Le secteur du coton est aux abois au Mali, malgré toute la campagne médiatique pour cacher l’hémorragie. Après quatre années de succès, la production cotonnière est en passe de s’effondrer. L’une des missions essentielles du nouveau ministre de l’Agriculture, Mahmoud Ould Mohamed, portera donc sur la relance de la production cotonnière.
La Cmdt est détenue à 99,49% par l’Etat malien et à 0,51% par le groupe français Geocoton de l’homme d’affaires franco-libanais Abbas Jaber. La structure est à la recherche d’un nouveau souffle. Dirigée depuis 2016 par Pr. Baba Berthé, cette société publique pilote la quasi-totalité de la filière. A ce titre, elle joue un rôle clé dans le développement d’autres cultures, notamment les céréales sèches. Les défis de la Cmdt sont énormes. Ils sont liés à la chute de la production. Ce qui fait que l’espoir ne porte que sur la prochaine campagne qui débutera en mai-juin 2021. Car, en cette campagne en cours, après une décennie de croissance presque continue, l’or blanc va perdre de sa superbe au Mali. Et pour cause, la production chutera lors de la récolte en cours. La baisse de cette production sera de 30% selon le dernier rapport daté du 11 septembre du département de l’agriculture des Etats-Unis (Usda).
Le mea-culpa du PDG
La baisse annoncée des productions reflète les mauvaises nouvelles sur le terrain. La semaine dernière, aux termes d’une mission du nouveau ministre de l’Agriculture dans la filiale nord-est (capitale de l’or blanc), le président-directeur général de la Cmdt, Pr Baba Berthé, a avoué que sur un objectif prévisionnel de 225 000 hectares de terres cultivables, seuls 24 000 ont pu être aménagés pour une production attendue de moins de 20000 tonnes.
Dans ce registre, les paysans défendent la même thèse. Joint au téléphone, Moussa Samaké, cultivateur de coton dans la zone Ohvn de Ouélessébougou, dans la filiale centre de Fana, se lamente sur son sort. Selon lui, les prévisions de production annoncées ne sont pas atteintes. Il a révélé que pour la campagne 2019-2020, le secteur cotonnier de Ouélessébougou ne dépassera pas 600 à 650 tonnes, sur une prévision minimale de 800 tonnes. M. Samaké estime que toutes ces contreperformances sont liées au retard accusé dans le démarrage de la campagne. Selon lui, ce facteur a considérablement impacté sur les superficies cultivables. A cela, s’ajoute la mentalité des paysans, a-t-il lancé. Il a ensuite expliqué que tout ce qui a été dit autour de la gestion des prix du coton et de la subvention des intrants agricoles a contribué à l’installation de la méfiance entre les producteurs et la Cmdt. A le croire, seule la Cmdt est la principale responsable de cette situation. M. Samaké a fait savoir que c’est la Cmdt qui a entretenu le doute et le flou dans les cœurs des paysans en essayant de sauver sa propre tête au nom de la Covid. Toutefois, le natif de Ouélessébougou a retenu que la Cmdt n’est pas la seule coupable, mais que la faute incombe aussi au ministère de l’Agriculture et aux responsables de l’union des coopératives de coton. S’en prenant à Ces derniers, il a déclaré que les responsables de l’union, en cherchant à sauvegarder leurs postes, ont voulu livrer les paysans à la Cmdt, en les appelant, sur un ton de menace, à cultiver le coton. En un mot, ils ont voulu trahir les paysans, a-t-il laissé entendre. Selon lui, tout le problème de la filière coton est lié à l’élection des membres du bureau de l’union des confédérations des sociétés coopératives de coton. Car, dit-il, ceux qui assurent aujourd’hui l’intérim au sein de l’union ont tout fait pour perturber les élections à la base. M. Samaké a terminé ses propos en ces termes : « En vérité, ils font tout pour montrer à la Cmdt qu’ils sont légitimes et qu’ils peuvent canaliser la base qui ne se reconnait plus en eux. Ils sont en train de s’accrocher au sommet, alors qu’ils sont déjà battus à la base. Si ce problème n’est pas résolu, même l’année prochaine, le secteur coton sera confronté à des turbulences. L’instance dirigeante et la base ne parlent pas le même langage ».
De son côté, Solomane Koné de Dankanibougou, dans la commune de Finkolo, dans la filiale sud, s’attaque à la nouvelle semence conseillée par la Cmdt. Cultivateur de 5 hectares de coton, il affirme avoir voulu cultiver cette année l’or blanc à cause des intrants. Pour la simple raison que les champs de coton, lors de la présente campagne, seront transformés en terres cultivables pour d’autres céréales. Cependant, il a confessé avoir été désagréablement surpris de voir que la semence « berlitie » conseillée par la Cmdt n’était pas bonne. « Pour combler le retard, les agents de la Cmdt nous ont donné cette semence. Malheureusement, les tiges de cette semence de coton ne donnent que des feuilles », a-t-il déploré. De ce fait, S. Koné a noté que sur une prévision de 1,4 t à l’hectare, il mise sur moins de 800 kg/hectare.
Tirant les leçons de cette campagne, il va falloir pour le nouveau patron de l’Agriculture d’œuvrer pour instaurer un climat de confiance entre les producteurs de coton et la Cmdt et veiller à la bonne gouvernance des ressources de la holding.
Jean Goïta
Source : Lettre du Peuple