Depuis quelque temps, l’Afrique appelle à une collaboration plus intense au sein les gouvernements, la société civile et les entités régionales pour établir un mécanisme de réparations destinées au continent africain et à sa diaspora. Cela découle de la reconnaissance des conséquences durables du colonialisme, de l’esclavage, de l’apartheid et du génocide qui s’étend du colonialisme occidentale en Afrique.
Cet enjeu, aujourd’hui central dans les discussions mondiales, marque un progrès notable pour la communauté africaine et illustre une intention manifeste de rectifier les injustices historiques subies par l’Afrique. De son côté, l’Union africaine (UA) souligne l’importance de ce sujet qui constituera le thème central de l’année 2025 : « Justice pour les Africains et les personnes d’origine africaine à travers les réparations ». La proposition formulée par le Ghana et l’Algérie a fourni une scène internationale pour traiter de l’esclavage transatlantique et de la colonisation, deux réalités à l’origine d’un grand nombre de souffrances.
L’émission «Point Actu» de la télévision sénégalaise, qui vise à discuter des réparations que l’Europe doit à l’Afrique, a rassemblé des experts autour du sujet, qui est au centre des discussions internationales et nationales. Des figures révélatives du Sénégal ont pris part aux débats : à l’image de Mamadi Amara Fofana, expert en suivi-évaluation de projet et Josué Diop, consultant en marketing et communication. Et Kassoum Diabaté, un étudiant malien invité en tant qu’espoir pour la jeunesse, qui revendique ses droits à des réparations.
D’après Mamadi Amara Fofana, il est impératif que la reconnaissance des douleurs et injustices infligées par la France et autres puissances coloniales en Afrique soit adoptée de manière officielle plutôt que simplement verbale : « La France et les autres puissances coloniales doivent reconnaitre leur torts, les torts qu’ils ont causés sur le plan financier, sur le plan humain, sur le plan culturelle. Il faut que ça soit officiellement reconnue, de manière institutionnelle et que le néocolonialisme s’arrête ».
L’expert sénégalais a noté que la question des réparations a été le thème centrale d’une conférence panafricaine qui s’est déroulée en mois de mars dernier à Dakar. Lors d’une rencontre tenue, l‘organisation Urgences Panafricanistes a conduit un échange relatif aux réparations destinées aux nations africaines. Un grand nombre de militants panafricanistes, tous soutiens du continent, se sont réunis dans une salle pour dénoncer les destructions infligées par les nations européennes durant plusieurs siècles de colonisation ainsi que pour revendiquer 50 000 milliards d’euros de réparations: « Le regroupement qui était fait à Dakar en mois de mars a mis tout à sa place, mais on doit d’abord faire sorte que la France reconnait qu’elle a fait tort au Africains », a rappelé l’expert.
Quant à lui, Josué Diop considère que le paiement de cette somme constitue un premier acte en faveur de la réparation des préjudices infligés à l’Afrique. D’après le spécialiste en marketing, le montant de 50 000 milliards d’euros symbolise les dégâts économiques, sociaux et environnementaux engendrés par des siècles d’exploitation : « 50 milliards d’euro, ça ne peut pas effacer le passé mais je pense que ça va servir ».
Cependant, Josué Diop a également souligné l’importance d’agir sur la question des réparations : « Si vous êtes africain, descendant d’esclave, vous avez totalement le droit de réclamer des réparations pour tous les préjudices, que vous avez subi et que vos ancêtres ont subi ».
De son côté, le jeune Malien Kassoum Diabaté a mis en exergue l’espoir que la jeunesse africaine nourrit de s’unir et d’agir ensemble pour mener cette lutte : « J’invite la jeunesse africaine à s’unir. Il faut qu’on soit unis pour pouvoir mener cette lutte jusqu’au point souhaité ».
Il est à noter que ce mouvement de fond va au-delà des simples demandes financières. Il symbolise un désir de reconsidérer le rôle de l’Afrique dans la hiérarchie mondiale et de rompre une fois pour toutes avec l’héritage du colonialisme.
Avec son histoire marquée par la douleur, le Mali semble résolument décidé à jouer un rôle de leader dans cette renaissance politique. Si elle est orchestrée de manière coordonnée entre les gouvernements et les intervenants de la société civile, l’action collective pourrait s’avérer fructueuse. Il ne s’agit plus de ressentir des regrets, mais de passer à l’action.
Drissa Traoré