaincant. Ils l’accusent de s’en prendre aux cadres du parti au pouvoir au profit des militants de l’ASMA du Premier ministre, Soumeylou Boubeye Maïga. Or, chacun d’eux aurait investi de l’argent frais dans la campagne du président IBK comme s’ils sont les seuls à mobiliser le financement pour cette fin.
Il nous revient d’ailleurs que cet argumentaire distillé dans la presse aurait provoqué l’ire du président de la République. D’où l’urgence de changer de fusil d’épaule en s’en prenant à l’honorabilité de l’ancien DG, Modibo Kane Kéïta qu’on accuse d’être l’instigateur de cette nomination à leur détriment alors qu’il n’en est pour rien. C’est le ministre de l’Economie et des Finances qui nomme le DG des Douanes et non un retraité comme Alima Drabo, dont on tait volontiers les agissements.
Mais, décidés qu’ils sont à obtenir gain de cause, ils comptent mettre toute la chance de leur côté pour faire la peau à Mahamet Doucara et à l’ancien Directeur Général Modibo Kane Kéïta. Pour cela, d’importants stocks d’argent auraient été collectés et confié à Amadou Konaté pour gestion. C’est lui qui paie les prestataires de services selon certains confrères qui avaient été démarchés et qui ont décliné leur avance.
Les confrères estiment que c’est trop tôt pour juger de la compétence des nouveaux promus. Surtout que les choix ont été faits en fonction des profils. Par exemple, Amadou Konaté qui a été recruté sur la même décision que le DG, a été affecté à la Direction des Recettes parce qu’en tant qu’économiste de formation, son profil convient. S’il y a des nominations de faveur, Amadou Konaté a bien été servi. Parce que n’est pas directeur des recettes à la DGD, qui le voudrait ? Le cas Madou Traoré se distingue de celui-ci. Tout simplement, deux hippopotames ne peuvent vivre sur un même quai, dit l’adage. Madou Traoré a été candidat au poste de DG, à cet effet, il ne pouvait garder son poste. C’est comme si IBK confie sa Primature ou le poste de Chef d’état-major général de son armée à Soumaïla Cissé. Madou et son mentor le savent mieux que quiconque. Ils s’agitent pour rien. C’est dans cet esprit que les confrères donnent raison au DG Doucara. Selon eux, celui-ci n’est nullement obligé de maintenir en place l’équipe sortante. Le changement est donc obligatoire, ne pas l’accepter c’est aller contre le choix du président de la République qui a fait confiance à cet homme. Pour lui comme tout autre président de la République, la DGD comme tout autre service de recette ne peut être confiée au premier venu. Elle doit sortir du jeu politique pour être confiée à des vrais professionnels et non des valets politiques qui changent de partis comme ils changent de chemises au gré de la direction du vent. Comme c’est le cas de Zoumana Mory Coulibaly, qui est à son énième parti et qui a eu sa part de récompense quand même. Que vient-il chercher donc dans cette affaire encore ? Il est évident que ce n’est pas pour servir la République mais sa prébende ? Comme on le dit, le ridicule ne tue plus au Mali.
Mais, cette prise de conscience de la presse ne semble pas refroidir l’ardeur de cette bande qui prouve à suffisance que contrairement à leur prétendu soutien au président, ils étaient plutôt mus par leurs propres intérêts égoïstes. Et l’on comprend mieux maintenant pourquoi, Aly Coulibaly a éprouvé toutes les difficultés à mobiliser des recettes pour le Trésor public. Simplement parce que ses collaborateurs que sont Madou Traoré, Amadou Konaté et autres confondaient leurs poches à la Caisse de l’Etat. Mais, pour justifier des « détournements » de ressources publiques, ils ont mis en avant le financement de la campagne du président IBK, comme si l’action politique suffisait pour justifier leur délinquance financière. Encore qu’une telle revendication politique livrerait IBK à ses adversaires politiques qui le chargent déjà de mauvaise gestion des ressources publiques.
C’est dire que Madou Traoré et ses acolytes doivent savoir raison garder. Et pour cause, en leur qualité de co-animateurs de l’équipe sortante, ils doivent faire profil bas. Et pour cause, le gouvernement en accord le FMI a été obligé de procéder au correctif de l’objectif de recettes de la DGD avant qu’Aly Coulibaly ne passe la main à Doucara. Sinon, l’objectif de 640 milliards FCFA pour l’exercice 2018 n’aurait pu se réaliser qu’au 31 mars 2019. Ce qui allait fortement perturber l’exercice 2019. En tant que responsable moral, Aly Coulibaly est, certes blâmable pour manque de leadership, mais les vrais auteurs de ce crime économique sont ceux-là qui occupaient des postes stratégiques. Or, ils en font partie. Donc, un peu de modestie en parlant d’expérience du nouveau DG. Celui-ci a mérité de son poste, parce que c’est son profil qui s’est adapté au portrait-robot du futur remplaçant d’Aly Coulibaly, qui a lui-même participé à tout le travail en amont. Et, en son temps, il a été clairement dit à Madou Traoré que sa candidature va contre les textes. Et, il le sait lui-même, à en croire nos sources.
Parlant des critères de performance, l’exemple du Guichet Unique de dédouanements des véhicules est suffisamment illustratif. Selon nos sources, Abeta Ag Seydou, qui était à sa cinquième année révolue à la tête du Guichet Unique, aurait monté un Bureau de Commissionnaires en transit parallèle, notamment ABETA Transit. En tout cas dans le milieu des transitaires, on lui prête la propriété de cette société en violation des réglementations douanières. Dans le jargon des professionnels, c’est ce qu’on appelle « le conflit d’intérêt » qui est un délit proscrit par les textes du Statut général de la Fonction publique. Un moment, certains Commissionnaires s’étaient révoltés contre sa gestion et la concurrence déloyale à laquelle ils étaient exposés tous les jours, au point que certains Bureaux ont failli mettre la clé sous le paillasson. Mais, leur révolte n’a pas eu le retentissement nécessaire à le faire partir du Guichet unique. Puisque le tout puissant Chef de Bureau, qui le gérait comme son potentat, était adossé à plus fort qu’eux. Ce genre de comportement n’est possible que lorsqu’un fonctionnaire dure à un poste. Et c’est le cas d’Abeta Ag Seydou qui a fait cinq ans au même poste. Pour rappel, il a été nommé au poste de Chef de Bureau Guichet Unique en 2013 par l’ancien DG, Moumouni Dembélé, alors qu’il était Chef de Bureau principal de Kayes. C’était juste après l’élection du président IBK en 2013 pour son premier quinquennat. Cette fois-ci encore, il quitte le Guichet Unique pour l’Aéroport international Modibo Kéïta. Un poste, également très convoité. Tandis que certains de ces ex-collaborateurs ne le créditent pas d’un bon niveau en Réglementations douanières. Simplement, il est issu du processus d’intégration des ex-rebelles des années 90.
Tout comme Abeta Ag Seydou, l’ex-directeur régional de Koulikoro et ses collaborateurs du Bureau principal de Kati et de la Section de recherche de Koulikoro, ont été remplacés essentiellement pour deux raisons. La première s’expliquerait par le nombre d’années passées au même poste et la seconde est justifiée par la contre-performance de l’équipe. Or, le Bureau principal de Kati est très important dans la plateforme de mobilisation de recettes de la DGD. Idem pour Abdramane Diakité de la BMI. Il était lui aussi à sa cinquième année révolue à la tête de cette structure. Mais, le hic est que ce Monsieur est cité dans des trafics de stupéfiants et autres produits prohibés dans les régions septentrionales du pays. Selon nos sources, chaque fois qu’un convoi de trafiquants quitte le Sahara Occidental, son réseau est alerté sinon, le convoi risque de subir des attaques de la horde qui lui obéirait au doigt. D’après nos sources, le réseau, qui n’a pas d’existence officielle, serait présenté comme un réseau de renseignement. Mais, son activité sur le terrain serait toute autre.
Quand à Madou Traoré, il ne doit pas oublier qu’un moment, il était lui-même, sur la sellette. Certains opérateurs économiques l’accusaient de rétention non justifiée de leurs camions dans la cour de la Direction des enquêtes douanières. Ce qui constituait des manques à gagner à la fois pour la DGD, qui perd des recettes et les opérateurs, notamment les transporteurs qui perdaient aussi de l’argent du fait de l’immobilisation prolongée de leurs outils de travail. Cette attitude contre-productive ne viserait-elle pas à discréditer Aly Coulibaly, qui peinait déjà à mobiliser des recettes ? Tout porte donc à croire que c’était à dessein. Parce que depuis cette époque, Madou Traoré lorgnait son fauteuil. Pour rappel, le directeur des Enquêtes douanières, est ce qu’un Premier ministre ou un Chef d’état-major général des armées est pour un président de la République. Dans ces conditions, est-ce qu’un président de la République peut choisir son challenger comme Premier ministre ou Chef d’état-major de son armée ? A moins qu’il ne veuille pas de résultats. Or, Mahamet Doucara a été nommé pour sauver la DGD de la dérive vers laquelle, elle se dirigeait inexorablement à cause de ces prébendiers qui se cacheraient derrière le label IBK pour vider les caisses publiques à leur seul profit et non le RPM dont ils se réclament. En conclusion, l’on peut affirmer sans risque de se tromper que ces Messieurs ne veulent pas le bien d’IBK, mais ils veulent seulement profiter de son nom pour garnir leur fonds de poche.
Affaire à suivre
M.A. Diakité
Tjikan