Dimanche et lundi, des sympathisants du général Amadou Haya Sanogo ont marché pour protester contre son inculpation par la justice. Hier lundi, vers 10 heures, notre équipe de reportage a failli être prise à partie par des manifestants qui ne voulaient pas être photographiés. Après quelques explications avec les plus âgés du groupe, les ardeurs se sont estompées. Mais les plus « sages » du groupe nous ont demandé de faire vite notre travail et de quitter les lieux au plus pressé. Ce qui a été fait. Mais la tension est montée d’un cran dans l’après-midi quand les manifestants ont appris que trois des leurs ont été interpellés par la police. Ils ont brûlé des pneus bloquant ainsi toutes issues menant au marché de la ville. Les motocyclistes contournaient les pneus fumants sous le regard hostile de jeunes gens très remontés.
À l’entrée de la base militaire, 4 véhicules pick-up et un camion étaient remplis d’agents de maintien de l’ordre qui venaient de disperser quelques dizaines de manifestants positionnés à l’intersection menant au marché de la ville-garnison. On n’apercevait ni banderole, ni pancarte, mais les frondeurs proféraient deux revendications et une série d’accusations contre les toutes nouvelles autorités militaires. La plupart des manifestants étaient des jeunes et des femmes, armés de bâtons et de pierres ou de morceaux de brique. Ils exigeaient rien de moins que la mise en liberté de l’ancien homme fort de Kati, le général Amadou Haya Sanogo, ainsi que le limogeage de l’actuel ministre de la Défense.
Si à Bamako, on énonce que personne n’est et ne sera au-dessus de la loi, à Kati, les manifestants pensent autrement. C’est le cas de Siriman Keïta, caillou en main, le t-shirt trempé de sueur sous un soleil de plomb : « Personne n’a le droit de juger Sanogo. Car il n’a tué personne. Il s’est défendu contre des gens qui voulaient le tuer. C’est de la légitime défense. L’arrestation de Sanogo est un règlement de compte ». Pendant notre entretien, une jeune fille est venue souffler à l’oreille de notre interlocuteur l’arrivée imminente de la police. Notre vis-à-vis interrompit aussitôt l’entretien tandis que la foule se dispersait à toutes jambes dans la direction du marché.
De loin, sous un hangar, un groupe de femmes nous fit signe d’approcher. Aucune d’entre elles n’a accepté décliner son identité, mais une d’entre elles a pris la parole au nom de ses camarades pour protester contre l’arrestation du général Sanogo. « Nous allons marcher tous les jours jusqu’à la libération de Sanogo. Aussi, il n’y aura ni école ni travail ici à Kati. Le général n’a rien fait sauf qu’il dérange les politiciens. Nous avons compris les politiciens de Bamako qui se sont servis des militaires pour arriver au pouvoir. Et maintenant, ils ont mis Sanogo en prison. Ce matin, trois jeunes ont été arrêtés par la police venue de Bamako. Pourquoi tout ça ?», interroge-t-elle.
À Kati, en compagnie d’enfants prenant du plaisir à proférer des propos outrageants contre les autorités de la République, les manifestants croient dur comme du fer à la thèse du complot. « Pourquoi la justice n’est pas venue arrêter Sanogo à Kati ? Ils l’ont obligé à déménager à Bamako avant de l’arrêter. Nous ne sommes pas d’accord et nous disons que c’est un complot et un règlement de compte des ministres de la Justice et de la Défense », crie Oumar Sidibé, un des manifestants.
Nous n’avons vu aucun blessé, même si le groupe de femmes assure que l’un des trois jeunes arrêtés par la police a été touché au nez au cours de son interpellation.
A l’école de Koulouba, les cours se déroulaient normalement et la police antiémeute montait la garde prêt du rond point menant à la présidence de la République.
A. DIARRA