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ASSASSINATS D’ELEVES-OFFICIERS DE L’EMIA EN 2011: les parents des victimes prêts à se faire entendre

Ceux qui ont assassiné froidement leurs camarades le 03 octobre 2011 pour des mobiles divers en se cachant derrière une traditionnelle cérémonie de bizutage à l’Ecole militaire interarmes de Koulikoro (Emia) sont libres comme le vent, pendant que les familles des victimes ruminent leur chagrin. Dame justice, de son côté, se fait désirer et c’est à peine si elle a souvenance, concernant cette affaire, que des criminels doivent être jugés pour mettre les familles des victimes dans leurs droits. Lasses d’attendre un procès qui ne pointe pas à l’horizon, les familles des victimes décident de se faire entendre par tous les moyens en leur faveur.

Dès le lendemain de cette affaire, « Le Sphinx » était sur le terrain, plus précisément à l’Emia de Koulikoro et aussi pour refaire le circuit emprunté par les élèves officiers lors de cette opération de bahutage qui a mal tourné. Nos enquêtes nous avaient permis de recueillir des révélations et témoignages accablants auprès des principaux témoins qui ont assisté à l’exécution sommaire de cinq de leurs camarades par leurs ainés de la 3ème année de l’Ecole militaire interarmes de Koulikoro (Emia). Une exécution déguisée en une opération musclée de bizutage ou de « bahutage » comme le disent nos militaires. Une enquête fut ouverte et de présumés auteurs des crimes arrêtés.

Flash-back sur des assassinats prémédités

Cinq jeunes élèves-officiers d’active sont morts ce triste jour du lundi 3 octobre 2011. Ils ont pour noms : Fatou Seck Gningue venue du Sénégal, Sékou Aw, Cheick Oumar Bouaré, Sidiki Tangara, Thierno S. Kéïta, tous de jeunes Maliens. Une chose est pour le moins sure : il ne s’agit pas d’accident, encore moins d’incident. Un des bourreaux, en l’occurrence Amadou Kaba Diakité, n’avait-il pas promis pendant le week-end précédent mort d’homme aux victimes lors de ladite séance de « bahutage » ? Le « bahutage » encore appelé « bizutage » est une tradition très contestée, au cours de laquelle, les aînés ou « affreux » dans le jargon militaire, à savoir ceux de la classe supérieure, manœuvrent à souhait leurs cadets. Qu’on se le dise tout de suite : la pratique n’est pas réglementaire. Il s’agit à l’origine juste de donner un aperçu des difficultés du parcours au nouvel arrivant dans le compartiment supérieur. Le bizutage a donc pour objectif de développer chez le futur officier le respect de la hiérarchie, le caractère et la personnalité, la résistance et l’endurance aux épreuves physiques et morales et de renforcer la solidarité et la cohésion du groupe.

Au cours du bizutage, les insultes, les atteintes à l’intégrité physique et autres formes de tortures sont strictement interdites. Aucun contact physique n’est autorisé. Et le phénomène n’est pas propre à l’armée malienne ou à l’Ecole militaire interarmes (Emia). Il existe au niveau de tous les autres corps (Police, Gendarmerie, Garde nationale, Douanes et mêmes certains établissements scolaires supérieurs). Mais hélas, il a tendance à se transformer en règlement de comptes dont celui fatal de l’Emia, ce 03 octobre 2011.

L’Emia, relevons-le, reste une école de formation plutôt intellectuelle que physique. Créée en 1963, elle était d’abord installée à Kati avant d’être transférée en octobre 1980 à Koulikoro sur le site que l’on baptisera, plus tard, Centre d’instruction Boubacar Sada Sy, (paix à son âme) du nom de l’ex-ministre de la Défense des années 1994. Ses missions sont connues. Il s’agit de la formation initiale des officiers d’active, de réserve et surtout, la promotion de la recherche scientifique et technologique. De manière formelle, la formation physique ne constitue pas à l’Emia une priorité. En tout cas, pas pour l’élève de 2ème année, lequel a déjà dépassé ce cap lors de la formation de base appelée CI (Centre d’instruction).

Ce qui s’est réellement passé ce 3 octobre 2011

Quelques jours avant, les victimes ont reçu des appels téléphoniques de la part de leurs futurs bourreaux les mettant en garde contre ce qui les attendait ce fameux lundi 3 octobre. Les menaces et harcèlements se faisaient tellement insistants au point que certaines prirent peur et sollicitèrent même la protection de certains officiers. Une alerte qui ne servit malheureusement à rien. Ils arrivèrent donc le samedi 1er octobre à l’école, la peur au ventre.

Le lundi 3 octobre donc, ils seront conduits à 4 heures du matin à Tientienbougou, un village à quelques kilomètres de Koulikoro où se trouve le site dévolu aux exercices de l’Ecole. Sans la présence d’instructeurs auxquels les bourreaux avaient acheté plusieurs bouteilles de vin, de gin, de bière, bref des hectolitres d’alcool qu’ils vont siroter loin, à l’ombre des manguiers. Ce fut la fin atroce de cinq des élèves-officiers et pour d’autres il fallait subir des sévices corporels atroces. Ils étaient au nombre de 57.

Noyé dans un tonneau, la tête fracassée

Arrivés sur les lieux, les tortionnaires prirent soin de leur retirer leurs téléphones portables avant de les soumettre à d’intenses manœuvres physiques. Si intenses que les élèves de la 2ème année se rendirent finalement compte que l’exercice dépassait le cadre du bizutage. Ils demandèrent clémence à leurs bourreaux. Sans succès. Pas de pitié. Certains commencèrent à évacuer du sang par les narines. Une situation qui aurait dû affecter n’importe quel humain en état normal. Mais les maîtres du jour n’en avaient cure. L’agonie des malheureux les amusait plutôt.

Ce qui fera dire à raison qu’ils étaient sous l’effet de l’alcool et/ou des stupéfiants. A notre passage à Tientienbougou, on a ramassé plusieurs mégots de marijuana et des sachets de gin. Déjà affaiblis et agonisant, les malheureux ne purent opposer une quelconque résistance à leurs ennemis. Ils se rendirent compte qu’ils étaient tombés dans un guet-apens, dans un véritable traquenard. Des traces de coups étaient visibles sur leurs corps. Leurs visages étaient tuméfiés et boursouflés. Les tortionnaires n’y étaient tout simplement pas allés avec le dos de la cuillère. Parmi eux figure, en bonne place, le nommé Amadou Kaba Diakité, fils d’une grande
dame. Il avait dit à ses victimes, une semaine à l’avance, qu’il était formé pour tuer. Il avait promis de vive voix à Thiermo Seydou Kéïta, une des victimes, et ce devant témoin, qu’il y aura mort d’homme au cours de cette épreuve de bizutage.

Selon nos investigations, c’est l’élève –officier d’active, Cheick Oumar Bouaré qui constituera leur première victime. Il était considéré, à tort, par les bourreaux du jour, comme le petit ami de la Sénégalaise, Fatou Seck Gningue, de la même classe. Elle sera exécutée dans des conditions effroyables que nous évoquerons plus tard. Cheick Oumar Bouaré fut roué de coups de bottes, de ceinturons et de bâtons. Quand il tomba, inerte, son camarade Sékou Aw implora l’indulgence des bourreaux. Ce qu’il ne fallait pas. Il fut pris à son tour. Ils le rouèrent de coups jusqu’à ce qu’il rendît son dernier souffle.

Leur ami, Thierno Seydou Kéïta, se mit à pleurer. On venait d’exécuter ses deux camarades devant lui. Il subit le même sort. Non sans s’être défendu vaillamment. Complètement épuisé, il eut le courage d’arracher des mains d’un de ses tortionnaires une gourde pour boire. Mal lui en prit. Ils le tabassèrent copieusement. Il courut vert un baril rempli d’eau de pluie pour boire. Ils le prirent par les deux pieds et l’immergèrent dans le fût jusqu’au dernier soubresaut de son jeune corps.

Comme le radeau de la Méduse

Mais qui sont les présumés auteurs de ces actes d’un autre siècle ? Toujours selon
nos investigations, ce sont, outre Ahmadou Kaba Diakité, qui semble être le cerveau, les élèves-officiers Daouda Soukouna, le chef Tonjon, Mahamadou Macalou, Moussa Balla Kanté, Kalifa Camara, Bakary Dramé (hélas) Modibo Diarra, Mohamed Coulibaly, Sekou Fané, Hawa Traoré, Halima Camara, Adiaratou Béré , Fatou Kéïta -oui, il y avait des filles- tous Maliens, Ousseini Karambiri (Burkinabé, Mouzon Banadjuba (Togolais), Mohamedoul M. Diaw (Sénégalais), Elvis Diaman Kouakou et Paul Brou (Ivoiriens) et j’en oublie.

Mais pourquoi s’en prendre à une femme, aussi ? Il nous revient que l’un des bourreaux, Ahmadou Kaba Diakité, était tombé fou amoureux de la dame Fatou Seck Gningue qui, comme toute bonne Sénégalaise, avait une forme de bouteille Coca-Cola. Elle n’a jamais cédé aux mille et une avances de son soupirant. Voilà le principal mobile de ces crimes perpétrés par les grands-frères qui ne pouvaient pas accepter que leurs cadets s’approchent plus qu’eux des filles qu’ils aiment.

Après Thierno Kéïta, ce fut donc le tour de leur ami Sidiki Tangara. Il subira le même sort que ces quatre autres camarades de « grin ». C’est en ce moment que Fatou Seck Gningue comprit que la fin était proche pour elle aussi.

Elle courût de toutes ses forces, poursuivie par la meute d’assassins. Elle rencontra un jeune berger de 15 ans, autour de la ceinture duquel elle s’accrocha comme le radeau de la Méduse. On l’arracha vivement pour la rouer de coups. Elle reçut en plein front un coup de ceinture qui lui fut fatal. Le jeune berger que « Le Sphinx » avait rencontré à Tientienbougou en tremblait encore. Lui et son grand-frère étaient dans les parages, ils en ont vu des choses.

Fatou est morte pour avoir rejeté l’idylle dont elle ne voulait pas. C’est son seul crime ! Thierno Seydou Keïta, Cheick Oumar Bouaré, Sidiki Tangara et Sekou Aw ont été exécutés. Ils sont morts, eux-aussi, à la fleur de l’âge. Leur seul crime a été d’être des camarades de classe et amis à la charmante Fatou Seck Gningue.

Il faut rappeler qu’ils ne sont pas les seules victimes de la horde sauvage. Il y avait 9 blessés graves parmi leurs camarades de classe. Ceux qui ont compris tôt qu’il s’agissait d’un traquenard ont vite pris leurs jambes au cou.

« Le Sphinx » avait rencontré plusieurs élèves de la 2ème année, sous le sceau de l’anonymat.
Leurs témoignages donnent froid au dos. Mais où étaient les instructeurs pendant toute cette boucherie ? Eh bien ! A l’ombre de la mangueraie en train de prendre du bon temps. Parmi eux, un capitaine, 5 lieutenants et 6 sous-lieutenants. Ils seront plus tard presque tous membres du Cnrdre, la junte militaire qui perpétra le coup d’état du 22 Mars 2012.

Les assassins se permettront après le coup d’Etat de profaner les tombes de leurs victimes/ Pourquoi tant de haine ? Ils seront les seuls, un jour, à pouvoir répondre à cette question.

Il est temps que justice soit faite car même si le Sénégal n’a rien dit depuis lors, il nous observe et attend de voir comment le Mali va gérer cette affaire dans laquelle une Sénégalaise a rendu l’âme pour avoir repoussé les avances d’une horde de prétendants. Sortir ce dossier des tiroirs pour que justice soit faite, c’est aussi soulager les parents des victimes car il ne peut y avoir de réconciliation et de paix sociale sans justice.

Mais aussitôt après le coup d’Etat le plus débile du siècle intervenu en 2012, une certaine presse commanditée par le lugubre Cnrdre avait commencé à lancer des ballons d’essai afin de préparer l’opinion nationale et internationale à la réintégration de ces assassins au sein de notre armée, notamment en faisant croire à l’opinion que les élèves-officiers d’active étrangers inculpés dans le meurtre de cinq de leurs cadets ont été réintégrés au sein de leur armée respective et que certains font même partie des contingents de leurs pays, envoyés au Mali, dans le cadre de la Misma devenue Minusma, pour aider le Mali à reconquérir son septentrion occupé par la centrale narco djihadiste. Comme nous l’écrivions en son temps dans les colonnes de ce journal, c’est parce que parmi les putschistes du 22 mars 2012, il y a quatre lieutenants qui avaient été mis sous mandat de dépôt par le juge d’instruction chargé de l’affaire pour le délit de non-assistance à personnes en danger.

Certains de leurs élèves-officiers avaient aussi arrêtés et inculpés pour coups et blessures volontaires ayant entrainé la mort, sans intention de la donner, coups et blessures volontaires avec préméditation, tortures, complicité, tout ceci à la suite d’une enquête préliminaire minutieusement menée par le Groupement de la Gendarmerie de Koulikoro.

D’ailleurs, le jour du coup d’Etat de mars 2012, ces quatre lieutenants ont libéré les élèves-officiers d’active qui étaient inculpés et incarcérés -disons plutôt en résidence surveillée – à l’école d’application des officiers de Kati. Ils leur ont remis armes et minutions pour descendre sur le Palais présidentiel sis à Koulouba. Ce sont ses officiers encadreurs à l’Emia et leurs élèves-officiers d’active qui devraient être radiés des effectifs de l’armée qui ont perpétré le putsch. Comme le disait une de nos sources proches du camp Soundiata de Kati, les mobiles des auteurs du coup d’Etat étaient divers car pour ces gens-là, il fallait sauter sur l’occasion pour se tirer des griffes de Dame justice.

En d’autres termes, en se cachant derrière l’argument fallacieux selon lequel il fallait renoncer à toute poursuite ils voulaient être exonérés de toute poursuite parce que leurs collègues étrangers inculpés dans le cadre de cette enquête sont rentrés dans leurs pays respectifs et ont été intégrés dans les rangs des armées, c’était une façon de se faire exonérer de jugement parce que, tout simplement, ils avaient « pris » le pouvoir depuis un certain 22 mars 2012. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles les putschistes n’ont jamais voulu donner la liste exhaustive des membres du tristement célèbre Cnrdre, au risque d’être, dès les premiers jours, désavoués par les Maliens.

Il faut rappeler aussi que le président ATT avait, malheureusement, refusé de signer leur décret de radiation sous le prétexte qu’il ne voulait pas affaiblir davantage l’Armée malienne qui était déjà en guerre au nord du pays. Et il avait même, entre temps, rappelé et nommé le colonel-major Soungalo Coulibaly, directeur de l’Emia au moment des faits, au poste de chef d’état-major adjoint de l’Armée.
Reconnaissons que le capitaine Amadou Haya Sanogo, bien qu’étant encadreur à l’Emia au moment des faits n’est pas du tout concerné par ce dossier pour la simple raison qu’il était, ce jour-là, absent de Tientienbougou, le village où ont eu lieu les assassinats. A son retour le soir à Koulikoro, c’est lui qui est allé demander aux encadreurs et aux élèves de retourner à l’Ecole. Il a bon dos certes, mais il n’a nullement été cité dans cette affaire, contrairement à plusieurs officiers qui avaient signé avec lui le putsch contre le régime ATT.

Il est temps, grand temps que justice soit rendue, après l’excellent travail mené par le Groupement de Gendarmerie de Koulikoro dont les procès-verbaux d’audition permettent de faire la part des choses sur le rôle et la responsabilité de chacun des inculpés. Mais hélas, tous ceux qui ont été arrêtés sont actuellement relâchés et l’on ne parle plus de ce dossier qui semble perdu dans les méandres de la justice, comme s’il existait des Maliens qui ont le droit de tuer de sang-froid sans être inquiété, alors que d’autres, les victimes ne doivent que pleurer leurs morts et se résigner. Ce dossier des crimes de l’Emia est à prendre en charge par la justice avec beaucoup de sérieux car il fait partie des éléments déterminants de la réconciliation dans le pays. A défaut, qui sait ce qui se passera demain ? Car les parents des victimes sont loin de baisser les bras.

Après une audition au Tribunal militaire, une arrestation de 17 co-auteurs de ces massacres qui bénéficieront de la liberté provisoire au niveau de la cour suprême après le refus de la Cour d’Appel, l’affaire semble être remise sous le boisseau.

Sans justice, toutes les dérives sont possibles.

Adama Dramé

Source: lesphinxmali

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