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Blocage de l’Accord: des sanctions ou de la bouffonnerie ?

A l’issue d’un vote express de 2 minutes, apprend-on, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté, à l’unanimité, jeudi 29 août, la Résolution 2484 renouvelant pour un an le régime de sanctions frappant certains individus, ainsi que la mission de surveillance du Panel d’experts chargé de recenser les violations de l’accord de paix de 2015. Mais, pour quel intérêt ?


Les premières sanctions de l’ONU, prises en décembre 2018, concernent trois personnes qui sont interdites de voyage. Il s’agit de Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, secrétaire général de la Coalition du peuple pour l’Azawad (CPA). Il est accusé par l’ONU d’avoir établi depuis 2016 des bases militaires et des points de contrôle dans la région de Tombouctou. Son groupe est impliqué dans des attaques meurtrières contre des forces maliennes, revendiquées par un groupe terroriste, le Groupe pour la défense des musulmans (JNIM).
Il y a aussi Ahmoudou Ag Asriw, un cadre du Groupe d’autodéfense touareg imghad et alliés (GATIA). Il est accusé d’être impliqué dans des convois de drogue dans le nord du Mali depuis 2016 et d’avoir commis des violations du cessez-le-feu en 2017 et 2018 à Kidal. Il a mené en avril 2018 un convoi de quatre tonnes de résine de cannabis du nord du Mali vers le Niger, selon l’ONU.
Il y a enfin Mahamadou Ag Rhissa, un homme d’affaires appartenant au Haut conseil pour l’unicité de l’Azawad (Hcua). Suspecté de participation à des activités terroristes, il est aussi accusé d’être impliqué dans un trafic de pétrole entre l’Algérie et Kidal et dans un trafic de migrants. Il s’est rendu coupable de travail forcé, de punitions corporelles, d’emprisonnement et d’exploitation sexuelle, selon l’ONU
Un diplomate explique : « les sanctions visent des responsables intermédiaires à l’origine de blocages dans la mise en œuvre de l’accord de paix, notamment parce qu’ils ont
des liens avec des groupes terroristes ou ont des activités de trafic de drogue ». Il ajoute que les premières sanctions sont limitées à des interdictions de voyager, mais pourraient être suivies de gels d’avoirs assurant que les individus concernés se déplacent «beaucoup» entre différents pays du Sahel.
Les membres du Comité ont décidé d’inscrire cinq personnes sur la Liste relative aux sanctions imposées par la résolution 2374 (2017). En effet, le 10 juillet 2019, le Conseil de sécurité de l’ONU a voté les sanctions proposées contre 5 autres personnes, tous des membres importants de groupes armés du Nord. Il s’agit du député Mohamed Ould Mataly, accusé par l’ONU d’être notamment l’instigateur des manifestations qui ont empêché la tenue des concertations régionales sur le découpage territorial en 2018 à Gao, et des manifestations organisées dans la même ville contre l’installation des autorités intérimaires de la région de Gao, prévue par l’Accord pour la paix. Plus grave encore, Ould Mataly est accusé par l’ONU d’être à l’origine de la libération dans les prisons maliennes de plusieurs personnes accusées de terrorisme.
Au député s’ajoutent Mahri Sidi Amar Ben Daha – alias Yoro Ould Daha –, Mohamed Ben Ahmed Mahri – alias Rougi –,Houka Houka Ag Alhousseini et Ahmed Ag Albachar.
Ces personnes sont accusées d’entrave à l’application de l’accord de paix, de trafic d’armes et de drogue, de supporter les groupes terroristes et d’avoir détourné de l’aide humanitaire destinée aux populations. Ils sont désormais interdits de voyage à l’extérieur du Mali et les organisations ont l’interdiction de leur apporter du soutien.
Les membres du Comité se sont dits disposés à envisager de radier ces personnes de la liste si les mesures prioritaires énumérées au paragraphe 4 de la résolution [2480] (2019) étaient pleinement appliquées et si les personnes désignées cessaient toute activité illicite, notamment celles mentionnées dans l’exposé des motifs. À ce sujet, ils ont également exprimé leur intention d’examiner chaque année l’efficacité de ces mesures dans le cadre des travaux ordinaires du Comité, en s’appuyant sur les rapports du Groupe d’experts.
Le régime de sanctions de l’ONU pour le Mali a été instauré en 2017. Il porte sur l’interdiction de voyager, le gel des avoirs. L’adoption de la résolution sur le régime des sanctions a été suivie de la création, à l’ONU, d’un comité de sanctions pour identifier les individus ou entités contrevenant à ses dispositions et d’un panel d’experts devant s’assurer du respect des sanctions
La désignation d’individus ou d’entités sera liée à des violations du cessez-le-feu, à des obstructions à la mise en œuvre de l’accord de paix, à des attaques contre les forces armées maliennes ou les Casques bleus, à des violations des droits de l’Homme ou des obstacles à l’acheminement d’aide humanitaire.
« Les intérêts des groupes armés dans le crime organisé, expliquent les experts, fournissent une motivation supplémentaire pour perturber ou ralentir la mise en œuvre de l’Accord d’Alger ».
Nonobstant la mise en place d’un régime des sanctions, les nombreuses violations du cessez-le-feu ayant accompagné la mise en place de l’accord de paix signé en 2015 sont constatées. Nul ne peut non plus gager un arrêt des activités criminelles reprochées à ceux qui sont sous le coup du régime des sanctions. Autant dire, en tout cas jusque-là, que ce régime des sanctions n’a ni valeur pédagogique ni valeur dissuasive.
Et l’on est bien parti pour s’installer plus que jamais dans les pratiques qui ont fait la fortune et la réputation de nombre d’individus. Un durcissement des mesures après une évaluation du régime pourrait aboutir à des meilleurs résultats. À moins que l’on ne souhaite pas particulièrement incommoder ces violateurs indécrassables de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger.

PAR BERTIN DAKOUO

SourceInfo Matin

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