Notre blogueur Amadou Konaré a foulé pour la première fois le sol de Gao, la « cité des Askia », dans le nord du Mali. Dans ce billet retour, il partage avec nos lecteurs son vécu sur le travail de terrain de la mission onusienne (MINUSMA), très critiquée au sein d’une partie de la population malienne.
Mardi 10 mars 2020. Je foule pour la première fois le sol d’une ville du Nord : Gao, communément appelée la « cité des Askia ». J’étais enchanté de découvrir une ville du septentrion malien. Dans cette ville, je me suis particulièrement intéressé au travail de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA).
Au Mali, ces derniers mois ont été marqués par des manifestations contre la présence des forces étrangères. A Bamako et dans certaines capitales régionales, des appels à quitter le territoire malien ont été lancés par des manifestants en colère à destination de la force onusienne (Minusma). C’est que le rôle de la Minusma n’est pas souvent très compris au sein des populations. J’ai effectué une visite de terrain en compagnie de deux autres confrères de la presse écrite.
« La mission la plus meurtrière »
Depuis le début de son mandat au Mali en avril 2013, la Minusma a perdu plus de 200 hommes. Ce triste bilan fait d’elle la mission onusienne « la plus dangereuse au monde »(« The world’s most dangerous U.N mission »), comme l’avait qualifiée en 2017 le Washington Post, quotidien de la capitale américaine (Washington D.C). Avec un effectif de plus de 14.800 personnes en 2019, la mission coûte des milliards de francs CFA à l’ONU. Malgré ces moyens déployés, la Minusma n’a pas bonne presse dans certaines localités du pays.
Au « super camp » de la mission à Gao, nous avons été reçus par le chef du bureau de Gao, Oumar Bah. Les échanges ont essentiellement porté sur le travail que fait la mission auprès de la population dans la « cité des Askia ». « Les relations entre la Minusma et les populations sont bonnes. », confie d’emblée M. Bah. Mais la situation sécuritaire demeure une source d’inquiétude. Pour y faire face, la mission a « creusé des tranchées autour de la ville, érigé des check-points pour filtrer les entrées et les sorties ». En outre, les patrouilles sont quotidiennement effectuées. Depuis 2019, « la ville de Gao n’a pas connu d’attaque terroriste », fait-il remarquer.
Chaque contingent a un rôle
Plusieurs nationalités y sont représentées. Si les Égyptiens et les Sri-Lankais s’occupent de la protection de la logistique et l’escorte de la nourriture, le contingent chinois assure la sécurité du camp et les travaux de génie civil.
Pour faciliter le transport des biens et des personnes et participer au désenclavement des régions du Nord, la mission a construit une piste d’atterrissage à Gao. Elle est la plus grande piste au Nord et peut accueillir des avions venus directement d’Europe. Un passager, avec qui nous avons effectué le voyage, nous confie que cette piste est vitale. « Elle permet à beaucoup d’éviter la très dangereuse voie terrestre », dit-il.
Des services sociaux de base pour les populations
Pendant mon séjour, j’ai eu la chance de participer à l’inauguration d’une station de purification d’eau, le lancement du projet d’appui au relèvement économique des femmes de la coordination des associations des femmes de la Case de la paix ainsi que l’installation de 250 lampadaires. Ces projets, financés par la mission, ont coûté 629 806 300 francs CFA.
Le bassin, demandé par la mairie de Gao et financé par la Minusma, permettra de décanter les eaux usées de la ville. Les populations pourront désormais accroitre les activités de maraîchage. Très soulagée par cette infrastructure, une habitante de la ville confie : « La nouvelle station va énormément servir les femmes. Elles vont pouvoir gagner leur vie avec les bénéfices tirés des travaux maraîchers. Les lavandières ont aussi un espace pour leurs activités ».
Pour renforcer la cohésion, la mission aide les médias locaux à travers des appuis techniques. La radio Naata de Gao fait partie des bénéficiaires. Ousmane Abdoulaye Touré, directeur de la radio, juge cet appui très crucial pour des médias, qui ont été saccagés lors de l’occupation djihadiste. « Ma radio se bat tous les jours pour renforcer la cohésion entre toutes les couches de la population, explique M. Touré. La Minusma ayant remarqué cela nous a énormément aidés pour nous permettre de faire face aux défis quotidiens ».
Durant mon séjour, j’ai participé à l’une des patrouilles nocturnes de la mission. Sur le terrain, j’ai constaté l’ampleur de la menace terroriste qui pèse sur les casques bleus. Pourtant, les casques bleus sont accusés de ne pas faire assez face à la dégradation de l’environnement sécuritaire. Des critiques qu’a dit comprendre le chef de la Minusma, Mahamat Saleh Annadif, lors de sa visite dans les locaux de Benbere : « Je donne raison à cette population qui se pose des questions par rapport au rôle de la mission. Les populations sont noyées et veulent juste que le calvaire qu’elles vivent s’arrête. Malheureusement, ce calvaire a plusieurs sources, notamment les conflits intercommunautaires, les coupeurs de routes, les terroristes qui attisent les crises intercommunautaires. Notre mission principale reste la protection des civils. », avait expliqué M. Annadif.
Source : Benbere