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Au Mali, l’interminable bras de fer autour de l’organisation des élections

Soupçonnée par une partie de la classe politique de servir à prolonger la transition, la mise en place d’un organe unique d’organisation des élections est déjà critiquée.

 

Alors que s’esquisse un report des élections générales initialement prévues en février 2022, le gouvernement malien de transition a fait de la création d’un organe unique de gestion des scrutins l’une de ses priorités. Cet organe indépendant est censé asseoir pour de bon la légitimité du vote à venir et éviter les contestations, alors que le Mali enchaîne les crises politiques.

C’est au Centre international des conférences de Bamako (CICB), où quelque 750 Maliens issus des partis politiques, de la société civile, des organisations patronales et syndicales ou encore des autorités coutumières et religieuses se sont réunis du 24 au 26 septembre, que cette instance a commencé à se dessiner.

Pour commencer, elle a désormais un nom : Autorité indépendante de gestion des élections (Aige). « Cet organe unique est une demande de longue date des partis politiques, qui n’ont eu de cesse de dénoncer les insuffisances des instances en charge d’organiser les scrutins, qu’il s’agisse de la Ceni [Commission électorale nationale indépendante] ou du ministère de l’Administration territoriale », rappelle le juriste et journaliste Yacouba Dramé.

Éviter les fraudes

L’Aige doit hériter de plusieurs prérogatives jusqu’ici disséminées entre la Cour constitutionnelle, la Ceni, la Direction générale des élections (DGE) et le ministère de l’Administration territoriale et des Collectivités locales. Elle sera notamment chargée de l’organisation matérielle des scrutins, jusqu’ici dévolue au ministère de l’Administration territoriale, ce qui alimentait des soupçons de fraudes. « Dans la région de Mopti, au centre du pays, de nombreuses localités n’ont pas pu voter lors des dernières législatives du fait de la situation sécuritaire. Or on a vu émerger des résultats, souvent en faveur de la majorité, depuis ces mêmes zones, où il n’y a pourtant pas eu de vote », se souvient Yacouba Dramé.

« Il a aussi été décidé que l’Aige gèrerait les candidatures et la proclamation des résultats. Mais les contentieux seront toujours tranchés par la Cour constitutionnelle », résume Ikassa Kampo, désigné coordinateur des experts nationaux.

« Les dés sont pipés »

Il a aussi été décidé que l’Aige comprendrait neuf membres, désignés pour un mandat de sept ans non renouvelable. Pour les choisir, « il y aura un appel à candidatures national puis le dossier des postulants sera étudié par un collège d’experts désignés par le gouvernement », explique Kaou Abdramane Diallo, rapporteur général des travaux de concertation.

Si la recommandation d’établir des « personnalités intègres et consensuelles » a été accueillie sous les vivats du CICB lors de la cérémonie de clôture du 26 septembre, la formule ne convainc pas une partie de la classe politique. « Ne faisons pas semblant de lancer un appel à candidatures alors que les dés sont pipés, attaque Yaya Sangaré, ancien ministre et porte-parole de l’Adema. Nous l’avons toujours dit, l’organe unique et les assises répondent à un agenda visant à prolonger la transition et à faire basculer la majorité au Mali. Le Premier ministre est issu d’un parti politique qui n’a pratiquement aucune existence sur le circuit politique malien. Il cherche à créer un instrument qui lui permettrait d’inverser les forces politiques au Mali à son avantage. »

Si l’objectif était de mettre sur pied un organe consensuel, tout porte à croire que ce but ne sera pas atteint. De nombreux partis ont en effet boycotté les concertations nationales. Ils accusent notamment les autorités de se cacher derrière la création de l’organe pour gagner du temps et se maintenir au pouvoir au-delà de février 2022.

Alors que les simulations des équipes de Moctar Ouane, renversé en mai 2021, se donnaient douze à seize mois pour installer l’organe unique, le nouveau Premier ministre, Choguel Maïga, ne donne plus de chronogramme précis. Il assume désormais l’idée de repousser les élections.

Source : Jeune Afrique

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