Les travaux de reconstruction du tronçon Kati-Didiéni ont débuté le lundi 2 septembre 2019 (et non le 20 septembre comme prévu suite à la médiation du Général Moussa Diawara, Directeur général de la SE). Ces travaux sont exécutés par l’entreprise SOGEA-SATOM et vont durer six mois. Le coût de réhabilitation de cet axe Kati-Didiéni s’élève à 78 milliards de F Cfa.
Pour les populations qui avaient exigé ces travaux de réhabilitation, c’est un début de réponse pour les manifestations contre la dégradation de la route Bamako-Kayes. Mais, pour le gouvernement, c’est visiblement le début d’un calvaire car les mouvements de protestation se multiplient depuis dans le pays où on commence à comprendre que l’exécutif ne s’exécute que sous la pression de la rue.
L’adage dit, «qu’il faut couper la queue du margouillat pour qu’il retrouve l’entrée de son trou (abri)» ! La réaction du gouvernement après le blocage des routes nationales (1 et 3) par les jeunes de Kati, Kolokani, Didiéni, Diéma, Kayes et Kéniéba traduit avec une triste éloquence cette sagesse. Après la médiation réussie du Directeur général de la Sécurité d’Etat, Général Moussa Diawara, le mardi 27 août 2019 (à la veille de la tournée du Premier ministre Boubou Cissé), les travaux du tronçon Kati-Didiéni ont commencé le 2 septembre (et non le 20 septembre 2019) et ils vont durer moins que prévu. Notons qu’ils étaient supposés avoir été lancés en octobre 2018.
Il est prévu «six mois pour la réhabilitation de la route Kati-Didiéni et moins de deux ans pour toutes les autres», a assuré le Premier ministre Boubou Cissé lors de sa récente tournée dans la région de Kayes. Et le train voyageur devrait commencer à siffler de nouveau dans les prochains jours, a aussi promis le chef du gouvernement. Une annonce accueillie comme un soulagement pour les populations de Kayes à Kati car leurs activités économiques étaient fortement liées au trafic ferroviaire.
Et au cours de sa tournée, le Premier ministre a présidé à Kayes la signature du Protocole d’accord relatif à la réhabilitation de la route Didiéni-Kayes-Diboli entre le gouvernement du Mali et la China Road and Bridge Corporation (CRBC). Ainsi la société chinoise va bientôt réaliser les études techniques et financières pour la réalisation de ladite route incontournable dans le désenclavement et l’approvisionnement du Mali à partir du port de Dakar.
Secouer le cocotier pour faire tomber les fruits
Nous sommes convaincus que l’acte posé par les jeunes de Kayes et Kati risque d’être un tournant historique pour le changement fondamental dans l’attitude des populations face aux gouvernants. «On ne peut pas chasser le brouillard avec un éventail», dit un proverbe japonais. L’acte posé par le «Collectif Sirako» et la réaction du gouvernement n’envoie désormais qu’un seul message aux Maliens : il faut secouer le cocotier pour que ses fruits tombent. Autrement dit, pour se faire entendre et avoir gain de cause dans le Mali d’aujourd’hui il faut montrer les muscles. Comme l’ont fait les syndicats de la magistrature, de la santé et de l’éducation avant le «Collectif Sirako».
Faut-il laisser la situation pourrir à ce niveau avant de prendre conscience de la nécessité d’agir ? Pour gouverner, jouer aux sapeurs-pompiers est l’une des pires attitudes pour un régime. Ce n’est pas un crime en démocratie qu’un gouvernement plie face à la pression populaire. Mais, dans un pays où tout est urgence et prioritaire, l’abdication du gouvernement est un précédent dangereux.
La preuve est que partout aujourd’hui au Mali (Tombouctou, Gao, Bougouni, Kadiolo…), les populations sont sur le pied de guerre pour exiger l’entretien ou la réhabilitation de leurs routes. Le gouvernement aurait pourtant pu tirer les leçons des différentes grèves syndicales de ces dernières années : Quand il concède un avantage à un syndicat, un autre dépose un préavis de grève pour obtenir la même chose !
Instaurer la confiance avec une vision claire et une planification objective
Toutes les routes sont importantes, mais certaines sont encore plus prioritaires que d’autres compte tenu des enjeux sociaux et économiques liés à leur Etat. Une route nationale n’est pas ainsi à la même enseigne qu’une piste rurale où une voie de contournement.
Comment faire face à la grogne actuelle pour revendiquer de «meilleures routes» ? Le gouvernement doit avant tout travailler à instaurer la confiance entre l’exécutif et les populations. Une confiance sans laquelle, on ne saura jamais quelles sont les limites de ses moyens d’intervention (investissement). Et cela est subordonné au langage de la vérité.
Les Maliens ne sont plus dupes pour s’accrocher au mensonge et à la démagogie qui ne leur a jusqu’ici apporté que désillusion et déception. Comment convaincre un peuple qu’on n’a pas les moyens de financer des routes alors que «des dizaines voire des centaines de millions sont gaspillés dans des futilités ou pour amadouer les Princes de Kidal voire des activistes sans conviction» ? Il faut donc rationnaliser les dépenses de l’Etat. Il faut avoir aujourd’hui une vision générale des travaux d’infrastructures et planifier objectivement leur exécution en fonction des moyens d’investissement et non par rapport à une communication mensongère.
Après le succès du blocus du 23 août 2019, le gouvernement a ouvert une brèche qui peut lui être fatale s’il ne parvient pas à la colmater avec tact, et en toute transparence ! Et surtout que de tels mouvements de colère peuvent facilement faire l’objet de récupération politique, donc se radicaliser !
Moussa Bolly
Source : Le Matin