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Bougouni: spéculation et rétention d’engrais

Les paysans victimes de commerçants et du Conseil de Cercle !
C’est une véritable épine dans le pied de IBK que ce qui se passe en ce moment dans le cercle de Bougouni, et peut-être ailleurs : en pleine période de semis et d’ensemencement des champs, les paysans, qui en ont tant besoin, sont confrontés à une pénurie sans précédent d’intrants agricoles, comme les engrais, pour soutenir la croissance des jeunes pousses des champs.

Un parcours du combattant pour obtenir l’engrais
Les témoignages convergent : les en¬grais et autres intrants, subventionnés par l’Etat, sont pourtant bien disponibles dans les magasins des dépôts d’engrais gérés par le Conseil de Cercle, et bien évidemment auprès des grossistes et détaillants des différentes localités d’approvisionnement. Seulement voilà, depuis les semis jusqu’à cette semaine du 20 juillet, obtenir de l’engrais relève du parcours du combattant, alors que les cultures ont déjà germé et que les jeunes pousses affleurent partout dans les champs. Et pour cause, dans une certaine complicité que dénoncent avec véhémence les paysans du Banimo¬notié, le Conseil de Cercle délivre au compte-gouttes aux paysans les autori¬sations d’achat des quelques sacs dont ils ont urgemment besoin, tandis qu’il est permis aux commerçants des différentes localités d’enlever des centaines, voire des milliers de tonnes de cet engrais subventionné par l’Etat et donc exclusi¬vement destinés aux paysans. Ces com¬merçants revendent ensuite le même en¬grais sur le marché à près de 25 à 50% de plus que le prix d’acquisition auprès des dépôts du Conseil de Cercle.
Pourtant, tout avait été mis en oeuvre par l’Etat pour faciliter désormais l’approvi¬sionnement des paysans en intrants agri¬coles, les différentes formes d’engrais et les herbicides.
La procédure a consisté dans premier temps par le recensement préalable des paysans. Ainsi, dans leurs communes respectives, chaque paysan recensé était tenu de déclarer les superficies, en cultures vivrières (mil, maïs, riz, etc.) et en coton, qu’il escompte cultiver, per-mettant ainsi de déterminer la quantité théorique d’engrais dont il pourrait avoir besoin.En retour lui était alors remis, par les agents recenseurs, un document lui permettant, dans un second temps, de se rendre au siège du Conseil de Cercle, donc à Bougouni ville, pour se voir re¬mettre un second document, cette fois intitulé ‘’Caution’’. C’est avec ce précieux sésame que le paysan pouvait acheter le volume d’engrais dont il avait besoin pour ses cultures. Ainsi, munis de la ‘’caution’’ du Conseil de Cercle, les agriculteurs s’approvisionnaient auprès de maga¬sins et dépôts d’engrais, appartenant au Conseil du Cercle et dirigés par des gé¬rants, désignés par le Conseil. Dans ces magasins, le paysan est censé obtenir l’engrais à raison de 11.000 FCFA le sac.
Une Rétention artificielle
Mais le hic dans l’histoire est que bien que disposant du document de recen¬sement comportant tous les renseigne¬ments demandés, relatifs à la nature et à la superficie des cultures, le Conseil de cercle de Bougouni procède à la réten¬tion de sa fameuse ‘’caution’’. Ainsi, le Conseil de cercle, selon tous les témoi¬gnages recueillis, n’accorde de caution qu’en moyenne à… cinq ( !) paysans par jour et par commune, si d’aventure une commune avait la chance d’être retenue par les agents du Conseil commis à cet effet. Rapporter ce nombre de cautions aux 26 communes du cercle de Bougou¬ni, c’est à peine 130 cautions, et encore, que le Conseil de cercle est censé accor¬der pour une population de paysans qui atteint voire dépasse le million d’âmes. Car, selon toujours les mêmes témoi¬gnages, il peut se passer une semaine à 10 jours sans qu’aucun paysan d’une commune n’ait ‘’la chance’’ d’obtenir le désormais fumeux document.
On aurait pu mettre tout ce retard sur le compte de la balourdise propre aux nouvelles administrations, disposant depuis peu d’énormes pouvoirs, si dans le même temps, il n’était avéré que les commerçants du Cercle de Bougouni, tout au moins ceux opérant dans la dis-tribution d’intrants, ne disposent, eux, d’importantes quantités d’engrais pour¬tant obtenus auprès des dépôts et sur la base de cautions obtenues du Conseil de cercle. Selon les témoignages, ces commerçants, opérant dans la filière, dis¬posent de ‘’caution’’, après avoir déclaré disposer de superficies faramineuses, entre 100, 200 voire plusieurs milliers d’hectares quand, en moyenne, un pay¬san dépasse rarement 10 hectares. Il n’y a pas match, comme on dit !
Le Conseil de cercle complice de la spéculation
Le fait est que ces engrais, désormais aux mains des commerçants, est écoulé revendu plutôt, sur les marchés locaux, à raison de 15.000 à 16.000 FCFA le sac (pourtant acquis à 11.000 FCFA dans les dépôts paysans du Conseil de Cercle), soit une différence de 4.500 à 5.000 FCFA. Aujourd’hui, assurent dépités les paysans du Banimonotié, il vaut mieux s’approvisionner auprès de ces commer¬çants spéculateurs que de chercher à obtenir la caution du Conseil de cercle, au risque d’accuser un retard considé¬rable dans l’ensemencement de son champ pouvant même compromettre la production annuelle. Les conséquences sont multiples, dont la diminution de la quantité d’engrais qu’un paysan pouvait espérer pour couvrir ses besoins, car les montants n’étant plus les mêmes à l’acquisition, la quantité est vite ramenée aux moyens financiers.
En réalité, ces retards accusés dans la délivrance de la caution ne sont qu’un artifice orchestré par le Conseil de cercle pour opérer une rétention des engrais au bénéfice des commerçants locaux de la filière. Une complicité entre agents du Conseil de Cercle de Bougouni et opé¬rateurs locaux de la filière dans la spé¬culation dont sont aujourd’hui victimes des centaines de milliers de paysans. Du Banimontié certes, mais peut-être aussi du Mali, les mauvaises habitudes, dont les populations sont victimes, faisant des métastases au Mali !

Yaya TRAORE

Info-matin

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