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Attaques terroristes : baroud d’honneur ou montée en puissance ?

Depuis 2012, le Mali est confronté à un phénomène devenu mondial : le terrorisme. Malgré l’assistance des forces internationales, le pays continue d’être endeuillé par des attaques djihadistes. Le 30 septembre, AQMI,  membre du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, diffuse une vidéo de propagande. Elle met en scène plusieurs attaques perpétrées au Mali, et des   menaces à  l’Occident. Parallèlement, les embuscades se multiplient sur le terrain. Fanfaronnade ou ascension ?

« Et la bataille continue… ». C’est l’intitulé de cette vidéo produite par Az-Zallaqa, un organe de propagande terroriste. Elle a été diffusée dimanche 30 septembre par Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), fidèle au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM). D’une durée de plus de trente minutes, elle revient sur les  différentes attaques opérées par ce mouvement dirigé par Iyad Ag Ghaly depuis mars 2017« Elle relate plusieurs attaques ayant eu lieu depuis la création du nouveau groupe. Il y a celle de Boulkessi en mars 2017, de Sevaré, de Gao, et d’autres contre la MINUSMA ou les FAMA », décortique Wassim Nasr, analyste des mouvements djihadistes et auteur du livre : « Etat Islamique, le fait accompli »« Mais le plus important c’est qu’elle est labélisée avec tous les labels d’Al-Qaïda et AQMI », révèle-t-il, ajoutant qu’« on y voit aussi les préparatifs de l’attaque complexe de l’aéroport de Tombouctou le 14 avril 2018». L’attentat avait enregistré un mort et une vingtaine de blessés. Les djihadistes, avant de passer à l’opération, s’étaient déguisés en soldats maliens, en casque bleus et en soldats français. Une stratégie de plus en plus utilisée.

Pour Yvan Guichaoua, enseignant chercheur à la Brussels School of International Studies (Université de Kent), « en dehors de la glorification de l’engagement militaire, la vidéo convoque les leaders intellectuels d’Al Qaïda et axe le discours sur la guerre entre l’Islam et l’Occident». Entretenir la terreur, créer la panique et la psychose aussi bien au nord et au centre du Mali qu’au-delà, semble être le souci de cette organisation terroriste.

Des groupes en puissance ? Avec l’intervention en 2013 de la force Serval (devenue Barkhane) pour stopper la progression djihadiste vers le sud du pays, les différents groupes ont été dispersés. Mais la déliquescence de l’Etat leur avait permis de se réorganiser au fil des années. En mars 2017, Iyad Ag Ghaly crée le groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, une fusion d’Ansar Dine, d’Al Qaïda, de la  Katiba du Macina et d’Almourabitoune. « Ils sont en train de monter en puissance parce qu’Iyad Agaly a réussi à les réunir après la débandade de 2013 », précise une source sécuritaire bien introduite. Depuis, les attaques sont menées avec audace et  professionnalisme. Voiture piégée, mines ensevelies, embuscades, tirs d’obus, attaques frontales, les djihadistes usent de tous les moyens nuisibles pour détruire leurs cibles. La MINUSMA, la force Barkhane, les forces armées maliennes sont toutes, aux yeux du GSIM,  des « ennemis » à saigner.

L’initiative de l’attaque est finalement devenue la leur. Le 26 septembre, sept soldats maliens et un civil ont été tués entre Bambara-Maoudé et Douentza suite à des  engins explosifs improvisés. Des actes tragiques inombrables. « Ces récentes attaques sont une manière de défier la communauté internationale. Ces djihadistes sont de plus en plus forts », souligne Mohamed Abdellahi Elkhalil, spécialiste des questions d’insécurité sociale et sécuritaire du Sahel. Malgré les opérations de la force Barkhane dans le Sahel, la menace selon Mahamadou Savadogo, spécialiste de l’extrémisme violent et de la radicalisation au Sahel, va grandissant. « Il y a une montée en puissance et un changement des stratégies de ces groupes terroristes. Au Burkina, ils sont en train de faire basculer les populations dans l’extrémisme violent en s’intégrant et en se confondant à elles », souligne-t-il. Les initiatives prises jusque-là par le Mali et ses partenaires n’ont pas permis de contrer le fléau. Le mal semble plus profond.

Mais tout de même, il n’y a « ni baroud d’honneur ni montée en puissance », selon Yvan Guichaoua. « Les djihadistes travaillent leurs objectifs politiques dans la durée et la défaite militaire fait partie de leur routine », dit-il, ajoutant que « lorsque la tendance est négative pour eux, ils font le dos rond, se redéploientg4, se restructurent, patientent, et exploitent politiquement les erreurs de leurs adversaires ».  Les bavures  et massacres de l’armée sur les populations civiles comme à Boulkessi sont ainsi mises à profit par les djihadistes. De plus en plus, ils  se montrent résilients  face aux situations. « Pour les prendre en défaut, il faut plus que de la pression militaire », mais « aussi  persuader les populations parmi lesquelles ils évoluent qu’il existe des modèles de société plus attractifs que le leur », indique le chercheur.

Barkhane et G5 Sahel : pour quels résultats ? Face au flux terroriste et aux attaques asymétriques, les Etats du Sahel sont mis à rude épreuve. La présence de  la Force Barkhane, autrefois Serval, a affaibli les différents groupes terroristes au Sahel. Des chefs djihadistes sont ciblés et des armes détruites. Fin août, dans la région de Ménaka, Barkhane a neutralisé un certain Mohamed Ag Almouner, un des chefs du groupe Etat Islamique au Grand Sahara. Selon la ministre française des Armées, Florence Parly, sur les antennes de RFI le  8 octobre, « plus de 130 terroristes » ont été neutralisés par Barkhane depuis le début de l’année. Concomitamment, cette force soutient l’armée malienne avec laquelle elle mène souvent des patrouilles sur le terrain. Son bilan reste malgré tout de même « mitigé ». Cela s’explique. « Elle a infligé des très lourdes défaites aux mouvements djihadistes, notamment dans la zone de Ménaka. Mais on constate que ces groupes parviennent à se redéployer pour continuer à harceler les forces maliennes et étrangères, tout en maintenant la pression sur  les populations civiles et les groupes signataires, par le biais d’assassinats ciblés », étaye Yvan Guichaoua, enseignant chercheur à la Brussels School of International Studies. Plusieurs paramètres rentrent aussi en jeu. « La machine organisationnelle contre-terroriste est toujours  plus lourde à faire fonctionner que celle des djihadistes », indique le chercheur. Par jour, la Force coûte à la France 1 million d’euros (soit 655 millions de francs CFA).

Quant à la Force du G5 Sahel, sa mission, en plus du développement, est de combattre le terrorisme tout le long des frontières des Etats membres. Plus d’une année après sa création, cette initiative n’a pas répondu aux urgences. Pire, elle a été attaquée dans ses fondements par les terroristes.  Au problème de financement s’ajoute « la qualité des ressources humaines ». « Les groupes terroristes ont anticipé sur les opérations annoncées par le G5 en élargissant au maximum le front », note Mahamadou Savodogo. Selon lui, « le fait d’annoncer les opérations sans les exécuter contribue plutôt à renforcer la résistance et l’adaptation des groupes terroristes ».  Depuis août, au moins 36 personnes ont été tuées dans des actes terroristes au Burkina Faso, dans sa partie frontalière avec le Niger et le Mali.

Incidence communautaire Bien que certains membres des groupes djihadistes soient des étrangers, force est de reconnaitre qu’ils opèrent avec des éléments locaux. D’où le traitement aussi complexe que sensible du sujet. Les rivalités communautaires anciennes sont le plus souvent vivifiéespar les accointances supposées avec des groupes terroristes. Des affrontements intercommunautaires, comme ce fut le cas entre les Daoussahak et les Peuls dans la région de Ménaka,  les Dogons et les Peuls au centre du pays et même au sein d’une même tribu (Iboguilitane et Idarfan) récemment à Ménaka. Les dernières  violences ont fait  plus de quarante morts parmi les civils. Pour Yvan Guichaoua, « il faut être prudent sur les causes qui peuvent être liées à des vendettas personnelles ou des affaires criminelles ». Aussi bien pour les groupes terroristes que pour les forces qui les combattent, les populations sont la matière à conquérir. « Chaque camp tente, dans son registre, de « gagner les cœurs et les esprits» des populations, fait savoir M. Guichaoua.

Les victimes du terrorisme se comptent chaque jour davantage et le quotidien des populations est ombrageux. Au regard du bourbier, l’horizon n’augure pas la fin prochaine des épreuves.

Journal du mali

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