Déclaration de l’association malienne des procureurs et poursuivants (AMPP) et la référence syndicale des magistrats (REFSYMA) suite à I’auto saisine sans base légale de la Cour Suprême d’affaires relevant de par la Constitution et la Loi en vigueur, de la connaissance exclusive de la Haute Cour de Justice :
Résolument engagées dans la lutte contre l’impunité sous quelque forme qu’elle soit, par la promotion d’un système de justice pénale performant, respectueux des règles de procédure et des droits de l’homme tels que définis par la DUDH,
Suivent avec attention l’évolution des procédures judiciaires , suite à des anomalies et irrégularités relevées dans les rapports de vérification du Bureau du Vérificateur Général, accablant de hautes personnalités du régime, à l’occasion de passation et d’exécution de marchés publics relatifs à l’achat de l’avion présidentiel, des équipements et fournitures militaires, au cours de l’année 2014;
Se fondant sur la Constitution, la Charte de la Transition, les lois Organiques régissant les institutions juridictionnelles prévues par la Constitution et l’arrêt de la Cour Constitutionnelle refusant aux membres du Conseil National de Transition (CNT) la qualité de député, seule donnant pouvoir de statuer sur des questions de mise en accusation des personnalités justiciables de la Haute Cour de Justice,
Rappellent que ces dispositions constitutionnelles et législatives qui sont toutes d’ordre public, de même que la décision juridictionnelle sus évoquée lient la Cour Suprême qui ne saurait y déroger, sous quelque motif ou considération, au risque de basculer la République vers un « Gouvernement des juges », avec ses tristes conséquences;
Expriment leur inquiétude et se désolent de voir les premiers responsables de la cour suprême, donner à l’institution judiciaire, l’allure d’un organe instrumentalisé, pour fausser les règles du jeu démocratique, en prévision des prochaines compétitions électorales, notamment la présidentielle; En l’état de notre droit positif, soutiennent que s’agissant de l’instruction des dossiers impliquant des personnalités justiciables de la Haute Cour de Justice, la saisine de la commission d’instruction de la Cour Suprême par le Procureur Général près ladite cour, est sans base juridique en l’absence de tout acte de mise en accusation émanant de l’Assemblée Nationale, formalité substantielle et le préalable à toute intervention du parquet de la Cour Suprême, pour la mise en mouvement de l’action publique ;
Qu’en conséquence, dans le cas d’espèce, aucune considération politique, ou un quelconque argument tiré d’une jurisprudence anachronique d’ailleurs imaginaire , ne saurait justifier une violation aussi grave des règles procédurales établies en la matière, par la plus haute institution judiciaire du pays dont des militants de I’AMPP et de la REFSYMA sont également membres à part entière, mais dont les avis n’ont pas été recueillis dans la prise d’une décision aussi hautement juridique que sérieuse engageant la responsabilité de tous ;
Relèvent que cette auto saisine irrégulière par la Cour Suprême non prévue par aucune disposition de la charte de Transition, pour connaitre des dossiers sus spécifiés, est contraire à la Constitution et aux lois de la République en ce qu’elle, viole la loi portant Organisation Judiciaire, tout en desservant la Justice, l’Etat de droit et la Démocratie ;
Réaffirmant d’une part leur engagement au principe de l’indépendance du pouvoir Judiciaire dont la défense s’impose à tous comme un devoir et, d’autre part que la suprématie de la Cour Suprême n’a de sens que si elle incarne les valeurs de cette indépendance à travers des décisions responsables conformes à la Constitution et aux lois de la République,
Souffrent de voir la Cour Suprême donner à l’opinion publique, le sentiment d’un organe instrumentalisé en mission commandée en fin d’une période transitoire, pour anéantir des candidats potentiels déclarés aux futures échéances électorales, lesquels seraient gênants ;
Regrettent que des rumeurs d’arrestation programmée par la rue, sur fond d’acharnement et de règlement de comptes, abondamment relayées par des membres du CNT acquis au pouvoir, soient devenues des réalités dès le début de « l’information judiciaire », comme si cette intervention musclée de la Cour Suprême n’avait autre raison que de donner une couverture judiciaire à une volonté partisane ;
Rappelant que pour mériter la confiance et l’adhésion du Peuple au nom duquel elle est rendue, la Justice doit s’exercer conformément aux dispositions constitutionnelles et à la loi, dans la sérénité, le respect des citoyens et de leurs droits garantis par des règles de procédure, sans passion, ni faiblesse ;
Invitent incessamment les acteurs de la justice à la vigilance et la mobilisation responsable pour repousser toute forme d’instrumentalisation de la justice ou toute attitude de nature à jeter le discrédit sur l’institution judiciaire, dont le rôle reste crucial, tant dans le renforcement de la Paix et de la stabilité, que dans la consolidation de l’Etat de droit, de la démocratie et la bonne gouvernance, toutes choses auxquelles notre peuple aspire légitimement.
Concluant que l’intérêt du Peuple, la crédibilité de l’institution judiciaire, voire des autorités de Transition, commandent que les différents dossiers impliquant des personnalités justiciables de la seule Haute Cour de Justice, ayant fait l’objet d’une auto saisine irrégulière par la Cour Suprême, soient traités conformément au droit et aux règles de procédure en vigueur ;
Bamako, le 26 Août 2021
Le Président
Cheick Mohamed Cherif KONE
1er Avocat Général