« La vérification de la Société ASAM-SA a relevé de nombreux dysfonctionnements dans le contrôle interne ainsi que des irrégularités financières ». Tel est le constat fait par le Bureau du vérificateur général dans son dernier rapport. Et, du coup le BVG donne raison à Dr Oumar Mariko qui avait même interpellé le ministre du Transport et de l’équipement sur le dossier. Et comme cette interpellation n’avait rien donné l’Honorable Dr Oumar Mariko avait saisi le BVG d’une plainte.
« …Le Vérificateur Général a initié la vérification financière de la société Assistance Aéroportuaire du Mali (ASAM-SA) pour les exercices 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015 (1er trimestre). Elle fait suite à une saisine du Vérificateur Général par un Député à l’Assemblée Nationale », a indiqué d’entrée de jeu le rapport. Avant d’ajouter « La vérification de la Société ASAM-SA a relevé de nombreux dysfonctionnements dans le contrôle interne ainsi que des irrégularités financières. Ces cas de violation se sont caractérisés par des manquements dans : le processus de sélection du Partenaire Technique et Financier (PTF) ; la mise en œuvre de la convention de partenariat technique et financier ; la collecte des recettes ; les opérations de dépenses ».
Pour toutes ces indélicatesses, le Vérificateur général a dénoncé au Procureur de la République la somme de 102, 55 millions de FCFA encaissée au titre des recettes, mais non comptabilisée. Il aussi porté à la connaissance du Procureur de la République que les valeurs de Lettres de Transport Aériens (LTA) ont été minorées de 28,03 millions de FCFA. Enfin, le Vérificateur général a tenu à porter à la connaissance du Procureur de la République que 8,14 millions de FCFA ont été payés pour des travaux non exécutés.
ASAM-SA ?
Le BVG a rappelé que ASAM-SA est une société anonyme d’économie mixte au capital d’un milliard de FCFA détenu à 51% par l’Etat du Mali et à 49 % par des privés maliens. « Elle assure l’assistance en escale à toutes les compagnies aériennes ayant une activité au Mali », précise le rapport du BVG. Avant de rappeler qu’ « À sa création, le Gouvernement du Mali a chargé le Ministre de l’Equipement et des Transports de choisir un Partenaire Technique et Financier (PTF) qui sera actionnaire à hauteur de 15% du capital de la société. A l’issue du processus de sélection, la convention a été signée avec la société Europe Handling Mali (EHM) ».
Et d’ajouter que « La présente mission de vérification a pour objet le processus de sélection du PTF, la mise en œuvre de la convention de partenariat technique et financier, les recettes générées à travers les Lettres de Transport Aérien (LTA) et les Fiches de Touchée (FTO), ainsi que les dépenses effectuées par marchés, contrats, bons de commande/bons de travail et sur les caisses ».
Après avoir indiqué que la vérification a pour objectif de s’assurer de la régularité et de la sincérité des opérations, le rapport dira qu’elle a concerné les exercices 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015 (1er trimestre 2015).
Importance de la vérification
« Le Gouvernement du Mali, sous l’influence de la mondialisation des économies et des échanges internationaux, a inscrit le développement d’infrastructures modernes, notamment aériennes au rang des priorités nationales », indique le rapport. Avant d’ajouter que « L’assistance en escale ou au sol est une activité connexe aux autres activités de transport aérien. Elle s’occupe du traitement des passagers, des bagages et du fret à l’embarquement comme au débarquement. Ce traitement s’étend également à l’avion au sol ». Selon le rapport « pour mieux l’encadrer, le Mali, membre de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI), a pris de nombreux textes juridiques se rapportant à l’aviation civile, en général, et à l’assistance en escale, en particulier ». Et de préciser que le Mali « a ainsi élaboré une Politique nationale de l’aviation civile et adopté des lois et décrets y afférents ». Avant d’annoncer qu’ « un dispositif institutionnel a été mis en place, articulé autour d’un certain nombre d’intervenants parmi lesquels la Régie Administrative de Gestion de l’Activité d’Assistance en Escale (RAGAAE), dont l’activité sera confiée à ASAM–SA. Issue du processus d’externalisation des activités du portefeuille de l’Etat, ASAM-SA est le fruit du partenariat public-privé. Elle constitue une société à participation financière publique majoritaire. Pour la mise en œuvre de ses activités, elle bénéficie d’une convention conclue le 5 janvier 2007 entre l’Etat du Mali et la société EHM ».
Il faut rappeler que pendant la période sous revue, la Société ASAM-SA a réalisé un chiffre d’affaires global de 26,81 milliards de FCFA. Et le BVG y a dénoté un enjeu économique important pour le Mali.
« Par ailleurs, le Vérificateur Général a été saisi par un Député à l’Assemblée Nationale afin de vérifier la Société ASAM-SA, à la gestion de laquelle il reprochait notamment de graves dysfonctionnements et irrégularités », précise le rapport.
Les constats
• Manquements dans le processus de sélection du Partenaire Technique et Financier (PTF), le BVG a constaté que :
La commission de dépouillement, d’évaluation et de jugement a analysé des offres de manifestation d’intérêt déposées hors délai. Sur les trois offres analysées, une seule a été réceptionnée dans le délai indiqué. En effet, les plis n°2 et 3 ont été reçus respectivement le 18 avril et le 13 avril 2006, dates antérieures à la publication, même, de l’avis qui a été lancé le 11 mai 2006.
La commission de dépouillement de la consultation restreinte internationale a sélectionné un soumissionnaire ne répondant pas aux conditions exigées par le dossier de consultation internationale. Contrairement aux critères du dossier de consultation restreinte, la commission a sélectionné un soumissionnaire n’ayant pas notamment l’expérience et le personnel qualifié. Le non-respect des critères d’évaluation peut amener la commission à sélectionner un PTF ne disposant des capacités pour fournir les services demandés.
La commission de dépouillement, d’évaluation et de jugement de la consultation restreinte internationale a retenu un PTF non immatriculé auprès de l’Administration fiscale. La société EHM, PTF signataire de la convention, ne disposait pas de Numéro d’identification Fiscale alors même que le dossier de consultation restreinte internationale le cite parmi les pièces à fournir par chaque membre individuel du groupement d’entreprises.
Le Ministre chargé des Transports a signé la convention relative au Partenariat Technique et Financier dans le cadre de l’assistance en escale avec un prestataire différent de l’attributaire provisoire. Il a conclu ladite convention avec la société EHM au lieu du Groupement Europe Handling Mali/Groupe TOMOTA qui a été retenu suite aux travaux de la commission de dépouillement, d’évaluation et de jugement des offres.
• Manquements dans la mise en œuvre de la convention de partenariat technique et financier, le BVG a constaté que :
Le Ministère chargé des Transports n’a pas évalué les performances du PTF. Malgré les dispositions de la convention de partenariat technique et financier qui préconisent cette évaluation, le Ministère n’a pu fournir aucun rapport y afférent.
Le Ministre chargé des Transports n’adresse pas de rapport annuel au Gouvernement sur la Société ASAM-SA, en violation des dispositions du Décret n°05-112/P-RM du 9 mars 2005 déterminant les modalités de participation de l’Etat au capital de la Société ASAM-SA qui en fait une exigence. L’absence d’un tel document ne permet pas à l’Etat de s’assurer de la mise en œuvre conforme de la convention de partenariat.
Le Ministre chargé des transports n’a pas rendu la convention conforme aux dispositions du décret relatif à l’assistance en escale sur les aéroports.
Ladite convention fait du PTF le seul prestataire au Mali à travers la Société ASAM-SA qui exerce tous les services de l’activité en escale sur les plateformes aéroportuaires au Mali. Ce monopole des services de l’activité d’assistance en escale, concédé pour une durée de 25 ans renouvelable par tacite reconduction pour la même période, est contraire au Décret n°2011-600/P-RM du 16 septembre 2011 qui indique que le nombre de prestataires ou le nombre de transporteurs aériens autorisé ne peut être inférieur à deux par service. Le non-respect de cette disposition du décret susvisé fausse les règles de la libre concurrence dans le domaine de l’assistance en escale.
• Manquements dans la collecte des recettes, le BVG a constaté que :
Le Caissier du Centre Fret de la Société ASAM-SA n’a pas comptabilisé des recettes des Lettres de Transports Aériens (LTA).
Des LTA physiques valorisées et archivées au Centre Fret n’ont pas fait l’objet d’enregistrement ni dans le brouillard de caisse ni dans la comptabilité de la Société ASAM-SA. Le montant total de ces LTA encaissées mais non comptabilisées est de 102,55 millions de FCFA
Le Caissier du Centre Fret de la Société ASAM-SA a enregistré des montants inférieurs aux valeurs figurant sur des LTA. Le montant total enregistré est de 29,39 millions de FCFA alors que celui des LTA physiques s’élève à 57,42 millions de FCFA, soit un montant compromis de 28,03 millions de FCFA.
• Manquements dans les opérations de dépenses, le BVG a constaté que :
La Société ASAM-SA a passé des marchés sans l’autorisation préalable de la Direction Générale des Marchés Publics et des Délégations de Service Public (DGMP-DSP). Les contrats de marchés conclus par la Société ASAM-SA dont les montants atteignent 100 millions de francs CFA, seuil requérant l’avis de non-objection de la DGMP-DSP, n’ont pas été soumis à celle-ci pour son autorisation préalable. Ces marchés ont été passés soit par consultation directe, soit par consultation restreinte, en violation des dispositions du code des marchés publics. La non-soumission des marchés à l’autorisation préalable de la DGMP-DSP ne garantit pas la transparence du processus de passation des marchés.
Le Directeur Administratif et Financier a payé des travaux non exécutés. Le contrôle d’effectivité de constructions a révélé que des travaux prévus dans deux contrats n’ont pas été exécutés ou ne l’ont été que partiellement. Le montant total de ces travaux non réalisés, mais payés s’élève à 8,14 millions de FCFA.
Le Directeur Administratif et Financier n’a pas retenu l’Impôt sur les Bénéfices Industriels et Commerciaux (IBIC) sur les paiements effectués aux prestataires locaux non immatriculés. Les retenues non opérées se chiffrent à 13,59 millions de FCFA. Il en est de même pour certains prestataires étrangers pour un montant total de 3,98 millions de FCFA.
Sur la base des constatations issues de cette vérification, le Vérificateur Général a formulé des recommandations. Mieux, il a dénoncé au Procureur de la République les faits suivants : aux recettes encaissées mais non comptabilisées pour la somme de 102,55 millions de FCFA ; aux Lettres de Transport Aériens (LTA) dont les valeurs ont été minorées pour un montant de 28,03 millions de FCFA ; aux travaux payés non exécutés pour un montant total de 8,14 millions de FCFA.
Assane Koné
Source: notrenation