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Au Mali, crispations autour de la formation du Conseil national de transition

Selon les décrets publiés par la junte, seuls onze sièges sur 121 reviennent aux formations politiques, contre 22 pour les forces de défense et de sécurité.

 

Trois mois après un putsch salué par une large frange de la population malienne, l’état de grâce est-il terminé pour ses principaux meneurs ? L’espoir d’un nouveau départ insufflé par les militaires du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) quand ils ont renversé l’ex-président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) est vite retombé face aux réalités d’une société exaspérée par des années de gouvernance erratique.

« Les gens déchantent », souligne Housseini Amion Guindo, président de la formation naissante Espérance nouvelle et du parti Convergence pour le développement du Mali (Codem). Preuve de ce mécontentement qui recommence à poindre, les différents syndicats de fonctionnaires appellent leurs adhérents à faire grève. Si le CNSP s’était félicité, début septembre, d’avoir mis un terme à la crise scolaire qui persistait depuis décembre 2019, ce sont désormais les agents de santé, les administrateurs territoriaux ou encore les professeurs du supérieur qui réclament des droits que les gouvernements passés leur avaient concédés sans jamais tenir leurs promesses.

Chacun espérait sa part du gâteau

A ce début de crise sociale s’ajoutent de sérieuses crispations politiques. Après la désignation d’un président, d’un premier ministre et d’un gouvernement de transition entre fin septembre et début octobre, c’est la formation du Conseil national de la transition (CNT, l’organe législatif) qui a réveillé les tensions. Chacun espérait sa part du gâteau, à commencer par le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), fer de lance de la contestation sociale qui a précédé la chute d’IBK. Celui-ci réclamait un quart des 121 sièges prévus. Finalement, selon les décrets publiés le 10 novembre, seuls huit sièges lui sont accordés. Onze reviennent aux représentants des partis et regroupements politiques, 22 aux forces de défense et de sécurité et le reste à différentes composantes de la société civile.

« Ils veulent enterrer la démocratie malienne. Vous pouvez me dire où se trouve la représentativité ici ? », tempête Housseini Amion Guindo, dont la formation comprend seize partis et des dizaines d’associations. Les principales forces politiques craignent que le pouvoir leur glisse entre les doigts au profit de la junte, qui a déjà placé ses principaux membres à la tête des ministères et autres postes clés. « D’autant que les membres du CNT sont désignés par le vice-président, Assimi Goïta [l’homme fort de la junte], normalement chargé des questions de sécurité, et que les principaux partis n’ont bénéficié que de quarante-huit heures pour choisir leurs candidats », continue cet ancien ministre, qui n’est pas le seul à mal digérer la nouvelle. Par la voix du président de son comité stratégique, Choguel Kokalla Maïga, le M5-RFP a fait savoir qu’il avait « unanimement décidé de ne pas participer au CNT dans le format proposé » : « Par conséquent, le M5-RFP dénie à quiconque d’y participer en son nom », peut-on lire dans un communiqué.

Cette ligne est de plus en plus suivie. Alors que chacun essayait de placer ses pions au lendemain du coup d’Etat, « les positions deviennent beaucoup plus rationnelles », observe Boubacar Haïdara, chercheur associé au laboratoire Les Afriques dans le monde de Sciences Po Bordeaux : « Et on assiste à la création d’un front commun contre le CNSP, composé des principaux regroupements politiques du Mali. » Qu’il s’agisse du Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD), composé des plus fervents opposants à l’ancien régime, de la formation Ensemble pour le Mali (EMP), qui représente la majorité déchue, ou encore du parti Yéléma, de l’ancien premier ministre Moussa Mara, tous ont appelé au boycott du CNT.

Une quarantaine de candidatures validées

« Le problème aujourd’hui, c’est qu’on n’arrive pas à avancer avec le CNSP et que les choses ne marchent pas comme nous l’avions souhaité », regrette Soungalo Traoré, cadre de l’Union pour la république et la démocratie (URD), principal parti d’opposition qui s’était dit prêt à accompagner la transition. Affirmant vouloir former un gouvernement apolitique, les membres de la junte ont évincé le groupe pour choisir les heureux élus au cas par cas.

Qui siégera au CNT ? Selon plusieurs sources interrogées, les militaires ont commencé par prospecter avant de publier l’appel à candidatures. Clément Dembélé, président de la Plateforme contre la corruption et le chômage (PCC) et membre fondateur du M5-RFP, a par exemple été approché. Comme « beaucoup de gens hors des partis, affirme-t-il, pour que le CNT ne soit pas un organe purement politique mais plus représentatif du peuple malien ». Lui a décidé de ne pas y participer, mais il constate que d’autres ont fait le choix de ne pas respecter le mot d’ordre de leur famille politique pour entrer dans les rangs de la transition. Une quarantaine de candidatures ont déjà été validées.

Source : Le Monde.fr
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